Comment la réconciliation prônée par les politiques après la guerre se manifeste-t-elle dans les églises et les mosquées ? Nord-Sud Quotidien a enquêté.
A la mi-journée du samedi 21 mai, Alassane Ouattara porte les attributs de président de la République à Yamoussoukro. Au même moment, une bagarre éclate dans une église évangélique à Yopougon-Niangon. Le motif est politique. La rixe oppose deux dames. La première s'exclame heureuse de l'investiture de son président. La seconde s'énerve. Elle ne supporte pas qu'on «ovationne» le nouveau président en sa présence. Ce président, elle ne le reconnaît pas comme tel. Les injures pleuvent de toutes parts. Les femmes en arrivent à se crêper le chignon mais le pire est évité de justesse. Le pasteur vient d'être appelé d'urgence. Sa présence calme les courroux. Soulagement ! Des scènes de friction ont fréquemment cours sur les lieux de culte. Des endroits où la fraternité devrait régner envers et entre tous. Malheureusement, les choses se passent comme si un génie maléfique gouvernait en maître absolu nos églises et mosquées. Les témoignages ne manquent pas. A Abobo-Kennedy, deux fidèles expulsés de la mosquée avant même la crise armée, n'ont pas encore réintégré la communauté.
Le voisinage raconte qu'ils étaient indésirables à cause de leur appartenance au clan des mauvais perdants. Il revient également que des fidèles proches de l'ancien régime ne se rendent plus dans les mosquées aux heures de prières. Les uns digèrent mal l'arrestation de leur champion et restent cloîtrés chez eux. Les autres se reprocheraient d'avoir tenu des propos désobligeants au sein de la communauté. Des déménagements sont même constatés à Angré-Mahou pour, dit-on, fuir la honte. K.Gilbert, chrétien à la paroisse S.M. du Plateau-Dokui est complètement choqué par ces attitudes anti-cohésion. La morosité qui règne sur sa paroisse jusqu'à présent est sans appel: « après chaque messe, chacun part discrètement chez lui. Les causeries entre frères sont rares dans la cour de l'église, surtout après deux perquisitions des éléments des Frci». Selon lui, certains ont pleuré à l'église dès la chute du régime de Laurent Gbagbo.'' Koutoubou ''! s'exclame-t-il en malinké. Et depuis, l'ambiance a changé à cause d'une certaine méfiance entre fidèles. La mauvaise atmosphère a contraint un habitué à partir de la paroisse. L'affaire est sérieuse si bien que des leaders et des associations religieuses acceptent de témoigner. Koné Oumar, secrétaire général de l'association islamiste chiite d'Abobo authentifie les tensions dans les mosquées: «cette réalité était palpable. La méfiance était au menu dans tous les camps pendant la crise.
Entre gênes, frustrations
et railleries
En général, les fidèles Lmp sont minoritaires dans les mosquées. Donc, dès la chute de l'ancien régime, un bon nombre de ses partisans sont partis sans être chassés parce qu'ils avaient peur. Ils étaient eux-mêmes gênés à cause des propos qu'ils ont eu à tenir. Ils s'attendaient à des brimades». Pour lui, il reste des efforts à faire car d'autres musulmans pensent à tort qu'ils sont au pouvoir, vu que le président actuel est musulman comme eux. Ils deviennent alors provocateurs. Pasteur Koukougnon Antoinette, responsable du Comité laïc pour la cohésion nationale (Clcn), qui a eu à intervenir plusieurs fois pour ramener la concorde, confirme la recrudescence des pugilats sur les lieux de culte. Dans le premier cas, explique-t-elle, il y a des personnes qui, se reprochant d'avoir eu des gestes déplacés, se sentent tout de suite morveuses au moindre éternuement de l'autre. Elles réagissent et, bonjour les dégâts. D'autres par contre se rebiffent par la faute de certains prêches d'hommes de Dieu. Ils croient toujours en la prophétie de Malachie et voient les autres comme des usurpateurs. D'autres encore, poursuit-elle, se disent que leur groupe ethnique étant au pouvoir, ils peuvent tout se permettre sans modérations comme pour rendre la monnaie à ceux qui viennent de perdre le pouvoir. Un pied-de-nez qui crée des frustrations entre fidèles. Et c'est bien dommage. Pasteur Koukougnon accuse surtout les chefs religieux qui ont négativement agi sur les esprits de leurs fidèles. Ces fidèles sont troublés lorsqu'ils voient que la réalité du pouvoir ne colle pas avec leurs espérances. Ceux-là acceptent difficilement la situation actuelle et s'éloignent de la réconciliation. D'autres croyants pensent aussi que le moment est venu pour eux d'humilier leurs adversaires d'hier. En un mot, de l'église à la mosquée, des Ivoiriens demeurent sous l'emprise de Satan.
Nesmon De Laure
A la mi-journée du samedi 21 mai, Alassane Ouattara porte les attributs de président de la République à Yamoussoukro. Au même moment, une bagarre éclate dans une église évangélique à Yopougon-Niangon. Le motif est politique. La rixe oppose deux dames. La première s'exclame heureuse de l'investiture de son président. La seconde s'énerve. Elle ne supporte pas qu'on «ovationne» le nouveau président en sa présence. Ce président, elle ne le reconnaît pas comme tel. Les injures pleuvent de toutes parts. Les femmes en arrivent à se crêper le chignon mais le pire est évité de justesse. Le pasteur vient d'être appelé d'urgence. Sa présence calme les courroux. Soulagement ! Des scènes de friction ont fréquemment cours sur les lieux de culte. Des endroits où la fraternité devrait régner envers et entre tous. Malheureusement, les choses se passent comme si un génie maléfique gouvernait en maître absolu nos églises et mosquées. Les témoignages ne manquent pas. A Abobo-Kennedy, deux fidèles expulsés de la mosquée avant même la crise armée, n'ont pas encore réintégré la communauté.
Le voisinage raconte qu'ils étaient indésirables à cause de leur appartenance au clan des mauvais perdants. Il revient également que des fidèles proches de l'ancien régime ne se rendent plus dans les mosquées aux heures de prières. Les uns digèrent mal l'arrestation de leur champion et restent cloîtrés chez eux. Les autres se reprocheraient d'avoir tenu des propos désobligeants au sein de la communauté. Des déménagements sont même constatés à Angré-Mahou pour, dit-on, fuir la honte. K.Gilbert, chrétien à la paroisse S.M. du Plateau-Dokui est complètement choqué par ces attitudes anti-cohésion. La morosité qui règne sur sa paroisse jusqu'à présent est sans appel: « après chaque messe, chacun part discrètement chez lui. Les causeries entre frères sont rares dans la cour de l'église, surtout après deux perquisitions des éléments des Frci». Selon lui, certains ont pleuré à l'église dès la chute du régime de Laurent Gbagbo.'' Koutoubou ''! s'exclame-t-il en malinké. Et depuis, l'ambiance a changé à cause d'une certaine méfiance entre fidèles. La mauvaise atmosphère a contraint un habitué à partir de la paroisse. L'affaire est sérieuse si bien que des leaders et des associations religieuses acceptent de témoigner. Koné Oumar, secrétaire général de l'association islamiste chiite d'Abobo authentifie les tensions dans les mosquées: «cette réalité était palpable. La méfiance était au menu dans tous les camps pendant la crise.
Entre gênes, frustrations
et railleries
En général, les fidèles Lmp sont minoritaires dans les mosquées. Donc, dès la chute de l'ancien régime, un bon nombre de ses partisans sont partis sans être chassés parce qu'ils avaient peur. Ils étaient eux-mêmes gênés à cause des propos qu'ils ont eu à tenir. Ils s'attendaient à des brimades». Pour lui, il reste des efforts à faire car d'autres musulmans pensent à tort qu'ils sont au pouvoir, vu que le président actuel est musulman comme eux. Ils deviennent alors provocateurs. Pasteur Koukougnon Antoinette, responsable du Comité laïc pour la cohésion nationale (Clcn), qui a eu à intervenir plusieurs fois pour ramener la concorde, confirme la recrudescence des pugilats sur les lieux de culte. Dans le premier cas, explique-t-elle, il y a des personnes qui, se reprochant d'avoir eu des gestes déplacés, se sentent tout de suite morveuses au moindre éternuement de l'autre. Elles réagissent et, bonjour les dégâts. D'autres par contre se rebiffent par la faute de certains prêches d'hommes de Dieu. Ils croient toujours en la prophétie de Malachie et voient les autres comme des usurpateurs. D'autres encore, poursuit-elle, se disent que leur groupe ethnique étant au pouvoir, ils peuvent tout se permettre sans modérations comme pour rendre la monnaie à ceux qui viennent de perdre le pouvoir. Un pied-de-nez qui crée des frustrations entre fidèles. Et c'est bien dommage. Pasteur Koukougnon accuse surtout les chefs religieux qui ont négativement agi sur les esprits de leurs fidèles. Ces fidèles sont troublés lorsqu'ils voient que la réalité du pouvoir ne colle pas avec leurs espérances. Ceux-là acceptent difficilement la situation actuelle et s'éloignent de la réconciliation. D'autres croyants pensent aussi que le moment est venu pour eux d'humilier leurs adversaires d'hier. En un mot, de l'église à la mosquée, des Ivoiriens demeurent sous l'emprise de Satan.
Nesmon De Laure