La fin de la crise post-électorale oriente nos regards vers l'avenir. L'opinion que le public se fait de nos leaders politiques, acteurs centraux dans la construction de notre avenir repose le plus souvent sur des idées reçues difficiles à tuer. Les élections de 2010 ont révélé Bédié : un démocrate soutenant un mouvement pour déloger un candidat refusant d'accepter le verdict des urnes. Après son dernier combat, Bédié est-il encore actuel et utile pour notre avenir commun dans le nouveau système d'alliance ivoirien pour gagner et gouverner ?
Bédié a été victime de nombreuses idées reçues, et présenté par ses adversaires comme " un homme du passé ", fini. C'était même le thème de campagne privilégié par les refondateurs épaulés par des moyens médiatiques et financiers colossaux de l'Etat afin d'abattre un redoutable adversaire politique, au moment où Bédié s'engageait dans ce qu'il a lui-même appelé son " dernier combat", à 75 ans. Ses détracteurs ne pariaient gros sur son succès dans cette aventure. L'homme était, de fait, confronté à deux grands problèmes à résoudre : réduire d'abord au maximum l'influence d'adversaires non ouvertement déclarés au sein de son propre parti ; et confondre ensuite ses détracteurs des autres formations politiques ivoiriennes et de l'étranger en remportant, à la Soglo, la victoire dix ans après son éviction du pouvoir. L'enjeu était de taille dans cet effort ultime, à un âge avancé : se sacrifier pour relever un pays en voie d'effondrement qu'il avait contribué à bâtir avec et après Houphouët-Boigny, afin de lui redonner son audience internationale et de le repositionner en Afrique et dans le monde avant de se retirer définitivement de la scène politique. Son récent parcours de la scène politique ivoirienne révèle des leçons utiles pour notre avenir commun au lendemain de la sortie de la crise postélectorale. Bédié a montré qu'il est loin d'être un homme du passé, au moment où ses détracteurs sont frappés par une sénilité précoce en politique, et où pèse, sur certains d'entre eux, la menace d'une comparution devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de sang. Bédié a perdu les élections, mais a triomphé au finish, en donnant une magistrale leçon de réalisme politique et de haute culture démocratique à ses adversaires, à ses concitoyens et à l'Afrique. Bédié a tué une partie des idées reçues véhiculées à son propos. L'énigmatique et taciturne Sphinx de Daoukro achève ainsi l'épisode de son dernier combat pour le pouvoir comme un grand et fin stratège politique, mieux averti et plus actuel que ses pourfendeurs déconnectés d'un contexte géopolitique mondial en mutation accélérée. Bédié a joué sur trois tableaux : en enclenchant d'abord une révolution démocratique et tranquille au sein du PDCI ; en contribuant ensuite à l'apaisement du climat politique dans son pays déchiré ; en étant enfin, avec les autres dirigeants du RHDP, au cœur d'une nouvelle vision africaine de la compétition entre partis politiques dans une position de faiseur de roi.
Ruptures et germes de
changement dans le système Pdci sous l'ère Bédié
L'observation du système politique ivoirien sous l'ère Bédié dévoile l'introduction d'un germe de changement passé inaperçu, marqué par une " révolution démocratique tranquille " au sein de son parti dont l'impact pourrait être national à long terme. Parler de " révolution tranquille " et démocratique initiée par Bédié fait probablement sourire des albatros politiques autoproclamés révolutionnaires, nationalistes, souverainistes et progressistes. Et pourtant, l'homme a apporté incontestablement un germe de changement pas facilement perceptible par les non initiés aux diagnostics à caractère prospectif. Le déclenchement de la " révolution tranquille " de Bédié au sein de son parti a été subrepticement amorcé avec l'inauguration du principe de la compétition pour départager les militants du PDCI aspirant à accéder au poste le plus élevé à la direction de ce parti. Certes, une direction neuve avait été déjà imprimée par Houphouët-Boigny, en 1980, en matière de compétition interne pour le pouvoir ; mais elle ne concernait que l'élection des députés et des maires, le sacro-saint poste présidentiel étant un domaine à lui réservé. Les candidats à la députation étaient choisis par le Parti pour figurer sur une liste unique présentée ensuite à toutes les régions du pays. Les militants ainsi retenus étaient inéluctablement élus. L'adoption des candidatures multiples au sein d'un parti unique pour amorcer un changement en douceur en 1980 a été appelée à l'époque " la démocratie à l'ivoirienne ". La classe politique à l'Assemblée nationale a été, depuis lors, constamment rajeunie en faisant une large place aux cadres obligés de s'investir humainement dans le développement de leurs régions. La rupture créée par Bédié, sans démystifier la fonction de président du Parti, est une coordonnée historique importante pour appréhender les mutations internes à venir du système PDCI.
Alors que le Président Bédié était encore en exil en France après son éviction du pouvoir, il y eut de nombreux remous sur la question de la gestion du parti avec un Président loin de ses bases. D'aucuns préconisèrent même la mise en congé de l'exilé. Bédié a choisi ce moment pour accepter, avec un grand esprit d'ouverture, dans la mouvance d'un débat contradictoire en son absence, d'affronter des concurrents de son parti pour l'élection démocratique du représentant du PDCI aux élections présidentielles de 2000. Bombet remporta les suffrages des militants dans cette première haute compétition. Il fut investi à l'Hôtel Ivoire comme candidat du PDCI au cours d'une cérémonie pleine d'émotions. Mais sa candidature fut rejetée en même temps que celle d'autres postulants des partis politiques significatifs par le Président de la Cour suprême. A son retour d'exil en France, Bédié donne un autre signal fort en acceptant d'affronter son Secrétaire général, Dona-Fologo, qui refusait désormais " d'être un suiveur ", et Lamine Fadika, pour l'élection du président du PDCI. Il a été élu par les militants à 82% et chargé par la convention de conduire le PDCI à la victoire aux présidentielles de 2005.
Le troisième signal fort de l'esprit d'ouverture démocratique de Bédié a été donné lors du choix du candidat du PDCI aux élections présidentielles de 2005. Sur proposition du Bureau politique, et conformément aux dispositions des statuts et règlements du Parti, la concurrence a été introduite pour la première fois, entre candidats libres. Même si aucun militant n'a osé répondre à cet appel, le principe de l'ouverture a créé un précédent qui vaudra son pesant d'or dans l'évolution, au plan interne, du fonctionnement du PDCI comme organisation politique pour l'avenir, à la seule condition que la tradition inaugurée soit irréversible. Bédié a été investi le 11 mars 2006 au Parc des sports après les consultations régionales des militants de base. Face à l'avenir, un germe de changement ne prospère jamais de lui-même : il est susceptible de prendre des directions multiples non souhaitées et a donc besoin d'être accompagné, piloté. Il n'est pas exclu, à la faveur de la césure initiée par Bédié, que le germe de changement se transforme en tendance, se renforce et s'étende à d'autres hautes fonctions au sein du PDCI dans la transparence. Mais la plus grande leçon de démocratie que Bédié laisse à la postérité est l'acceptation, avec hauteur et dignité, de sa défaite au premier tour des présidentielles de 2010, suivie de son repli stratégique pour amener le candidat du RHDP à la victoire au second tour en demeurant fidèle à ses engagements. L'homme a révélé que son oui est un oui, et son non un non. Bédié a ainsi émergé comme un Sémaphore, un Grand Président, un authentique disciple de Houphouët-Boigny, donc un passionné de Paix, que nous n'avons pas encore fini de découvrir. Il faut noter enfin que le PDCI RDA est la seule formation politique significative en Côte d'Ivoire à avoir innové en donnant à ses militants la possibilité d'arriver au sommet de la hiérarchie dans un parti par la voie d'une compétition démocratique. Une telle ouverture est la voie idéale pour contribuer à la dynamisation du PDCI et au rajeunissement de ses acteurs susceptibles d'influencer à leur tour, démocratiquement, l'avenir de notre pays. Le plus vieux parti demeure donc dans le vent, et un parti d'avant-garde. Ses plus jeunes militants doivent s'inscrire dans la dynamique de compétition et exploiter au maximum ce créneau pour émerger au sein du PDCI RDA, puis dans la nation. La démocratie que nous appelons de tous nos vœux passe par la promotion de la culture démocratique au sein même de nos partis politiques pour un climat politique apaisé.
Contribution à l'apaisement
du climat politique
en Côte d'Ivoire
L'adresse du Président Ouattara à son illustre prédécesseur et ainé lors de son investiture est un important témoignage sur la contribution de Bédié à l'apaisement du climat politique dans une Côte d'Ivoire déchirée. " Je voudrais rendre hommage à votre sens élevé du devoir, votre profond amour pour notre pays et votre attachement à la Paix. Je vous remercie pour votre soutien constant ainsi que votre présence à mes côtés " (Yamoussoukro, 21 mai 2011). De fait, alors qu'il n'était plus président du pays, de septembre 2002 à la fin de la crise post-électorale, de nombreux actes et attitudes du premier successeur de Houphouët pour une démocratie apaisée prouvent que cet hommage n'est pas une vaine flatterie. Bédié a souvent pris à contre-pied des décisions du Bureau politique du PDCI fortement applaudies par ses militants en faveur de manifestations publiques interdites par le régime FPI. Ces interdictions étaient assorties de menaces venant des plus hautes autorités militaires. Les événements ont toujours donné raison à Bédié pour les avoir ajournées parce qu'elles mettaient en péril la vie des militants. L'une des rares manifestations qu'il a soutenues pour attirer l'attention des Ivoiriens et de la communauté internationale sur la non application des accords de Marcoussis, malgré de multiples pressions internes (des religieux) et externes (de chefs d'Etat) a occasionné l'hécatombe des mars 2004. On a dénombré plus d'une centaine de morts officiellement, et plusieurs centaines selon le recensement du PDCI et du RDR. La manifestation n'avait pourtant pas eu le temps de démarrer parce que l'armée avait mobilisé les forces terrestre, aérienne et maritime pour l'empêcher. La crise postélectorale a achevé d'illustrer, après l'affaire des déchets toxiques, la faillite morale des dirigeants FPI sur la question sécuritaire et le peu d'importance qu'ils attachent à la protection de la vie des Ivoiriens. Or, vivre en sécurité et en paix est la première aspiration et le premier droit du citoyen. Garantir la paix et la sécurité est aussi le premier devoir régalien d'un pouvoir au sommet d' l'Etat. Lorsque ce pouvoir se rend lui-même coupable de la violation du droit fondamental à la sécurité et à la paix, il se rend alors illégitime. L'attitude de Bédié qui lui a valu l'hommage appuyé de Ouattara est un motif d'espoir pour l'évolution de notre démocratie et la protection de droits humains fondamentaux dans la nouvelle page de notre histoire qui est en train de s'écrire à un moment où les frères ennemis d'hier de la famille houphouétiste, réconciliés autour d'un dialogue direct entre eux, et dont ils détiennent seuls les secrets, sont désormais des complices pour le promotion de l'idéal houphouétiste.
Une nouvelle vision dans
le système d'alliance politique en Afrique
La complicité de Bédié, Ouattara, Mabri et Anaky pour la réécriture de l'histoire de notre pays et sa reconstruction flèche une nouvelle vision dans le système d'alliance entre partis politiques pour gagner et gérer collectivement le pouvoir en Afrique qui honore notre pays. La victoire du RHDP et du peuple souverain de Côte d'Ivoire n'est pas seulement un triomphe sur la dictature, l'imposture et la forfaiture ; elle a été obtenue par une voie originale qui indique comment éjecter les dirigeants indéracinables qui encombrent le paysage politique africain. La stratégie concoctée à Paris en 2005 à la naissance du RHDP pour aller collectivement à la conquête du pouvoir a été payante. Le respect des engagements pris a joué un rôle capital dans la victoire du RHDP et donne une leçon de dépassement de soi en certaines circonstances, et d'aptitude de dirigeants à se rassembler pour une grande cause nationale qui transcende les intérêts d'un Parti. Le RHDP renoue ainsi avec l'idéologie et les valeurs fondatrices du RDA originel né à Bamako, sur les bords du Grand Niger, en 1946, pour mobiliser ses militants. La Côte d'Ivoire, à travers le RHDP, vient de s'illustrer de fort belle manière après la Tunisie et l'Egypte. Laurent Gbagbo n'a pas cru en la capacité de dépassement de ses adversaires de demeurer soudés. Il a été victime de sa propre méprise, convaincu, en plus " qu'il n'y avait rien en face " de son hyper puissance. Le RHDP a balayé un mythe qui lui permet d'ouvrir une nouvelle page sur l'avenir de la nouvelle Côte d'Ivoire. Rien n'est prédestiné et tout reste à penser, à construire, à consolider et à pérenniser. La pensée qui doit précéder cette construction ne saurait être le seul fait de la classe politique. Elle devrait impliquer des approches formelles et même épistémologiques de la part de ceux dont le métier est de réfléchir sans œillères, et sans tomber dans le dithyrambe, sur le devenir de nos organisations politiques. Le plus dur reste donc à faire pour capitaliser les enseignements sur les avancées démocratiques en Côte d'Ivoire suscitées par les leaders politiques du RHDP. Un des défis est de progresser ensemble en conservant la spécificité et l'identité de chaque parti dans un EOI (Esprit Ouvert et Innovateur). La poursuite de la révolution tranquille et apaisée initiée par Bédié appelle donc un effort de création humaine permanente (ECHP) pour remobiliser une large frange de la jeunesse ivoirienne qui a cumulé, en dix ans d'une refondation ahurissante, abrutissante et vieillotte, des esprits violents, retors, cupides et rétrogrades (EVRCR) dans l'univers académique. Le sens de l'Anticipation, du Rassemblement, l'Expérience, le Volontarisme, le Réalisme, le Pragmatisme, la Patience et la Sagesse, poinçons et Labels de l'Houphouétisme, ainsi que les Conseils de Bédié qui a gagné en perdant pourront y contribuer à partir de sa retraite paisible de Daoukro. Bédié est encore utile pour le profilage des sillons de la Nouvelle Côte d'Ivoire Rassemblée, Réconciliée et Démocratique. Il a prouvé dans son " dernier combat " qu'il n'est pas un " homme du passé ". Les vrais "pneus crevés" méditent actuellement en ordre dispersé sur leur forfaiture et sur l'échec de la tentative insensée de confiscation du pouvoir du peuple ivoirien souverain par un parti de professeurs qui n'a pas d'avenir pour avoir discrédité l'élite africaine.
Pr KOBY Assa Théophile
Bédié a été victime de nombreuses idées reçues, et présenté par ses adversaires comme " un homme du passé ", fini. C'était même le thème de campagne privilégié par les refondateurs épaulés par des moyens médiatiques et financiers colossaux de l'Etat afin d'abattre un redoutable adversaire politique, au moment où Bédié s'engageait dans ce qu'il a lui-même appelé son " dernier combat", à 75 ans. Ses détracteurs ne pariaient gros sur son succès dans cette aventure. L'homme était, de fait, confronté à deux grands problèmes à résoudre : réduire d'abord au maximum l'influence d'adversaires non ouvertement déclarés au sein de son propre parti ; et confondre ensuite ses détracteurs des autres formations politiques ivoiriennes et de l'étranger en remportant, à la Soglo, la victoire dix ans après son éviction du pouvoir. L'enjeu était de taille dans cet effort ultime, à un âge avancé : se sacrifier pour relever un pays en voie d'effondrement qu'il avait contribué à bâtir avec et après Houphouët-Boigny, afin de lui redonner son audience internationale et de le repositionner en Afrique et dans le monde avant de se retirer définitivement de la scène politique. Son récent parcours de la scène politique ivoirienne révèle des leçons utiles pour notre avenir commun au lendemain de la sortie de la crise postélectorale. Bédié a montré qu'il est loin d'être un homme du passé, au moment où ses détracteurs sont frappés par une sénilité précoce en politique, et où pèse, sur certains d'entre eux, la menace d'une comparution devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de sang. Bédié a perdu les élections, mais a triomphé au finish, en donnant une magistrale leçon de réalisme politique et de haute culture démocratique à ses adversaires, à ses concitoyens et à l'Afrique. Bédié a tué une partie des idées reçues véhiculées à son propos. L'énigmatique et taciturne Sphinx de Daoukro achève ainsi l'épisode de son dernier combat pour le pouvoir comme un grand et fin stratège politique, mieux averti et plus actuel que ses pourfendeurs déconnectés d'un contexte géopolitique mondial en mutation accélérée. Bédié a joué sur trois tableaux : en enclenchant d'abord une révolution démocratique et tranquille au sein du PDCI ; en contribuant ensuite à l'apaisement du climat politique dans son pays déchiré ; en étant enfin, avec les autres dirigeants du RHDP, au cœur d'une nouvelle vision africaine de la compétition entre partis politiques dans une position de faiseur de roi.
Ruptures et germes de
changement dans le système Pdci sous l'ère Bédié
L'observation du système politique ivoirien sous l'ère Bédié dévoile l'introduction d'un germe de changement passé inaperçu, marqué par une " révolution démocratique tranquille " au sein de son parti dont l'impact pourrait être national à long terme. Parler de " révolution tranquille " et démocratique initiée par Bédié fait probablement sourire des albatros politiques autoproclamés révolutionnaires, nationalistes, souverainistes et progressistes. Et pourtant, l'homme a apporté incontestablement un germe de changement pas facilement perceptible par les non initiés aux diagnostics à caractère prospectif. Le déclenchement de la " révolution tranquille " de Bédié au sein de son parti a été subrepticement amorcé avec l'inauguration du principe de la compétition pour départager les militants du PDCI aspirant à accéder au poste le plus élevé à la direction de ce parti. Certes, une direction neuve avait été déjà imprimée par Houphouët-Boigny, en 1980, en matière de compétition interne pour le pouvoir ; mais elle ne concernait que l'élection des députés et des maires, le sacro-saint poste présidentiel étant un domaine à lui réservé. Les candidats à la députation étaient choisis par le Parti pour figurer sur une liste unique présentée ensuite à toutes les régions du pays. Les militants ainsi retenus étaient inéluctablement élus. L'adoption des candidatures multiples au sein d'un parti unique pour amorcer un changement en douceur en 1980 a été appelée à l'époque " la démocratie à l'ivoirienne ". La classe politique à l'Assemblée nationale a été, depuis lors, constamment rajeunie en faisant une large place aux cadres obligés de s'investir humainement dans le développement de leurs régions. La rupture créée par Bédié, sans démystifier la fonction de président du Parti, est une coordonnée historique importante pour appréhender les mutations internes à venir du système PDCI.
Alors que le Président Bédié était encore en exil en France après son éviction du pouvoir, il y eut de nombreux remous sur la question de la gestion du parti avec un Président loin de ses bases. D'aucuns préconisèrent même la mise en congé de l'exilé. Bédié a choisi ce moment pour accepter, avec un grand esprit d'ouverture, dans la mouvance d'un débat contradictoire en son absence, d'affronter des concurrents de son parti pour l'élection démocratique du représentant du PDCI aux élections présidentielles de 2000. Bombet remporta les suffrages des militants dans cette première haute compétition. Il fut investi à l'Hôtel Ivoire comme candidat du PDCI au cours d'une cérémonie pleine d'émotions. Mais sa candidature fut rejetée en même temps que celle d'autres postulants des partis politiques significatifs par le Président de la Cour suprême. A son retour d'exil en France, Bédié donne un autre signal fort en acceptant d'affronter son Secrétaire général, Dona-Fologo, qui refusait désormais " d'être un suiveur ", et Lamine Fadika, pour l'élection du président du PDCI. Il a été élu par les militants à 82% et chargé par la convention de conduire le PDCI à la victoire aux présidentielles de 2005.
Le troisième signal fort de l'esprit d'ouverture démocratique de Bédié a été donné lors du choix du candidat du PDCI aux élections présidentielles de 2005. Sur proposition du Bureau politique, et conformément aux dispositions des statuts et règlements du Parti, la concurrence a été introduite pour la première fois, entre candidats libres. Même si aucun militant n'a osé répondre à cet appel, le principe de l'ouverture a créé un précédent qui vaudra son pesant d'or dans l'évolution, au plan interne, du fonctionnement du PDCI comme organisation politique pour l'avenir, à la seule condition que la tradition inaugurée soit irréversible. Bédié a été investi le 11 mars 2006 au Parc des sports après les consultations régionales des militants de base. Face à l'avenir, un germe de changement ne prospère jamais de lui-même : il est susceptible de prendre des directions multiples non souhaitées et a donc besoin d'être accompagné, piloté. Il n'est pas exclu, à la faveur de la césure initiée par Bédié, que le germe de changement se transforme en tendance, se renforce et s'étende à d'autres hautes fonctions au sein du PDCI dans la transparence. Mais la plus grande leçon de démocratie que Bédié laisse à la postérité est l'acceptation, avec hauteur et dignité, de sa défaite au premier tour des présidentielles de 2010, suivie de son repli stratégique pour amener le candidat du RHDP à la victoire au second tour en demeurant fidèle à ses engagements. L'homme a révélé que son oui est un oui, et son non un non. Bédié a ainsi émergé comme un Sémaphore, un Grand Président, un authentique disciple de Houphouët-Boigny, donc un passionné de Paix, que nous n'avons pas encore fini de découvrir. Il faut noter enfin que le PDCI RDA est la seule formation politique significative en Côte d'Ivoire à avoir innové en donnant à ses militants la possibilité d'arriver au sommet de la hiérarchie dans un parti par la voie d'une compétition démocratique. Une telle ouverture est la voie idéale pour contribuer à la dynamisation du PDCI et au rajeunissement de ses acteurs susceptibles d'influencer à leur tour, démocratiquement, l'avenir de notre pays. Le plus vieux parti demeure donc dans le vent, et un parti d'avant-garde. Ses plus jeunes militants doivent s'inscrire dans la dynamique de compétition et exploiter au maximum ce créneau pour émerger au sein du PDCI RDA, puis dans la nation. La démocratie que nous appelons de tous nos vœux passe par la promotion de la culture démocratique au sein même de nos partis politiques pour un climat politique apaisé.
Contribution à l'apaisement
du climat politique
en Côte d'Ivoire
L'adresse du Président Ouattara à son illustre prédécesseur et ainé lors de son investiture est un important témoignage sur la contribution de Bédié à l'apaisement du climat politique dans une Côte d'Ivoire déchirée. " Je voudrais rendre hommage à votre sens élevé du devoir, votre profond amour pour notre pays et votre attachement à la Paix. Je vous remercie pour votre soutien constant ainsi que votre présence à mes côtés " (Yamoussoukro, 21 mai 2011). De fait, alors qu'il n'était plus président du pays, de septembre 2002 à la fin de la crise post-électorale, de nombreux actes et attitudes du premier successeur de Houphouët pour une démocratie apaisée prouvent que cet hommage n'est pas une vaine flatterie. Bédié a souvent pris à contre-pied des décisions du Bureau politique du PDCI fortement applaudies par ses militants en faveur de manifestations publiques interdites par le régime FPI. Ces interdictions étaient assorties de menaces venant des plus hautes autorités militaires. Les événements ont toujours donné raison à Bédié pour les avoir ajournées parce qu'elles mettaient en péril la vie des militants. L'une des rares manifestations qu'il a soutenues pour attirer l'attention des Ivoiriens et de la communauté internationale sur la non application des accords de Marcoussis, malgré de multiples pressions internes (des religieux) et externes (de chefs d'Etat) a occasionné l'hécatombe des mars 2004. On a dénombré plus d'une centaine de morts officiellement, et plusieurs centaines selon le recensement du PDCI et du RDR. La manifestation n'avait pourtant pas eu le temps de démarrer parce que l'armée avait mobilisé les forces terrestre, aérienne et maritime pour l'empêcher. La crise postélectorale a achevé d'illustrer, après l'affaire des déchets toxiques, la faillite morale des dirigeants FPI sur la question sécuritaire et le peu d'importance qu'ils attachent à la protection de la vie des Ivoiriens. Or, vivre en sécurité et en paix est la première aspiration et le premier droit du citoyen. Garantir la paix et la sécurité est aussi le premier devoir régalien d'un pouvoir au sommet d' l'Etat. Lorsque ce pouvoir se rend lui-même coupable de la violation du droit fondamental à la sécurité et à la paix, il se rend alors illégitime. L'attitude de Bédié qui lui a valu l'hommage appuyé de Ouattara est un motif d'espoir pour l'évolution de notre démocratie et la protection de droits humains fondamentaux dans la nouvelle page de notre histoire qui est en train de s'écrire à un moment où les frères ennemis d'hier de la famille houphouétiste, réconciliés autour d'un dialogue direct entre eux, et dont ils détiennent seuls les secrets, sont désormais des complices pour le promotion de l'idéal houphouétiste.
Une nouvelle vision dans
le système d'alliance politique en Afrique
La complicité de Bédié, Ouattara, Mabri et Anaky pour la réécriture de l'histoire de notre pays et sa reconstruction flèche une nouvelle vision dans le système d'alliance entre partis politiques pour gagner et gérer collectivement le pouvoir en Afrique qui honore notre pays. La victoire du RHDP et du peuple souverain de Côte d'Ivoire n'est pas seulement un triomphe sur la dictature, l'imposture et la forfaiture ; elle a été obtenue par une voie originale qui indique comment éjecter les dirigeants indéracinables qui encombrent le paysage politique africain. La stratégie concoctée à Paris en 2005 à la naissance du RHDP pour aller collectivement à la conquête du pouvoir a été payante. Le respect des engagements pris a joué un rôle capital dans la victoire du RHDP et donne une leçon de dépassement de soi en certaines circonstances, et d'aptitude de dirigeants à se rassembler pour une grande cause nationale qui transcende les intérêts d'un Parti. Le RHDP renoue ainsi avec l'idéologie et les valeurs fondatrices du RDA originel né à Bamako, sur les bords du Grand Niger, en 1946, pour mobiliser ses militants. La Côte d'Ivoire, à travers le RHDP, vient de s'illustrer de fort belle manière après la Tunisie et l'Egypte. Laurent Gbagbo n'a pas cru en la capacité de dépassement de ses adversaires de demeurer soudés. Il a été victime de sa propre méprise, convaincu, en plus " qu'il n'y avait rien en face " de son hyper puissance. Le RHDP a balayé un mythe qui lui permet d'ouvrir une nouvelle page sur l'avenir de la nouvelle Côte d'Ivoire. Rien n'est prédestiné et tout reste à penser, à construire, à consolider et à pérenniser. La pensée qui doit précéder cette construction ne saurait être le seul fait de la classe politique. Elle devrait impliquer des approches formelles et même épistémologiques de la part de ceux dont le métier est de réfléchir sans œillères, et sans tomber dans le dithyrambe, sur le devenir de nos organisations politiques. Le plus dur reste donc à faire pour capitaliser les enseignements sur les avancées démocratiques en Côte d'Ivoire suscitées par les leaders politiques du RHDP. Un des défis est de progresser ensemble en conservant la spécificité et l'identité de chaque parti dans un EOI (Esprit Ouvert et Innovateur). La poursuite de la révolution tranquille et apaisée initiée par Bédié appelle donc un effort de création humaine permanente (ECHP) pour remobiliser une large frange de la jeunesse ivoirienne qui a cumulé, en dix ans d'une refondation ahurissante, abrutissante et vieillotte, des esprits violents, retors, cupides et rétrogrades (EVRCR) dans l'univers académique. Le sens de l'Anticipation, du Rassemblement, l'Expérience, le Volontarisme, le Réalisme, le Pragmatisme, la Patience et la Sagesse, poinçons et Labels de l'Houphouétisme, ainsi que les Conseils de Bédié qui a gagné en perdant pourront y contribuer à partir de sa retraite paisible de Daoukro. Bédié est encore utile pour le profilage des sillons de la Nouvelle Côte d'Ivoire Rassemblée, Réconciliée et Démocratique. Il a prouvé dans son " dernier combat " qu'il n'est pas un " homme du passé ". Les vrais "pneus crevés" méditent actuellement en ordre dispersé sur leur forfaiture et sur l'échec de la tentative insensée de confiscation du pouvoir du peuple ivoirien souverain par un parti de professeurs qui n'a pas d'avenir pour avoir discrédité l'élite africaine.
Pr KOBY Assa Théophile