Secrétaire général du FPI, parti de Laurent Gbagbo, Sylvain Miaka Ouretto a été de ceux de l`ex-parti au pouvoir à reconnaitre le pouvoir du Président Ouattara. Dans une interview accordée à "Le Démocrate" d`hier, que nous reproduisons, il dit ce qu`il pense d`une éventuelle entrée du FPI au gouvernement d`union.
Comment se porte aujourd`hui le Front populaire ivoirien (Fpi) ?
Je vous remercie. Le FPI est complètement disloqué. Le siège du parti, notre lieu de travail est saccagé. Beaucoup de nos cadres sont aujourd`hui dans la débandade. Nombreux sont ceux qui se sont refugiés dans les pays limitrophes. Pour ceux restés sur place, ils se sont planqués pour préserver leur vie. Il n`y a que quelques rares têtes dont moi-même et le président Mamadou Koulibaly qui jouissent encore de la liberté de leurs mouvements. Nous sommes aujourd`hui en train de lutter pour faire revivre notre parti.
En quoi consiste votre rôle exactement ?
Vous savez, la démocratie par essence est un jeu d`alternance au pouvoir. Lorsque que vous vous installez de façon indéfinie au pouvoir, il n`y a pas de démocratie. C`est pourquoi, dans la Constitution, on prend toujours le temps de limiter le nombre de mandats présidentiels. Il s`est avéré que ce qui s`est passé a été plutôt une véritable crise, pour ne pas dire une véritable guerre. Au sortir de cette épreuve, tout le monde est naturellement paniqué. C`est l`insécurité et la suspicion généralisée, on se regarde en chiens de faïence et au-delà des partis politiques, c`est le pays entier qui en souffre. Or le sens des partis politiques, c`est de créer l`émulation pour que le génie qui est en chacun de nous puisse être mis à la disposition des populations. Une fois l`émotion passée, chacun doit revenir à de meilleurs sentiments et se dire que l`essentiel, c`est la Côte d`Ivoire. Nous-mêmes, quand nous parlons de refondation, c`est dire qu`il faut reconstruire de façon générale l`économie nationale d`une autre façon pour que tout le monde en profite. Le président Ouattara qui est vainqueur de l`élection est là, il a un programme de société. Il nous appartient dans la sérénité de le mettre à l`épreuve et de le regarder travailler, après on le jugera.
A cause de la politique, nous ne devons pas rester divisés de façon éternelle.
Si nous revenons un peu en arrière : Que regrettez-vous au FPI?
Dans le jeu politique en Afrique, on met en avant la conception patrimoniale du pouvoir d`Etat. L`arrivée au pouvoir est l`occasion de s`enrichir et compte tenu de la pauvreté, le leader qui est arrivé au pouvoir, on lui dit qu`il faut qu`il conserve ce pouvoir. C`est souvent l`occasion pour ceux qui poussent ce leader de se servir de lui pour leurs besoins personnels. Si nous avons une approche désintéressée du pouvoir, je pense que ça peut éviter les positions rigides.
C`est pour cela qu`on ne vous a pas trop entendu pendant la crise ?
C`est pour tout cela que je me suis dit que le jeu est fait. Quand vous avez le pouvoir, vous pouvez adopter une attitude, mais quand vous regardez derrière et que vous voyez toute cette population dépitée, vous vous rebiffez souvent et vous êtes rigides sur votre position et vous vous dites que vous n`entendez pas perdre ce pouvoir. C`est ce qui pousse parfois les leaders politiques à l`extrémisme qui n`arrange pas toujours les choses.
Avez-vous les nouvelles du président Gbagbo aujourd`hui ?
Je ne suis pas plus informé que vous. Aujourd`hui, nous devons servir de courroie de transmission. Le président Ouattara est au pouvoir. Comme nous sommes tous des hommes, il faut lui donner le temps pour réfléchir. Il faut l`encourager. Au moment où il n`a pas encore mis toutes ses idées en place, il ne faut pas venir avec des revendications qu`il peut percevoir comme une sorte d`agression. Après, au moment où chacun aura mis un peu d`eau dans son vin, on viendra lui dire ce qui se passe. Nous pensons que cela viendra avec le temps. Depuis son avènement au pouvoir, il tient des discours de réconciliation que nous apprécions. Nous pensons qu`au moment venu, nous irons voir le Président de la République.
Vous n`avez pas encore eu Simone Gbagbo non plus...
Nous ne l`avons pas encore eue. Nous n`avons pas encore eu l`occasion de la voir. Quelqu`un à Yamoussoukro a essayé de toucher le problème en approchant Charles Konan Banny. Il lui a dit que comme nous sommes dans une phase de procédure, seuls les avocats peuvent leur rendre visite. Nous attendons donc.
En 2000, au niveau du District d`Abidjan, il y avait une alliance FPI-PDCI?
Si mes souvenirs sont exacts, je ne dirai pas que c`était véritablement une alliance. Dans notre pays, en raison de ce que nous observons comme rapports de force en présence, chaque parti peut avoir une attitude opportuniste. Et l`opportunisme, ça existe en politique mais dans le sens positif. Il s`est trouvé que pour l`élection du District qui était une approche nouvelle dans noire pays, nous avions tous vu que nos frères Ebrié, propriétaires terriens d`Abidjan, bien qu`ayant donné leur terre, ont été délaissés. Dans la salle de l`Hémicycle, c`est moi qui ai reçu les cadres du PDCI et du FPI de la région des Lagunes. Je leur ai dit que l`heure est venue de mettre leurs différends de côté pour regarder dans la même direction, pour tirer quelque chose du passage de Laurent Gbagbo au pouvoir.
Monsieur le Secrétaire général, avez-vous un bilan à faire aujourd`hui ? Qu`est-ce qui n`a pas marché véritablement au FPI ?
Un bilan c`est beaucoup de travail, et on aura l`occasion de le faire. Mais comme tout parti jeune, il y a des forces et des faiblesses. Quand vous prenez un parti comme le Fpi, il faut la vieille garde. Souvent les gens ironisent avec la vieille garde mais il ne faut pas la rejeter. La vieille garde, c`est la chambre d`expériences de sorte que les jeunes qui arrivent avec les diplômes et la fougue, soient éclairés sur certaines choses. II y a certains paramètres que nous n`avons pas su bien gérer.
M. Miaka Oréto, avez-vous des nouvelles de certains leaders des jeunes patriotes, à commencer par Blé Goudé ... qui affirment être au FPI?
Les jeunes " patriotes" affiliés au FPI, je pense qu`on peut se permettre de récuser cela en tant que membres de la direction du Fpi. Blé Goudé a toujours dit qu`il ne travaillait pas pour le Fpi. Nous avions une configuration telle que Laurent Gbagbo constituait une sorte de parti politique. Certains Ivoiriens trouvaient en lui une manière particulière de gérer le pouvoir. Parce que l`homme avait dépouillé le pouvoir de tout mystère. Ce sont ces considérations qui ont fait qu`autour de lui, se sont agglutinés des jeunes qui sont des patriotes. Pour en revenir à Blé Goudé il a toujours pris ses distances avec le FPI. Je ne sais pas où il se trouve aujourd`hui.
Vous n`avez donc pas les nouvelles de Blé Goudé ?
Non.
Et Konaté Navigué ?
Lui au moins, je peux avoir de ses nouvelles puisque quelqu`un de son entourage m`a appelé. On ne s`est pas encore rencontré, mais ce dernier m`a donné l`information qu`il est dans un pays de la sous-région.
Et Damana Pickas ?
Je n`ai aucune nouvelle.
Vous avez parlé de l`Assemblée générale du FPl. Peut-on avoir une idée de la date ?
Nous avons le Comité central extraordinaire pour demain mercredi (ndlr, 25 mai) au siège du CNRD.
On va parler de réconciliation. Quelle est la part que le Fpi entend jouer… ?
Aujourd`hui, il y a beaucoup de choses à l`ordre du jour. Le président de la République Alassane Ouattara parle de réconciliation, et il y a des actes qu`il entend poser avec notamment le gouvernement d`union nationale. Le Fpi entre oui ou non dans ce gouvernement ? En tant que parti politique, nous allons parler entre nous. Dans un parti politique, il faut échanger. Quand vous n`échangez pas, il y a des dérapages qu`on peut observer si vous n`êtes pas au même niveau d`information.
Vous êtes le gardien du temple actuellement, n`avez-vous pas votre petite idée sur le gouvernement d`union nationale ou d`ouverture ?
En ce qui concerne le gouvernement d`ouverture, j`ai eu à le dire en me référant au président Laurent Gbagbo. Il avait dit que la situation politique de notre pays est telle qu`aujourd`hui, un parti politique ne peut se dire fort et gouverner seul. Je pense que c`est vrai. Nous sommes un pays pauvre où les leaders politiques drainent avec eux une frange de la population parce qu`elle pense que c`est à travers lui qu`elle peut s`en sortir. Il y a tous ces paramètres qui sont des variables muettes dans l`équation politique de notre pays, et qu`il faut toujours essayer de gérer en tenant compte de cette crise. Quand Ouattara propose ce gouvernement d`union nationale, c`est une certaine façon de traduire la sincérité de son adhésion. De ce point de vue, nous avons dit que si la main nous était tendue, nous prendrions notre part dans ce gouvernement. Et puis, à quoi ça peut servir la politique de la chaise vide ? Quand vous faites la politique de la chaise vide, les gens décident à votre place. Et si vous prenez le coup, vous n`avez qu`à vous en prendre à vous-mêmes.
Que direz-vous aux militants du Fpi qui seraient aujourd`hui habités par l`esprit de vengeance après la chute de Laurent Gbagbo ?
Le poste de Secrétaire général me met en contact avec plusieurs militants et tous ceux qui viennent vers moi m`encouragent dans la voie que je suis. Ils me disent que je suis en train de sauver le parti de sorte que ceux qui sont cachés aujourd`hui puissent revenir. On me dit que je suis la courroie de transmission. L`esprit de vengeance n`existe plus. Se venger, c`est prendre conscience de la réalité politique, s`organiser et tirer courageusement des enseignements de ce qui s`est passé et nous constituer en une opposition crédible en prévision des futures batailles électorales.
Pour les législatives qui se profilent à l`horizon, comment le Fpi par votre biais entend s`organiser pour acquérir plus de députés ?
Je pense que c`est une question de fond. Nous sortons d`une crise profonde. Avec le temps, les tensions vont s`estomper. Nous sommes des frères, avant d`être des acteurs politiques. Notre devoir est de nous considérer comme tels. La politique, c`est l`émulation. Quand il n`y a pas d`émulation, l`homme dort sur ses lauriers. Il ne s`agit pas de monopoliser le pouvoir mais d`ouvrir le jeu politique. Aujourd`hui, avec ce qui s`est passé et si cela reste tel, aucun militant du Fpi ne peut avoir le courage de présenter son candidat. Il y a cette peur, c`est pourquoi, j`en appelle à tous surtout aux autorités pour qu`un climat de sérénité puisse revenir. Il faut la démocratie et chercher à voir comment on peut progresser dans la voie de la démocratie. Nous devons considérer la démocratie comme irréversible. Nous avions proposé pour les législatives le scrutin proportionnel amélioré. C`est-à-dire qu`on ira sur la base des listes. La liste qui a gagné a la majorité des députés, et la liste qui a perdu a quand bien même quelques députés. On prend par exemple une circonscription où il y a cinq (5) députés. La liste qui a gagné a la majorité des députés et celle qui a perdu à la minorité. Cela permettrait d`équilibrer la représentation nationale.
C`est ce que vous allez proposer bientôt ?
Nous entendons, avec le concours des experts, proposer cela. Nous allons mûrir l`idée et la proposer au Président de la République. En ce qui concerne les enfants d`une même région, ils peuvent s`entendre en mettant en avant l`intérêt de leur région. Qu`il s`agisse des Conseils généraux ou des mairies, les enfants d`une région donnée peuvent s`entendre. Avec cette manière, nous sommes sûrs qu`il peut avoir un pouvoir et un contre-pouvoir qui puissent nous permettre de progresser.
Quel rôle le Fpi entend jouer dans le processus de réconciliation ?
Le Fpi a un rôle majeur à jouer. C`est le parti qui a gouverné le pays ces dernières années. A ce titre, il est quelque part responsable de ce qui s`est passé. Nous sommes le pouvoir sortant et dans la réconciliation des Ivoiriens, nous avons une grande responsabilité à assumer. Puisque nous venons de perdre le pouvoir, c`est à nous de mettre de l`eau dans notre vin et de dire à nos compatriotes ainsi va la vie politique. Nous-mêmes au Fpi sommes restés longtemps dans l`opposition avant d`arriver au pouvoir en 2000. Le Président Ouattara lui-même n`est pas un nouveau venu sur la scène politique en Côte d`Ivoire ; il est resté également dans l`opposition depuis longtemps, et aujourd`hui il est aux affaires. C`est ça le jeu politique. Nous au Fpi, nous sommes maintenant dans l`opposition, il nous appartient de travailler pour que si Dieu le veut, on revienne au pouvoir. En clair, il ne faut pas détruire ce qu`on a acquis quand on a quitté le pouvoir. Ce n`est pas du tout bien et cela est contraire à notre philosophie.
Etiez-vous à Yamoussoukro à l`investiture ?
Evidemment.
Comment avez-vous trouvé la fête ?
La fête a été gigantesque. Et je pense que c`est de bon augure par rapport au souci de réconciliation. La fête était multicolore et tout le monde y était; la chefferie traditionnelle et les acteurs politiques. Nous nous sommes ensuite réjouis de la présence des différents chefs d`Etat amis de la sous-région et des partenaires extérieurs. La France était là dans toute sa solennité, avec son président, Nicolas Sarkozy. Ce sont des témoins majeurs de la cérémonie.
Avez-vous un appel à lancer à certains jeunes "patriotes", aux miliciens qui n`auraient pas encore déposé les armes ?
Je voudrais dire aux militants du Fpi et au-delà, à tous les Ivoiriens qui se reconnaissaient en Laurent Gbagbo qu`aujourd`hui, ce n`est pas la fin du monde que Laurent Gbagbo ait perdu le pouvoir. Lui-même n`a-t-il pas dit qu`en politique, quand vous allez en lutte et qu`il y en a un qui tombe, il faut enjamber son corps, pour que la lutte continue? La Côte d`Ivoire vit. Or notre objectif, c`est comment rendre cette Côte d`Ivoire belle. Comment des personnes qui y vivent se sentent à l`aise pour qu`on puisse noter dans la conscience collective que quand nous étions aux affaires, nous avons fait quelque chose de positif pour le pays. Il n`est pas bon que pour une affaire de pouvoir, qu`on détruise le pays et des vies. Il faut que chacun de nous adresse une prière à Dieu pour dire, plus jamais ça, plus jamais que cela arrive à nous les Ivoiriens.
La vie est tellement précieuse. Dieu nous l`a donnée pour qu`on en profite. Il est seul à réguler cette vie. A l`endroit de tous les militants, je dis sincèrement que le temps de la belligérance est passé. Il faut absolument qu`on laisse l`esprit de belligérance de côté pour montrer que nous sommes un parti mûr. Nous devons faire preuve de maturité et nous devons sur l`échiquier politique national revendiquer notre place et nous donner les moyens de mériter cette place. Donc tous ceux qui sont en cachette et qui ont peur, qu`ils sortent. Le Président Ouattara a dit que ce ne sera pas la chasse aux sorcières. Si on dit que ce ne sera pas la chasse aux sorcières et que toi-même tu es sorcier déjà et que tu te caches, ce sera toi-même qui t`aurais chassé et non quelqu`un d`autre.
Le Président Ouattara entame son mandat maintenant. Avez-vous commentaire à faire ?
J`en appelle à la mobilisation de tous les Ivoiriens autour de lui. La démocratie ne doit pas exclure qu`il faille avoir un comportement positif et constructif vis-à-vis du pouvoir qui est en place. Par exemple, à l`académie Clermont-Ferrand où j`ai étudié, on peut y être et ne pas savoir quelle est l`appartenance politique de tel ou tel professeur. En tant que fonctionnaire d`Etat français, il fait correctement le travail pour lequel il est payé. C`est lors des grands colloques qu`on peut savoir s`il est d`un bord politique. Mon professeur, Pierre Pascallon, qui paraissait comme un homme de gauche, était pourtant au Rpr qui était le parti de Jacques Chirac. C`est une parenthèse pour dire que ces choses sont reléguées en France au second plan. Ce qui importe, c`est l`intérêt supérieur de la nation et la conscience qu`on a d`être citoyen d`un pays; la conscience de se mettre à la disposition du pays.
En voulez-vous au Président Bédié au Fpi ?
On aurait voulu que l`appel du Président Bédié après le premier tour soit en la faveur du Fpi; mais comme je l`ai dit, en politique, il y a la vieille garde et la fougue de la jeunesse qui voudrait que les choses se passent de cette façon. Mais pour celui qui a de l`expérience, il sait exactement où se trouve l`intérêt du pays. Je crois que c`est ce qui a guidé l`attitude du Président Bédié.
Donc vous ne lui en voulez pas ?
Exactement, non.
Au terme de notre entretien, avez-vous un appel à lancer ?
Je l`ai déjà dit. L`heure de belligérance est terminée. Mais je voudrais inviter le gouvernement à agir afin que tout le monde soit en sécurité. Des éléments incontrôlés, des hommes en tenues sévissent toujours ... et même à l`Ouest, il faut y mettre fin pour la quiétude des populations ivoiriennes.
In LE DEMOCRATE N°18
Comment se porte aujourd`hui le Front populaire ivoirien (Fpi) ?
Je vous remercie. Le FPI est complètement disloqué. Le siège du parti, notre lieu de travail est saccagé. Beaucoup de nos cadres sont aujourd`hui dans la débandade. Nombreux sont ceux qui se sont refugiés dans les pays limitrophes. Pour ceux restés sur place, ils se sont planqués pour préserver leur vie. Il n`y a que quelques rares têtes dont moi-même et le président Mamadou Koulibaly qui jouissent encore de la liberté de leurs mouvements. Nous sommes aujourd`hui en train de lutter pour faire revivre notre parti.
En quoi consiste votre rôle exactement ?
Vous savez, la démocratie par essence est un jeu d`alternance au pouvoir. Lorsque que vous vous installez de façon indéfinie au pouvoir, il n`y a pas de démocratie. C`est pourquoi, dans la Constitution, on prend toujours le temps de limiter le nombre de mandats présidentiels. Il s`est avéré que ce qui s`est passé a été plutôt une véritable crise, pour ne pas dire une véritable guerre. Au sortir de cette épreuve, tout le monde est naturellement paniqué. C`est l`insécurité et la suspicion généralisée, on se regarde en chiens de faïence et au-delà des partis politiques, c`est le pays entier qui en souffre. Or le sens des partis politiques, c`est de créer l`émulation pour que le génie qui est en chacun de nous puisse être mis à la disposition des populations. Une fois l`émotion passée, chacun doit revenir à de meilleurs sentiments et se dire que l`essentiel, c`est la Côte d`Ivoire. Nous-mêmes, quand nous parlons de refondation, c`est dire qu`il faut reconstruire de façon générale l`économie nationale d`une autre façon pour que tout le monde en profite. Le président Ouattara qui est vainqueur de l`élection est là, il a un programme de société. Il nous appartient dans la sérénité de le mettre à l`épreuve et de le regarder travailler, après on le jugera.
A cause de la politique, nous ne devons pas rester divisés de façon éternelle.
Si nous revenons un peu en arrière : Que regrettez-vous au FPI?
Dans le jeu politique en Afrique, on met en avant la conception patrimoniale du pouvoir d`Etat. L`arrivée au pouvoir est l`occasion de s`enrichir et compte tenu de la pauvreté, le leader qui est arrivé au pouvoir, on lui dit qu`il faut qu`il conserve ce pouvoir. C`est souvent l`occasion pour ceux qui poussent ce leader de se servir de lui pour leurs besoins personnels. Si nous avons une approche désintéressée du pouvoir, je pense que ça peut éviter les positions rigides.
C`est pour cela qu`on ne vous a pas trop entendu pendant la crise ?
C`est pour tout cela que je me suis dit que le jeu est fait. Quand vous avez le pouvoir, vous pouvez adopter une attitude, mais quand vous regardez derrière et que vous voyez toute cette population dépitée, vous vous rebiffez souvent et vous êtes rigides sur votre position et vous vous dites que vous n`entendez pas perdre ce pouvoir. C`est ce qui pousse parfois les leaders politiques à l`extrémisme qui n`arrange pas toujours les choses.
Avez-vous les nouvelles du président Gbagbo aujourd`hui ?
Je ne suis pas plus informé que vous. Aujourd`hui, nous devons servir de courroie de transmission. Le président Ouattara est au pouvoir. Comme nous sommes tous des hommes, il faut lui donner le temps pour réfléchir. Il faut l`encourager. Au moment où il n`a pas encore mis toutes ses idées en place, il ne faut pas venir avec des revendications qu`il peut percevoir comme une sorte d`agression. Après, au moment où chacun aura mis un peu d`eau dans son vin, on viendra lui dire ce qui se passe. Nous pensons que cela viendra avec le temps. Depuis son avènement au pouvoir, il tient des discours de réconciliation que nous apprécions. Nous pensons qu`au moment venu, nous irons voir le Président de la République.
Vous n`avez pas encore eu Simone Gbagbo non plus...
Nous ne l`avons pas encore eue. Nous n`avons pas encore eu l`occasion de la voir. Quelqu`un à Yamoussoukro a essayé de toucher le problème en approchant Charles Konan Banny. Il lui a dit que comme nous sommes dans une phase de procédure, seuls les avocats peuvent leur rendre visite. Nous attendons donc.
En 2000, au niveau du District d`Abidjan, il y avait une alliance FPI-PDCI?
Si mes souvenirs sont exacts, je ne dirai pas que c`était véritablement une alliance. Dans notre pays, en raison de ce que nous observons comme rapports de force en présence, chaque parti peut avoir une attitude opportuniste. Et l`opportunisme, ça existe en politique mais dans le sens positif. Il s`est trouvé que pour l`élection du District qui était une approche nouvelle dans noire pays, nous avions tous vu que nos frères Ebrié, propriétaires terriens d`Abidjan, bien qu`ayant donné leur terre, ont été délaissés. Dans la salle de l`Hémicycle, c`est moi qui ai reçu les cadres du PDCI et du FPI de la région des Lagunes. Je leur ai dit que l`heure est venue de mettre leurs différends de côté pour regarder dans la même direction, pour tirer quelque chose du passage de Laurent Gbagbo au pouvoir.
Monsieur le Secrétaire général, avez-vous un bilan à faire aujourd`hui ? Qu`est-ce qui n`a pas marché véritablement au FPI ?
Un bilan c`est beaucoup de travail, et on aura l`occasion de le faire. Mais comme tout parti jeune, il y a des forces et des faiblesses. Quand vous prenez un parti comme le Fpi, il faut la vieille garde. Souvent les gens ironisent avec la vieille garde mais il ne faut pas la rejeter. La vieille garde, c`est la chambre d`expériences de sorte que les jeunes qui arrivent avec les diplômes et la fougue, soient éclairés sur certaines choses. II y a certains paramètres que nous n`avons pas su bien gérer.
M. Miaka Oréto, avez-vous des nouvelles de certains leaders des jeunes patriotes, à commencer par Blé Goudé ... qui affirment être au FPI?
Les jeunes " patriotes" affiliés au FPI, je pense qu`on peut se permettre de récuser cela en tant que membres de la direction du Fpi. Blé Goudé a toujours dit qu`il ne travaillait pas pour le Fpi. Nous avions une configuration telle que Laurent Gbagbo constituait une sorte de parti politique. Certains Ivoiriens trouvaient en lui une manière particulière de gérer le pouvoir. Parce que l`homme avait dépouillé le pouvoir de tout mystère. Ce sont ces considérations qui ont fait qu`autour de lui, se sont agglutinés des jeunes qui sont des patriotes. Pour en revenir à Blé Goudé il a toujours pris ses distances avec le FPI. Je ne sais pas où il se trouve aujourd`hui.
Vous n`avez donc pas les nouvelles de Blé Goudé ?
Non.
Et Konaté Navigué ?
Lui au moins, je peux avoir de ses nouvelles puisque quelqu`un de son entourage m`a appelé. On ne s`est pas encore rencontré, mais ce dernier m`a donné l`information qu`il est dans un pays de la sous-région.
Et Damana Pickas ?
Je n`ai aucune nouvelle.
Vous avez parlé de l`Assemblée générale du FPl. Peut-on avoir une idée de la date ?
Nous avons le Comité central extraordinaire pour demain mercredi (ndlr, 25 mai) au siège du CNRD.
On va parler de réconciliation. Quelle est la part que le Fpi entend jouer… ?
Aujourd`hui, il y a beaucoup de choses à l`ordre du jour. Le président de la République Alassane Ouattara parle de réconciliation, et il y a des actes qu`il entend poser avec notamment le gouvernement d`union nationale. Le Fpi entre oui ou non dans ce gouvernement ? En tant que parti politique, nous allons parler entre nous. Dans un parti politique, il faut échanger. Quand vous n`échangez pas, il y a des dérapages qu`on peut observer si vous n`êtes pas au même niveau d`information.
Vous êtes le gardien du temple actuellement, n`avez-vous pas votre petite idée sur le gouvernement d`union nationale ou d`ouverture ?
En ce qui concerne le gouvernement d`ouverture, j`ai eu à le dire en me référant au président Laurent Gbagbo. Il avait dit que la situation politique de notre pays est telle qu`aujourd`hui, un parti politique ne peut se dire fort et gouverner seul. Je pense que c`est vrai. Nous sommes un pays pauvre où les leaders politiques drainent avec eux une frange de la population parce qu`elle pense que c`est à travers lui qu`elle peut s`en sortir. Il y a tous ces paramètres qui sont des variables muettes dans l`équation politique de notre pays, et qu`il faut toujours essayer de gérer en tenant compte de cette crise. Quand Ouattara propose ce gouvernement d`union nationale, c`est une certaine façon de traduire la sincérité de son adhésion. De ce point de vue, nous avons dit que si la main nous était tendue, nous prendrions notre part dans ce gouvernement. Et puis, à quoi ça peut servir la politique de la chaise vide ? Quand vous faites la politique de la chaise vide, les gens décident à votre place. Et si vous prenez le coup, vous n`avez qu`à vous en prendre à vous-mêmes.
Que direz-vous aux militants du Fpi qui seraient aujourd`hui habités par l`esprit de vengeance après la chute de Laurent Gbagbo ?
Le poste de Secrétaire général me met en contact avec plusieurs militants et tous ceux qui viennent vers moi m`encouragent dans la voie que je suis. Ils me disent que je suis en train de sauver le parti de sorte que ceux qui sont cachés aujourd`hui puissent revenir. On me dit que je suis la courroie de transmission. L`esprit de vengeance n`existe plus. Se venger, c`est prendre conscience de la réalité politique, s`organiser et tirer courageusement des enseignements de ce qui s`est passé et nous constituer en une opposition crédible en prévision des futures batailles électorales.
Pour les législatives qui se profilent à l`horizon, comment le Fpi par votre biais entend s`organiser pour acquérir plus de députés ?
Je pense que c`est une question de fond. Nous sortons d`une crise profonde. Avec le temps, les tensions vont s`estomper. Nous sommes des frères, avant d`être des acteurs politiques. Notre devoir est de nous considérer comme tels. La politique, c`est l`émulation. Quand il n`y a pas d`émulation, l`homme dort sur ses lauriers. Il ne s`agit pas de monopoliser le pouvoir mais d`ouvrir le jeu politique. Aujourd`hui, avec ce qui s`est passé et si cela reste tel, aucun militant du Fpi ne peut avoir le courage de présenter son candidat. Il y a cette peur, c`est pourquoi, j`en appelle à tous surtout aux autorités pour qu`un climat de sérénité puisse revenir. Il faut la démocratie et chercher à voir comment on peut progresser dans la voie de la démocratie. Nous devons considérer la démocratie comme irréversible. Nous avions proposé pour les législatives le scrutin proportionnel amélioré. C`est-à-dire qu`on ira sur la base des listes. La liste qui a gagné a la majorité des députés, et la liste qui a perdu a quand bien même quelques députés. On prend par exemple une circonscription où il y a cinq (5) députés. La liste qui a gagné a la majorité des députés et celle qui a perdu à la minorité. Cela permettrait d`équilibrer la représentation nationale.
C`est ce que vous allez proposer bientôt ?
Nous entendons, avec le concours des experts, proposer cela. Nous allons mûrir l`idée et la proposer au Président de la République. En ce qui concerne les enfants d`une même région, ils peuvent s`entendre en mettant en avant l`intérêt de leur région. Qu`il s`agisse des Conseils généraux ou des mairies, les enfants d`une région donnée peuvent s`entendre. Avec cette manière, nous sommes sûrs qu`il peut avoir un pouvoir et un contre-pouvoir qui puissent nous permettre de progresser.
Quel rôle le Fpi entend jouer dans le processus de réconciliation ?
Le Fpi a un rôle majeur à jouer. C`est le parti qui a gouverné le pays ces dernières années. A ce titre, il est quelque part responsable de ce qui s`est passé. Nous sommes le pouvoir sortant et dans la réconciliation des Ivoiriens, nous avons une grande responsabilité à assumer. Puisque nous venons de perdre le pouvoir, c`est à nous de mettre de l`eau dans notre vin et de dire à nos compatriotes ainsi va la vie politique. Nous-mêmes au Fpi sommes restés longtemps dans l`opposition avant d`arriver au pouvoir en 2000. Le Président Ouattara lui-même n`est pas un nouveau venu sur la scène politique en Côte d`Ivoire ; il est resté également dans l`opposition depuis longtemps, et aujourd`hui il est aux affaires. C`est ça le jeu politique. Nous au Fpi, nous sommes maintenant dans l`opposition, il nous appartient de travailler pour que si Dieu le veut, on revienne au pouvoir. En clair, il ne faut pas détruire ce qu`on a acquis quand on a quitté le pouvoir. Ce n`est pas du tout bien et cela est contraire à notre philosophie.
Etiez-vous à Yamoussoukro à l`investiture ?
Evidemment.
Comment avez-vous trouvé la fête ?
La fête a été gigantesque. Et je pense que c`est de bon augure par rapport au souci de réconciliation. La fête était multicolore et tout le monde y était; la chefferie traditionnelle et les acteurs politiques. Nous nous sommes ensuite réjouis de la présence des différents chefs d`Etat amis de la sous-région et des partenaires extérieurs. La France était là dans toute sa solennité, avec son président, Nicolas Sarkozy. Ce sont des témoins majeurs de la cérémonie.
Avez-vous un appel à lancer à certains jeunes "patriotes", aux miliciens qui n`auraient pas encore déposé les armes ?
Je voudrais dire aux militants du Fpi et au-delà, à tous les Ivoiriens qui se reconnaissaient en Laurent Gbagbo qu`aujourd`hui, ce n`est pas la fin du monde que Laurent Gbagbo ait perdu le pouvoir. Lui-même n`a-t-il pas dit qu`en politique, quand vous allez en lutte et qu`il y en a un qui tombe, il faut enjamber son corps, pour que la lutte continue? La Côte d`Ivoire vit. Or notre objectif, c`est comment rendre cette Côte d`Ivoire belle. Comment des personnes qui y vivent se sentent à l`aise pour qu`on puisse noter dans la conscience collective que quand nous étions aux affaires, nous avons fait quelque chose de positif pour le pays. Il n`est pas bon que pour une affaire de pouvoir, qu`on détruise le pays et des vies. Il faut que chacun de nous adresse une prière à Dieu pour dire, plus jamais ça, plus jamais que cela arrive à nous les Ivoiriens.
La vie est tellement précieuse. Dieu nous l`a donnée pour qu`on en profite. Il est seul à réguler cette vie. A l`endroit de tous les militants, je dis sincèrement que le temps de la belligérance est passé. Il faut absolument qu`on laisse l`esprit de belligérance de côté pour montrer que nous sommes un parti mûr. Nous devons faire preuve de maturité et nous devons sur l`échiquier politique national revendiquer notre place et nous donner les moyens de mériter cette place. Donc tous ceux qui sont en cachette et qui ont peur, qu`ils sortent. Le Président Ouattara a dit que ce ne sera pas la chasse aux sorcières. Si on dit que ce ne sera pas la chasse aux sorcières et que toi-même tu es sorcier déjà et que tu te caches, ce sera toi-même qui t`aurais chassé et non quelqu`un d`autre.
Le Président Ouattara entame son mandat maintenant. Avez-vous commentaire à faire ?
J`en appelle à la mobilisation de tous les Ivoiriens autour de lui. La démocratie ne doit pas exclure qu`il faille avoir un comportement positif et constructif vis-à-vis du pouvoir qui est en place. Par exemple, à l`académie Clermont-Ferrand où j`ai étudié, on peut y être et ne pas savoir quelle est l`appartenance politique de tel ou tel professeur. En tant que fonctionnaire d`Etat français, il fait correctement le travail pour lequel il est payé. C`est lors des grands colloques qu`on peut savoir s`il est d`un bord politique. Mon professeur, Pierre Pascallon, qui paraissait comme un homme de gauche, était pourtant au Rpr qui était le parti de Jacques Chirac. C`est une parenthèse pour dire que ces choses sont reléguées en France au second plan. Ce qui importe, c`est l`intérêt supérieur de la nation et la conscience qu`on a d`être citoyen d`un pays; la conscience de se mettre à la disposition du pays.
En voulez-vous au Président Bédié au Fpi ?
On aurait voulu que l`appel du Président Bédié après le premier tour soit en la faveur du Fpi; mais comme je l`ai dit, en politique, il y a la vieille garde et la fougue de la jeunesse qui voudrait que les choses se passent de cette façon. Mais pour celui qui a de l`expérience, il sait exactement où se trouve l`intérêt du pays. Je crois que c`est ce qui a guidé l`attitude du Président Bédié.
Donc vous ne lui en voulez pas ?
Exactement, non.
Au terme de notre entretien, avez-vous un appel à lancer ?
Je l`ai déjà dit. L`heure de belligérance est terminée. Mais je voudrais inviter le gouvernement à agir afin que tout le monde soit en sécurité. Des éléments incontrôlés, des hommes en tenues sévissent toujours ... et même à l`Ouest, il faut y mettre fin pour la quiétude des populations ivoiriennes.
In LE DEMOCRATE N°18