Le cinéma ivoirien est absent des grands rendez-vous du film à l’international. Les réalisations se font au compte-gouttes. Ce qui fait dire à des spécialistes que le 7e art ivoirien est mort. Et, la réalité sur le terrain n’indique pas le contraire.
Les experts sont unanimes : le cinéma ivoirien est agonisant. Passée la période où Timité Bassori, avec ‘’La femme au couteau’’, premier film ivoirien, avait fait rêver les cinéphiles éburnéens. Finie aussi, l’époque où la Côte d’Ivoire était sur la première marche du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco), avec ‘’Djéli’’ de Lanciné Kramo Fadiga (1981) et ‘’Au nom du Christ’’ (1993) de Roger Gnoan M’Bala. Le 7e art ivoirien est dans la déchéance. Et les mots d’illustres réalisateurs sont évocateurs. « Le cinéma est dans le coma », selon Gnoan M’Bala. « Il essaie de survivre », pour Bassori Timité. Les fantômes des réalisateurs Henri Duparc (décédé en 2007), Yéo Kozoloa (2008) et Désiré Ecaré (2009) tirent vers les ténèbres cet art. Les raisons de la perte de vitesse, selon les professionnels, sont à rechercher dans l’inorganisation du secteur.
Un mal depuis l’origine
A ce jour, aucune disposition institutionnelle ne réglemente ni ne protège efficacement la profession de cinéaste. Il existe quelques lois dispersées çà et là qui laissent la place à l’anarchie. Comme le décret n° 2008-357 du 20 novembre portant réforme du Burida qui stipule que seul le bureau des droits d’auteurs est habilité à assurer sur le territoire national l’exploitation et la protection des droits des phonogrammes et des vidéogrammes. Ou encore la loi 96 - 564 du 25 juillet 1996 portant protection des œuvres de l’esprit, etc. Ces différentes lois ne sont pas appuyées par des décrets ou arrêtés qui devaient, à l’origine, favoriser leur application. Ce qui laisse un véritable vide juridique.
Pas de financier
Un autre problème fondamental du cinéma éburnéen est la question du financement de la production cinématographique. « Le cinéma coûte cher. Les autorités ivoiriennes ont toujours montré, sous les différents régimes qui se sont succédé, leur incapacité à soutenir financièrement cet art », reconnaît un spécialiste. Pour lui, « sans un soutien financier de l’Etat ou de structures spécialisées, le cinéma ne sera que l’ombre de lui-même ». Etalon de bronze de la 22e édition du Fespaco, « Le mec idéal », film d’Owell Brown a été produit avec le soutien de partenaires privés. Quant à Bleu Brigitte, réalisatrice de ‘’Virus 1 et 2’’, elle soutient avoir financé ses deux films à hauteur de 45 millions sans aucune subvention. En termes de perspectives, l’horizon reste sombre. Le Fonds d’aide à la création (Fac) qui a permis la réalisation de plusieurs chefs-d’œuvre du 7e art ivoirien n’est plus fonctionnel. En 1996, 1997, 1998, le pays avait bénéficié d’une aide exceptionnelle de 1,2 milliard de la part du Centre national de la cinématographie (Cnc) de France. Et depuis, plus rien. Les réalisateurs sont délaissés et seuls des courageux sollicitent une aide de l’Union européenne (destinée aux pays du 1/3 monde dans le cadre des accords de Lomé V). Mais, les conditions pour postuler sont draconiennes.
Un problème de diffusion
Pour les rares réalisateurs qui arrivent à sortir un film, se pose la question de la diffusion au plan national et international. Le lieu par excellence d’expression d’un film reste une salle de cinéma. « C’est un délice de suivre un film dans une salle avec un peu d’obscurité », se souvient un nostalgique. Aujourd’hui, le pays ne disposent plus de salles de projection. A Abidjan, il ne reste plus que deux salles : Prima-vera et Sococé la fontaine. Les autres ont été, soit transformées en salle de spectacle, soit utilisées comme lieux de culte. « La religion nous a vidés des salles. Et nous sommes sortis par la fenêtre », regrette Gnoan M’Balla. Il y a aussi le problème de l’exiguïté du marché national. La plupart des films ivoiriens est mal vendue et ne se retrouve que sur le continent africain. Ce qui soulève la question de la distribution. A ce niveau, des amateurs et les pirates sont les maîtres du jeu. La disparition de la compagnie marocaine du cinéma commercial (Comacico) et la Société d’exploitation cinématographique et commerciale (Secna) ouvre la porte à l’amateurisme.
La concurrence déloyale
Le boom des Vcd, Dvd et autres Divix constitue un véritable danger pour le cinéma ivoirien. Ces appareils qui permettent de lire des films sur des supports CD, clés Usb et cartes mémoires, sont vendus à des prix dérisoires sur le marché. Ce qui permet à chaque citoyen de posséder son ‘’cinéma’’ à domicile. La commercialisation à grande échelle des CD reproduits illégalement et vendus à tous les coins de rue constitue la source d’approvisionnement des populations.
Ainsi, n’a-t-on plus besoin de se rendre au cinéma pour voir un film à 1.500 ou 2.000 Fcfa alors qu’on peut avoir en sa possession trois CD différents dont chacun contient parfois plus de 10 films. Face à cette léthargie, le réalisateur d’ ‘’Au nom du Christ’’ demande que « le pays s’accapare de son cinéma ».
L’adoption d’un décret en 2008, portant création d’une Office ivoirienne du cinéma financée à hauteur d’un milliard de Fcfa avait fait rêver. Remettre sur les rails cette initiative et ouvrir d’autres perspectives, donneraient un nouveau souffle au secteur. Pourvu qu’elle soit gérée par les personnes compétentes, c’est-à-dire, les professionnels du cinéma. « C’est nous les médecins et les chirurgiens. On va prendre nos blouses et nos bistouris pour aller en salle d’opération. Et tenter de réveiller notre cinéma. Oui, il y a de l’espoir », lance Gnoan M’Bala.
Sanou A.
Les experts sont unanimes : le cinéma ivoirien est agonisant. Passée la période où Timité Bassori, avec ‘’La femme au couteau’’, premier film ivoirien, avait fait rêver les cinéphiles éburnéens. Finie aussi, l’époque où la Côte d’Ivoire était sur la première marche du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco), avec ‘’Djéli’’ de Lanciné Kramo Fadiga (1981) et ‘’Au nom du Christ’’ (1993) de Roger Gnoan M’Bala. Le 7e art ivoirien est dans la déchéance. Et les mots d’illustres réalisateurs sont évocateurs. « Le cinéma est dans le coma », selon Gnoan M’Bala. « Il essaie de survivre », pour Bassori Timité. Les fantômes des réalisateurs Henri Duparc (décédé en 2007), Yéo Kozoloa (2008) et Désiré Ecaré (2009) tirent vers les ténèbres cet art. Les raisons de la perte de vitesse, selon les professionnels, sont à rechercher dans l’inorganisation du secteur.
Un mal depuis l’origine
A ce jour, aucune disposition institutionnelle ne réglemente ni ne protège efficacement la profession de cinéaste. Il existe quelques lois dispersées çà et là qui laissent la place à l’anarchie. Comme le décret n° 2008-357 du 20 novembre portant réforme du Burida qui stipule que seul le bureau des droits d’auteurs est habilité à assurer sur le territoire national l’exploitation et la protection des droits des phonogrammes et des vidéogrammes. Ou encore la loi 96 - 564 du 25 juillet 1996 portant protection des œuvres de l’esprit, etc. Ces différentes lois ne sont pas appuyées par des décrets ou arrêtés qui devaient, à l’origine, favoriser leur application. Ce qui laisse un véritable vide juridique.
Pas de financier
Un autre problème fondamental du cinéma éburnéen est la question du financement de la production cinématographique. « Le cinéma coûte cher. Les autorités ivoiriennes ont toujours montré, sous les différents régimes qui se sont succédé, leur incapacité à soutenir financièrement cet art », reconnaît un spécialiste. Pour lui, « sans un soutien financier de l’Etat ou de structures spécialisées, le cinéma ne sera que l’ombre de lui-même ». Etalon de bronze de la 22e édition du Fespaco, « Le mec idéal », film d’Owell Brown a été produit avec le soutien de partenaires privés. Quant à Bleu Brigitte, réalisatrice de ‘’Virus 1 et 2’’, elle soutient avoir financé ses deux films à hauteur de 45 millions sans aucune subvention. En termes de perspectives, l’horizon reste sombre. Le Fonds d’aide à la création (Fac) qui a permis la réalisation de plusieurs chefs-d’œuvre du 7e art ivoirien n’est plus fonctionnel. En 1996, 1997, 1998, le pays avait bénéficié d’une aide exceptionnelle de 1,2 milliard de la part du Centre national de la cinématographie (Cnc) de France. Et depuis, plus rien. Les réalisateurs sont délaissés et seuls des courageux sollicitent une aide de l’Union européenne (destinée aux pays du 1/3 monde dans le cadre des accords de Lomé V). Mais, les conditions pour postuler sont draconiennes.
Un problème de diffusion
Pour les rares réalisateurs qui arrivent à sortir un film, se pose la question de la diffusion au plan national et international. Le lieu par excellence d’expression d’un film reste une salle de cinéma. « C’est un délice de suivre un film dans une salle avec un peu d’obscurité », se souvient un nostalgique. Aujourd’hui, le pays ne disposent plus de salles de projection. A Abidjan, il ne reste plus que deux salles : Prima-vera et Sococé la fontaine. Les autres ont été, soit transformées en salle de spectacle, soit utilisées comme lieux de culte. « La religion nous a vidés des salles. Et nous sommes sortis par la fenêtre », regrette Gnoan M’Balla. Il y a aussi le problème de l’exiguïté du marché national. La plupart des films ivoiriens est mal vendue et ne se retrouve que sur le continent africain. Ce qui soulève la question de la distribution. A ce niveau, des amateurs et les pirates sont les maîtres du jeu. La disparition de la compagnie marocaine du cinéma commercial (Comacico) et la Société d’exploitation cinématographique et commerciale (Secna) ouvre la porte à l’amateurisme.
La concurrence déloyale
Le boom des Vcd, Dvd et autres Divix constitue un véritable danger pour le cinéma ivoirien. Ces appareils qui permettent de lire des films sur des supports CD, clés Usb et cartes mémoires, sont vendus à des prix dérisoires sur le marché. Ce qui permet à chaque citoyen de posséder son ‘’cinéma’’ à domicile. La commercialisation à grande échelle des CD reproduits illégalement et vendus à tous les coins de rue constitue la source d’approvisionnement des populations.
Ainsi, n’a-t-on plus besoin de se rendre au cinéma pour voir un film à 1.500 ou 2.000 Fcfa alors qu’on peut avoir en sa possession trois CD différents dont chacun contient parfois plus de 10 films. Face à cette léthargie, le réalisateur d’ ‘’Au nom du Christ’’ demande que « le pays s’accapare de son cinéma ».
L’adoption d’un décret en 2008, portant création d’une Office ivoirienne du cinéma financée à hauteur d’un milliard de Fcfa avait fait rêver. Remettre sur les rails cette initiative et ouvrir d’autres perspectives, donneraient un nouveau souffle au secteur. Pourvu qu’elle soit gérée par les personnes compétentes, c’est-à-dire, les professionnels du cinéma. « C’est nous les médecins et les chirurgiens. On va prendre nos blouses et nos bistouris pour aller en salle d’opération. Et tenter de réveiller notre cinéma. Oui, il y a de l’espoir », lance Gnoan M’Bala.
Sanou A.