La France est bien de retour en Côte d`Ivoire. Passé l`intermède de la politique de refondation engagée par les dirigeants de l`ancien régime, l`ancienne puissance coloniale a retrouvé toute sa place en terre ivoirienne. En témoigne la récente visite du Premier ministre français à Abidjan le 14 juillet dernier, qui a été précédée, il y a moins de deux mois, du président français, Nicolas Sarkozy lui-même, à la faveur de l`investiture d`Alassane Ouattara. Elle est donc bien loin l`époque où la destination Côte d`Ivoire était soigneusement évitée par les autorités françaises en raison des relations scabreuses qu`elles entretenaient avec le défunt régime socialiste. Laurent Gbagbo parti, la France reprend « sa chose », pourrait-on dire, au regard des visites effectuées en un laps de temps par les plus hautes autorités françaises en terre ivoirienne, mais aussi du retour en force du protectorat français. En effet, trois mois après l`effondrement du régime Gbagbo et avec lui la litanie anti-française, on assiste à une consommation tous azimuts de l`expertise française. Dans l`armée, au palais, dans le monde des affaires. Plus aucune parcelle n`est cédée par la France, qui semble vouloir rattraper la décennie de privation. Elle injecte même de l`argent, beaucoup d`argent pour donner un coup de fouet à la relance économique. Cette présence par trop voyante de l`ancienne puissance coloniale est du reste raillée par les partisans et thuriféraires de l`ancien régime de la refondation, qui y voient une recolonisation, un retour à la bonne vieille françafrique. Paris ne semble point s`émouvoir pour cette antienne que François Fillon a taxée de « logiciel dépassé » lors de son séjour à Abidjan. Pas plus que Ouattara ne semble s`émouvoir de ce qui est perçu comme un rapport de colon à indigène. « Le chien aboie, la caravane passe », a-t-il tourné en dérision les récriminations des nostalgiques de l`ère Gbagbo. A la vérité, cette trop grande présence de Paris au coeur du régime Ouattara peut donner à penser que le régime est biberonné, à la remorque de Sarkozy et de ses marsouins, toujours prêts à voler à son secours. Ça finit par laisser le sentiment que la politique de développement que le locataire du palais du Plateau met en oeuvre est dictée de l`Elysée; que le choix des hommes, ses choix stratégiques, sa gestion du dossier des dignitaires de l`ancien régime, tout est « made in France ». Et ça, ce n`est pas forcément flatteur pour Ouattara, dont la capacité à gérer un pays, même en décrépitude comme le nôtre, ne souffre d`aucun doute. Il reste que cette propension à la francisation du pouvoir Ouattara a également ses avantages. Et le premier de tous, c`est la garantie d`une assurance tous risques contre d`éventuels déstabilisateurs. A entendre les autorités françaises de passage à Abidjan, le successeur de Laurent Gbagbo peut dormir sur ses deux oreilles, Paris se chargeant de régler leurs comptes aux conspirateurs tapis dans l`ombre, qui rumineraient une quelconque vengeance. A cet effet, un nouvel accord de défense était en vue, qui devait être rendu public. C`est dans le cadre de ce pacte que la base française du 43e Bima, dont le démantèlement était acquis sous Gbagbo, sera en définitive maintenue. Avec pour mission inavouée de veiller jalousement sur le pouvoir ami d`Abidjan, en dépit des déclarations officielles de l`Elysée et Matignon. Aussi longtemps que les successeurs de Gbagbo se montreront aussi « coopératifs », ils peuvent être sûrs de la protection de l`armée française contre ces « méchants » refondateurs qui abhorrent l`Occident. Outre la protection de la France, le régime bénéficiera des ressources venues de Paris pour mettre en oeuvre son programme et ainsi répondre aux attentes pressantes des Ivoiriens. Le régime Ouattara, qui dit n`être nullement complexé par le tutorat de la France, n`entend pas cracher sur les euro français pour faire de la Côte d`Ivoire un pays émergent. Comme l`a fait Houphouët-Boigny.
Assane NIADA
Assane NIADA