Depuis le 20 avril où ils se montrent dévoués pour l’assainissement des voies publiques à Abidjan, les femmes et hommes sur le pavé n’ont pas touché un seul centime…
Les ouvriers qui ont été recrutés pour le nettoyage des rues d’Abidjan ne savent pas où donner de la tête. Depuis le 20 avril où ils sont à la tâche, ces travailleurs attendent toujours leurs salaires. Au début de l’opération, des milliers d’hommes et de femmes, qui y ont vu l’occasion de se faire une santé financière, se sont fait enrôler massivement comme balayeurs auprès des structures compétentes. Un mois après le démarrage de l’opération, l’engouement a fait place au regret. «Nous travaillons depuis un mois et jamais personne ne nous a donné cinq francs pour manger ni boire de l’eau», se plaint Magagbê Savané, sur le tronçon Cocody-Angré. Pour une même commune, les équipes sont déployées par secteurs. «Chaque groupe a sa ligne», nous explique la dame, pressée de rejoindre ses consœurs dans la besogne. La commune de Cocody regroupe deux cent balayeurs dont une dizaine d’hommes, commis à des tâches plus ardues. «Les hommes du groupe interviennent lorsqu’il s’agit d’enlever le sable endurci sur la chaussée ou d’arracher les herbes», explique M. Ahoussi, responsable d’équipe. Ces femmes dévouées pour la propreté de leur «ligne» nous ont confié que de nombreuses recrues ont déserté les rangs pour manque de rémunération. A Treichville, la situation de ces travailleurs n’est guère reluisante. L’équipe de 110 femmes que nous rencontrons au rond point de cette commune travaille pour le compte de la société “Ivoire Eco Environnement“.
Un contrat aux contours imprécis…
«Nous travaillons dans des conditions difficiles sans savoir exactement quand les chefs vont nous payer. Lorsque nous avons commencé, ils nous ont donné 1.500 Fcfa chacune pour payer le transport et acheter les balais. Après deux semaines d’exercice, nous avons été payées à 1.500Fcfa par jour. Et ils nous promis que les trois semaines que nous venons de faire seront payées à 2.000Fcfa par jour. Nous attendons de voir», s’inquiète une ouvrière qui a requis l’anonymat. Lors de l’enrôlement, les responsables chargés de les encadrer avaient fixé le montant de la paye à 2.500Fcfa par jour. Mais une fois sur le terrain, l’on leur a fait savoir que c’est plutôt 2.000F par jour. Malgré cela, elles n’ont pas abdiqué car n’ayant aucune autre source de revenus. «On a tous cru qu’ils allaient nous payer quotidiennement ou tous les dix jours. J’ai même pris un sac de riz à crédit dans l’espoir de rembourser avec cet argent. Mais finalement j’ai eu honte même si le boutiquier s’est montré compréhensif envers moi», confie Massakai Chata. Ils n’ont pas eu besoin de signer un contrat avant d’être inscrits sur la liste des volontaires. Ce flou juridique qui entoure leurs efforts a même poussé des balayeuses de Cocody-Angré à convoquer l’employeur chez les “Môgôba“ (ndlr, Frci) au commissariat du 22ème arrondissement. Mais rien n’a flirté. Cependant, les forces de l’ordre ont écouté les deux camps avant de rassurer les plaignantes et les inviter à davantage de patience. Les forces républicaines se seraient portées garantes pour aider ces ouvrières, “dès que les choses iront mieux“. Dans les discussions, il est ressorti que le ministère de tutelle a initié cette opération sans donner les moyens aux acteurs sur le terrain.
Un service civique qui ne dit pas son nom. Cette opération rentre pourtant dans le cadre du programme d’urgence présidentielle qui a affecté plus de 1,6 milliard de Fcfa pour régler les problèmes de salubrité du district d’Abidjan. Raison de plus pour ne pas comprendre la galère des acteurs sur le terrain. «Nous ne sommes pas responsables des difficultés rencontrées pour le payement des travailleurs. Nous-mêmes qui les encadrons n’avons rien perçu comme salaire. C’est pourquoi nous les invitons, chaque fois qu’ils se plaignent, à nous faire confiance car c’est le ministère de la Salubrité publique qui doit nous payer tous», révèle le chef des opérations. Sans salaire, ces braves dames sont pourtant matinales au boulot. A en croire certaines, elles le font par civisme mais aussi et surtout par manque d’activité lucrative. La plupart de ces ouvriers exerçant à Cocody-Angré sont issus d’Abobo.
Ils marchent plusieurs kilomètres pour se faire pointer la journée.
…vaut mieux que rien !
Dans leurs rangs, il y a des adolescentes, des femmes de tous âges et une poignée d’hommes. Une “Mémé“ qui ne veut pas ranger le balai malgré le poids de l’âge s’est dit optimiste sur leur sort. Selon elle, ceux qui n’ont pas baissé les bras vont recevoir leurs dus, “tôt ou tard“. Lors du lancement de ce projet d’assainissement des villes, à l’hôtel communal du Plateau, les maires et les présidents de conseils généraux ont donné leur avis au ministre en charge de la salubrité. Le président de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci), François Amichia, a souhaité que cette tâche soit confiée aux mairies. Mais ce n’est pas le cas sur le terrain. «Je n’ai aucune information sur le travail de ces personnes, ce n’est pas la mairie qui les gère», a répondu une source à la mairie d’Abobo. Dans la cité martyre, c’est l’Ong française “Solidarité internationale“ qui s’en charge avec l’Union des femmes d’Abobo. Selon un superviseur, c’est l’organisation française qui paye les balayeurs d’Abobo. «Nous avons constitué dix équipes de quinze personnes qui sont cotées par jour.
Leur salaire est régulièrement payé par période de dix jours», a-t-il expliqué. Avant d’ajouter qu’ils le font pour aider le maximum de sans emplois. Chaque équipe compte dix femmes et cinq hommes. Les superviseurs sont payés à 3.000F le jour pendant que les balayeurs perçoivent 2.000F. Avec l’ouverture des banques et les progrès réalisés sur le chemin de la normalité, certaines femmes comptent utiliser cet argent pour relancer leur commerce, plombé par la crise. Cet hypothétique salaire qu’elles attendent de tout cœur, devrait servir de capital pour leurs projets. «Mon mari fait partie d’une équipe qui balaie vers le Golf Hôtel et ils ne sont pas payés tout comme nous. C’est difficile de travailler à crédit. Mais c’est mieux que de rester à la maison à ne rien, cet argent peut nous permettre, plus tard, de financier des projets pour la famille», espère Mme Koné. Ces travailleurs sans salaire bravent la faim et la soif pour donner à la perle des lagunes un visage moins horrible. Leur prière quotidienne : ne pas être oubliés par les autorités !
Stéphane Assamoi (Stagiaire)
Les ouvriers qui ont été recrutés pour le nettoyage des rues d’Abidjan ne savent pas où donner de la tête. Depuis le 20 avril où ils sont à la tâche, ces travailleurs attendent toujours leurs salaires. Au début de l’opération, des milliers d’hommes et de femmes, qui y ont vu l’occasion de se faire une santé financière, se sont fait enrôler massivement comme balayeurs auprès des structures compétentes. Un mois après le démarrage de l’opération, l’engouement a fait place au regret. «Nous travaillons depuis un mois et jamais personne ne nous a donné cinq francs pour manger ni boire de l’eau», se plaint Magagbê Savané, sur le tronçon Cocody-Angré. Pour une même commune, les équipes sont déployées par secteurs. «Chaque groupe a sa ligne», nous explique la dame, pressée de rejoindre ses consœurs dans la besogne. La commune de Cocody regroupe deux cent balayeurs dont une dizaine d’hommes, commis à des tâches plus ardues. «Les hommes du groupe interviennent lorsqu’il s’agit d’enlever le sable endurci sur la chaussée ou d’arracher les herbes», explique M. Ahoussi, responsable d’équipe. Ces femmes dévouées pour la propreté de leur «ligne» nous ont confié que de nombreuses recrues ont déserté les rangs pour manque de rémunération. A Treichville, la situation de ces travailleurs n’est guère reluisante. L’équipe de 110 femmes que nous rencontrons au rond point de cette commune travaille pour le compte de la société “Ivoire Eco Environnement“.
Un contrat aux contours imprécis…
«Nous travaillons dans des conditions difficiles sans savoir exactement quand les chefs vont nous payer. Lorsque nous avons commencé, ils nous ont donné 1.500 Fcfa chacune pour payer le transport et acheter les balais. Après deux semaines d’exercice, nous avons été payées à 1.500Fcfa par jour. Et ils nous promis que les trois semaines que nous venons de faire seront payées à 2.000Fcfa par jour. Nous attendons de voir», s’inquiète une ouvrière qui a requis l’anonymat. Lors de l’enrôlement, les responsables chargés de les encadrer avaient fixé le montant de la paye à 2.500Fcfa par jour. Mais une fois sur le terrain, l’on leur a fait savoir que c’est plutôt 2.000F par jour. Malgré cela, elles n’ont pas abdiqué car n’ayant aucune autre source de revenus. «On a tous cru qu’ils allaient nous payer quotidiennement ou tous les dix jours. J’ai même pris un sac de riz à crédit dans l’espoir de rembourser avec cet argent. Mais finalement j’ai eu honte même si le boutiquier s’est montré compréhensif envers moi», confie Massakai Chata. Ils n’ont pas eu besoin de signer un contrat avant d’être inscrits sur la liste des volontaires. Ce flou juridique qui entoure leurs efforts a même poussé des balayeuses de Cocody-Angré à convoquer l’employeur chez les “Môgôba“ (ndlr, Frci) au commissariat du 22ème arrondissement. Mais rien n’a flirté. Cependant, les forces de l’ordre ont écouté les deux camps avant de rassurer les plaignantes et les inviter à davantage de patience. Les forces républicaines se seraient portées garantes pour aider ces ouvrières, “dès que les choses iront mieux“. Dans les discussions, il est ressorti que le ministère de tutelle a initié cette opération sans donner les moyens aux acteurs sur le terrain.
Un service civique qui ne dit pas son nom. Cette opération rentre pourtant dans le cadre du programme d’urgence présidentielle qui a affecté plus de 1,6 milliard de Fcfa pour régler les problèmes de salubrité du district d’Abidjan. Raison de plus pour ne pas comprendre la galère des acteurs sur le terrain. «Nous ne sommes pas responsables des difficultés rencontrées pour le payement des travailleurs. Nous-mêmes qui les encadrons n’avons rien perçu comme salaire. C’est pourquoi nous les invitons, chaque fois qu’ils se plaignent, à nous faire confiance car c’est le ministère de la Salubrité publique qui doit nous payer tous», révèle le chef des opérations. Sans salaire, ces braves dames sont pourtant matinales au boulot. A en croire certaines, elles le font par civisme mais aussi et surtout par manque d’activité lucrative. La plupart de ces ouvriers exerçant à Cocody-Angré sont issus d’Abobo.
Ils marchent plusieurs kilomètres pour se faire pointer la journée.
…vaut mieux que rien !
Dans leurs rangs, il y a des adolescentes, des femmes de tous âges et une poignée d’hommes. Une “Mémé“ qui ne veut pas ranger le balai malgré le poids de l’âge s’est dit optimiste sur leur sort. Selon elle, ceux qui n’ont pas baissé les bras vont recevoir leurs dus, “tôt ou tard“. Lors du lancement de ce projet d’assainissement des villes, à l’hôtel communal du Plateau, les maires et les présidents de conseils généraux ont donné leur avis au ministre en charge de la salubrité. Le président de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci), François Amichia, a souhaité que cette tâche soit confiée aux mairies. Mais ce n’est pas le cas sur le terrain. «Je n’ai aucune information sur le travail de ces personnes, ce n’est pas la mairie qui les gère», a répondu une source à la mairie d’Abobo. Dans la cité martyre, c’est l’Ong française “Solidarité internationale“ qui s’en charge avec l’Union des femmes d’Abobo. Selon un superviseur, c’est l’organisation française qui paye les balayeurs d’Abobo. «Nous avons constitué dix équipes de quinze personnes qui sont cotées par jour.
Leur salaire est régulièrement payé par période de dix jours», a-t-il expliqué. Avant d’ajouter qu’ils le font pour aider le maximum de sans emplois. Chaque équipe compte dix femmes et cinq hommes. Les superviseurs sont payés à 3.000F le jour pendant que les balayeurs perçoivent 2.000F. Avec l’ouverture des banques et les progrès réalisés sur le chemin de la normalité, certaines femmes comptent utiliser cet argent pour relancer leur commerce, plombé par la crise. Cet hypothétique salaire qu’elles attendent de tout cœur, devrait servir de capital pour leurs projets. «Mon mari fait partie d’une équipe qui balaie vers le Golf Hôtel et ils ne sont pas payés tout comme nous. C’est difficile de travailler à crédit. Mais c’est mieux que de rester à la maison à ne rien, cet argent peut nous permettre, plus tard, de financier des projets pour la famille», espère Mme Koné. Ces travailleurs sans salaire bravent la faim et la soif pour donner à la perle des lagunes un visage moins horrible. Leur prière quotidienne : ne pas être oubliés par les autorités !
Stéphane Assamoi (Stagiaire)