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Editorial Publié le lundi 18 juillet 2011 | Le Patriote

Le drame des complexés

Le Premier ministre français, François Fillon, était en visite en Côte d’Ivoire en fin de semaine dernière. A l’occasion de la célébration de la fête du « 14 juillet », le chef du gouvernement français s’est rendu dans notre pays, avec dans sa suite, une partie de la crème des entrepreneurs hexagonaux, une trentaine au total, et de nombreux autres investisseurs non moins importants.

Comme si la Côte d’Ivoire, subitement, était devenue un nouvel eldorado pour les affaires, c’est la ruée depuis des mois au bord de la Lagune Ebrié. Américains, chinois, et Européens se bousculent. Les opportunités d’affaires se précisent de plus en plus. Une nouvelle ère s’ouvre avec le retour progressif de l’Etat de droit et de la mise en place des mécanismes de bonne gouvernance.

Tout ce dispositif institutionnel novateur (audits, appels à candidature pour les cabinets, comité de nomination, environnement judiciaire assaini) contraste, en vérité, avec le système archaïque, instauré par la Refondation. Dix années de gestion chaotique des Refondateurs avaient fini par refroidir l’ardeur des hommes d’affaires de l’ancienne métropole et d’autres contrées, faisant prospérer une nouvelle race d’hommes d’affaires véreux et sans scrupules. Laurent Gbagbo mélangeant maladroitement affaires et politique, avait bouché les vannes à toutes les opérations commerciales sérieuses entre la France et la Côte d’Ivoire.

Deux mois seulement, après son installation officielle à la Présidence de la République, Alassane Ouattara change les choses. Le Premier ministre français est venu et est reparti.

Mais, il laisse derrière lui les bases d’une coopération nouvelle qui feront, à coup sûr, le bonheur non seulement des entreprises françaises, mais aussi de l’économie ivoirienne sous anesthésie du fait de la gestion cahoteuse et la prévarication des deniers publics par les Refondateurs. "Je suis venu avec une délégation très importante de chefs d'entreprise pour permettre aux entreprises françaises d'investir en Côte d'Ivoire. […] La France souhaite être le partenaire de référence de la Côte d'ivoire et nous allons faire en sorte que nos entreprises soient les plus performantes dans la compétition internationale", a déclaré François Fillon. Aujourd'hui, nos deux pays engagent une relation décomplexée qui s'appuie sur une amitié très ancienne", a-t-il insisté.

Le Premier ministre français a confirmé, en outre, le prêt d'urgence de 180 milliards de FCFA accordé dès le 14 avril. Bercy s'apprête d'ailleurs à aider l'Etat ivoirien en transformant les 1 300 milliards F CFA de la dette bilatérale en contrat-désendettement-développement (C2D). Par cette décision, près d'un tiers de la dette ivoirienne (2700 milliards F CFA) sera reconverti en projets prioritaires. Fillon a parlé de « compétition » et pas de « bienveillance ». Un partenariat gagnant-gagnant. Soyons clairs : les Etats, le Général De Gaulle l’a dit, n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Mais entre la France et la Côte d’Ivoire, c’est autre chose. Une relation affectionnée s’est créée du temps de Félix Houphouët-Boigny. Elle s’est poursuivie avec Henri Konan Bédié avant de s’éteindre, avec l’arrivée du pouvoir xénophobe de Laurent Gbagbo. Fidèle à l’Houphouétisme, politique faite d’ouverture, Alassane Ouattara ambitionne remettre en marche les liens historiques, culturels et commerciaux entre la France et la Côte d’Ivoire. Du reste, les relations personnelles que le Chef de l’Etat ivoirien entretient avec son homologue français, Nicolas Sarkozy, sont moins importantes que l’impératif de la coopération économique que les deux pays doivent entretenir. Car, l’histoire les lie. Opter pour une autre politique que celle de faire de la France, un partenaire de premier choix, serait hasardeux. Les entreprises françaises, on l’a dit, ont un poids important en Côte d’Ivoire. Les 600 entreprises représentent en chiffre d'affaires, plus de 30% du PIB de notre pays. De même, notre histoire et notre présent se conjuguent avec ce pays. Membre du G8, puissance économique, diplomatique et militaire, le poids de la France dans le concert mondial est indéniable. Se mettre à dos ce membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, comme l’a fait Laurent Gbagbo, c’est faire preuve de cécité politique et fermer la porte à un appui important. Alassane Ouattara a décidé donc de changer de trajectoire. Cela ne signifie nullement que la Côte d’Ivoire est une « sous-préfecture » de la France, qu’elle va la suivre « mécaniquement » dans toutes ses prises de position. On peut s’opposer à la France et à sa diplomatie sans, toutefois, remettre en cause la pertinence des relations commerciales qu’on pourrait entretenir avec elle. Certains pays l’ont si bien compris.

En quelques années, l’Afrique du Sud de Jacob Zuma dont les prises de position contre la France inspiraient Laurent Gbagbo dans sa « guerre », n’a-t-elle pas renforcé ses liens commerciaux en matière de défense, d’énergie et de technologie avec ce pays ? En Afrique sub-saharienne, l’Afrique du sud est devenu le premier client de la France avec 1 319 millions d’euros d’exportations française. Avant le Nigéria (1 248 millions) et la Côte d’Ivoire (734 millions).

Les Etats-Unis, dont on sait qu’ils n’entretiennent pas des liens affables avec la Chine, ont pourtant, pour premier partenaire commercial, en dehors du voisin mexicain, ce géant asiatique. Que dire du Venezuela d’Hugo Chavez ? Ce Président révolutionnaire qui respire à vue d’œil l’anti-américanisme idéologique, n’en tire pas moins de 70% de ses échanges commerciaux avec le pays de l’oncle Sam. C’est cela la realpolitik. Le business et la politique sont deux mondes réellement différents. Quand, dans quelques années, Alsthom finira de construire le barrage hydro-électrique de Soubré ou Bouygues achèvera le troisième pont d’Abidjan, reliant Marcory à Cocody, très peu d’Ivoiriens se demanderont qui a construit ces infrastructures. Peu importe l’origine des fonds, mais une coopération se doit d’être efficace et pragmatique. Pour l’instant, la coopération franco-ivoirienne l’est. Et tous ceux qui, d’ici et d’ailleurs, ne cessent d’invectiver en entonnant le disque rayé du néo-colonialisme se doivent, en effet, de changer ou de reformater leur logiciel. Car, le monde, aujourd’hui, bouge. A défaut de s’adapter, on reste à l’écart. C’est ce que Laurent Gbagbo et ses amis n’ont, semble-t-il, pas encore compris. Ils sont donc restés des éternels complexés. Un complexe vécu comme un véritable drame.

PAR CHARLES SANGA
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