Espace gastronomique prisé par les amoureux de viande de brousse, N’Dotré n’a pas échappé aux aléas de la crise postélectorale. Les opérateurs de cet espace attendent.
«Restaurant Eyawa», «Chez Tantie Aïka», «Maquis Békanti», «Alièfè», «Leka», «Super maquis chez Mo N’da»,… Le dénominateur commun de ces restaurants ? Ils sont tous situés à N’Dotré, un conglomérat de restaurants, aux confins de la commune d’Abobo. Avec les petits plats bien concoctés qu’on y servait, N’Dotré s’est taillé une réputation au sein de la société des bons vivants et des amateurs de viande de brousse er de mets africains. C’était avant la crise. Les affrontements qui ont éclaté après la présidentielle n’ont pas épargné cette zone située dans la commune d’Abobo. Trois mois après la fin de la crise postélectorale, cet espace gastronomique a du mal à retrouver ses marques. Si les clients se font de plus en plus rares, certains évoquent les prix élevés des plats et la mauvaise publicité due à la crise. Aujourd’hui, à N’Dotré, voir un homme en arme est un fait banal. Lorsque notre équipe de reportage y arrive, une dizaine de soldats des Forces républicaine de Côte d’Ivoire (Frci) ont déjà pris leur quartier sur les ruines du maquis «La place du corridor». Nous sommes immédiatement assaillis par trois jeunes filles qui, chacune prêchant pour sa chapelle, nous invitent à prendre place dans leurs restaurants. Le constat est clair. Ce n’est pas la grande influence à N’Dotré. Alors qu’en temps normal les parkings de l’espace refusent du monde, seuls cinq véhicules sont stationnés devant la dizaine de restaurants et maquis. «Cela fait deux semaines que j’ai repris mon commerce à N’Dotré. Nous avons tout perdu pendant la crise. À mon retour du village, j’ai retrouvé mon restaurant complètement saccagé et pillé. Le congélateur, les bouteilles de gaz, les marmites, les chaises et tables,…tout a été volé. Comme ma voisine n’a pas encore repris, j’ai emprunté ses chaises et tables pour commencer», avoue Affoué Clémentine.
Après la crise….
Deux chansonniers baoulés, Clemso et Calixte, détendent l’atmosphère morose du site. La patronne du maquis, Mo N’Da, raconte les difficultés des restauratrices de N’Dotré. «Nous avons besoin d’aide pour relancer nos affaires car c’est ici que je me débrouille pour nourrir mes enfants. Avant la crise, on pouvait recevoir plus de 50 personnes. Mais maintenant, c’est à peine si on arrive à franchir la barre des 20 clients. C’est les week-ends que nous accueillons un peu plus de clients. Par le passé même les jours ouvrables, les clients arrivaient de Marcory, Cocody, Plateau pour manger à N’Dotré. Mais aujourd’hui, les gens ont peur de revenir manger ici parce qu’ils se disent que N’Dotré a été le théâtre de violents combats», explique-t-elle. Selon Mme Azagni, propriétaire du maquis «Leka», outre la défection des clients, l’approvisionnement du restaurant en viande de brousse complique la reprise des activités. «La crise a tout désorganisé. Le marché est trop cher. On obtient difficilement la viande. Nos magasins ont été pillés pendant la crise. C’est pourquoi nous avons revu à la hausse le prix des plats qui est passé de 1.000 Fcfa à 1.300 Fcfa. Nous avons entrepris une démarche auprès du propriétaire du site afin que le coût de la location des espaces qui est de 50.000 Fcfa par mois pour chaque restaurant soit revu à la baisse. Mais cela est resté sans suite», continue-t-elle. Une visite permet à notre équipe de reportage de dresser le tableau sombre de N’Dotré. Sur la dizaine de restaurants que compte cet espace gastronomique, seuls quatre ont repris les activités. Les autres restent hermétiquement fermés. Une situation qui a des répercutions sur le personnel de ces restaurants. Les démarcheuses, ces jeunes filles qui harcèlent les clients au profit de leur employeur, broient aussi du noir. Assises sous un arbre devant le maquis Mamie Adjoua, Justine Pamela et ses copines Yawa Chantal et Marina se tournent les pouces. « Ça ne marche pas. Nos patronnes ne nous payent plus. Le travail est dur. On espère qu’avec le retour de la paix les choses vont reprendre », souhaite Justine Pamela.
…cap sur la reprise.
A l’arrière cour du restaurant, la vielle Adjoua s’affaire autour de plusieurs marmites. Il est presque 16 h, l’espace va accueillir ses derniers clients de la journée. C’est aussi à cette heure que les cars en provenance de l’intérieur font une dernière escale avant Abidjan. Les démarcheuses se ruent sur les voyageurs, en quête de clients. « Mon tonton, venez ici c’est ouvert. Vous allez bien manger», lance Yao Marie Noëlle. L’homme, la quarantaine environ, réplique en guise de réponse : «C’est vous qui êtes baoulé ici ? C’est tout ce que vous avez pu être ?». Éclat de rire entre les filles et le client. «C’est aussi cela N’dotré. On échange, on se taquine. C’est le jeu de l’alliance. Un carrefour comme celui-là est un lieu de rencontre pendant le voyage. N’dotré est très connu. Je me souviens encore du premier jour où j’ai connu cet espace. Cela remonte à une douzaine d’années. Je ne sais pas ce que signifie N’dotré. Ça doit peut être avoir un lien avec l’amitié, les retrouvailles », témoigne M. Kouassi, un habitué des lieux, qui n’a pas hésité à revenir dès la cessation des hostilités. Hollo Fulbert, lui, plaide pour une aide en faveur des restauratrices. « C’est ici qu’on mangeait avant la crise. La cuisine est de très bonne qualité. Il faut aider ces femmes à maintenir les restaurants pour les amoureux de viande de brousse. C’est très important», estime-t-il. Il est 17h 50. Les maquis et restaurants de l’espace vont bientôt fermer. Clemso et Calixte sont bien décidés à continuer d’entretenir la bonne ambiance. «N’dotré est devenu la base de notre groupe. Notre rôle est d’attirer les clients à travers nos chansons traditionnelles. Ils sont ravis de nos prestations. Souvent on repart du site avec 20.000 Fcfa souvent un peu moins. Quand ça ne marche pas, les femmes nous donnent à manger pour nous réconforter», indique Clemso. A coté des artistes, le jeune Romain achève de laver la voiture d’un client. Il recevra pour ce travail quelques pièces de monnaie. Si les choses sont en train de se remettre progressivement en place à N’Dotré, les clients, eux, se font encore attendre. «Mais ce n’est qu’une question de temps», rassure Serge Atta. Côté sécurité, rien à craindre. «Nous avons levé tous les barrages pour permettre aux populations de circuler librement», assure, l’un des chefs du détachement des Frci en poste au corridor de N’dotré, Coulibaly Adama. Il indique qu’un seul barrage a été maintenu en cet endroit pour assurer la sécurité des voyageurs et des clients.
Fofana Ali (Stagiaire)
Légende : L’espace gastronomique N’dotré est de nouveau ouvert pour le bonheur des amateurs de viande de brousse.
«Restaurant Eyawa», «Chez Tantie Aïka», «Maquis Békanti», «Alièfè», «Leka», «Super maquis chez Mo N’da»,… Le dénominateur commun de ces restaurants ? Ils sont tous situés à N’Dotré, un conglomérat de restaurants, aux confins de la commune d’Abobo. Avec les petits plats bien concoctés qu’on y servait, N’Dotré s’est taillé une réputation au sein de la société des bons vivants et des amateurs de viande de brousse er de mets africains. C’était avant la crise. Les affrontements qui ont éclaté après la présidentielle n’ont pas épargné cette zone située dans la commune d’Abobo. Trois mois après la fin de la crise postélectorale, cet espace gastronomique a du mal à retrouver ses marques. Si les clients se font de plus en plus rares, certains évoquent les prix élevés des plats et la mauvaise publicité due à la crise. Aujourd’hui, à N’Dotré, voir un homme en arme est un fait banal. Lorsque notre équipe de reportage y arrive, une dizaine de soldats des Forces républicaine de Côte d’Ivoire (Frci) ont déjà pris leur quartier sur les ruines du maquis «La place du corridor». Nous sommes immédiatement assaillis par trois jeunes filles qui, chacune prêchant pour sa chapelle, nous invitent à prendre place dans leurs restaurants. Le constat est clair. Ce n’est pas la grande influence à N’Dotré. Alors qu’en temps normal les parkings de l’espace refusent du monde, seuls cinq véhicules sont stationnés devant la dizaine de restaurants et maquis. «Cela fait deux semaines que j’ai repris mon commerce à N’Dotré. Nous avons tout perdu pendant la crise. À mon retour du village, j’ai retrouvé mon restaurant complètement saccagé et pillé. Le congélateur, les bouteilles de gaz, les marmites, les chaises et tables,…tout a été volé. Comme ma voisine n’a pas encore repris, j’ai emprunté ses chaises et tables pour commencer», avoue Affoué Clémentine.
Après la crise….
Deux chansonniers baoulés, Clemso et Calixte, détendent l’atmosphère morose du site. La patronne du maquis, Mo N’Da, raconte les difficultés des restauratrices de N’Dotré. «Nous avons besoin d’aide pour relancer nos affaires car c’est ici que je me débrouille pour nourrir mes enfants. Avant la crise, on pouvait recevoir plus de 50 personnes. Mais maintenant, c’est à peine si on arrive à franchir la barre des 20 clients. C’est les week-ends que nous accueillons un peu plus de clients. Par le passé même les jours ouvrables, les clients arrivaient de Marcory, Cocody, Plateau pour manger à N’Dotré. Mais aujourd’hui, les gens ont peur de revenir manger ici parce qu’ils se disent que N’Dotré a été le théâtre de violents combats», explique-t-elle. Selon Mme Azagni, propriétaire du maquis «Leka», outre la défection des clients, l’approvisionnement du restaurant en viande de brousse complique la reprise des activités. «La crise a tout désorganisé. Le marché est trop cher. On obtient difficilement la viande. Nos magasins ont été pillés pendant la crise. C’est pourquoi nous avons revu à la hausse le prix des plats qui est passé de 1.000 Fcfa à 1.300 Fcfa. Nous avons entrepris une démarche auprès du propriétaire du site afin que le coût de la location des espaces qui est de 50.000 Fcfa par mois pour chaque restaurant soit revu à la baisse. Mais cela est resté sans suite», continue-t-elle. Une visite permet à notre équipe de reportage de dresser le tableau sombre de N’Dotré. Sur la dizaine de restaurants que compte cet espace gastronomique, seuls quatre ont repris les activités. Les autres restent hermétiquement fermés. Une situation qui a des répercutions sur le personnel de ces restaurants. Les démarcheuses, ces jeunes filles qui harcèlent les clients au profit de leur employeur, broient aussi du noir. Assises sous un arbre devant le maquis Mamie Adjoua, Justine Pamela et ses copines Yawa Chantal et Marina se tournent les pouces. « Ça ne marche pas. Nos patronnes ne nous payent plus. Le travail est dur. On espère qu’avec le retour de la paix les choses vont reprendre », souhaite Justine Pamela.
…cap sur la reprise.
A l’arrière cour du restaurant, la vielle Adjoua s’affaire autour de plusieurs marmites. Il est presque 16 h, l’espace va accueillir ses derniers clients de la journée. C’est aussi à cette heure que les cars en provenance de l’intérieur font une dernière escale avant Abidjan. Les démarcheuses se ruent sur les voyageurs, en quête de clients. « Mon tonton, venez ici c’est ouvert. Vous allez bien manger», lance Yao Marie Noëlle. L’homme, la quarantaine environ, réplique en guise de réponse : «C’est vous qui êtes baoulé ici ? C’est tout ce que vous avez pu être ?». Éclat de rire entre les filles et le client. «C’est aussi cela N’dotré. On échange, on se taquine. C’est le jeu de l’alliance. Un carrefour comme celui-là est un lieu de rencontre pendant le voyage. N’dotré est très connu. Je me souviens encore du premier jour où j’ai connu cet espace. Cela remonte à une douzaine d’années. Je ne sais pas ce que signifie N’dotré. Ça doit peut être avoir un lien avec l’amitié, les retrouvailles », témoigne M. Kouassi, un habitué des lieux, qui n’a pas hésité à revenir dès la cessation des hostilités. Hollo Fulbert, lui, plaide pour une aide en faveur des restauratrices. « C’est ici qu’on mangeait avant la crise. La cuisine est de très bonne qualité. Il faut aider ces femmes à maintenir les restaurants pour les amoureux de viande de brousse. C’est très important», estime-t-il. Il est 17h 50. Les maquis et restaurants de l’espace vont bientôt fermer. Clemso et Calixte sont bien décidés à continuer d’entretenir la bonne ambiance. «N’dotré est devenu la base de notre groupe. Notre rôle est d’attirer les clients à travers nos chansons traditionnelles. Ils sont ravis de nos prestations. Souvent on repart du site avec 20.000 Fcfa souvent un peu moins. Quand ça ne marche pas, les femmes nous donnent à manger pour nous réconforter», indique Clemso. A coté des artistes, le jeune Romain achève de laver la voiture d’un client. Il recevra pour ce travail quelques pièces de monnaie. Si les choses sont en train de se remettre progressivement en place à N’Dotré, les clients, eux, se font encore attendre. «Mais ce n’est qu’une question de temps», rassure Serge Atta. Côté sécurité, rien à craindre. «Nous avons levé tous les barrages pour permettre aux populations de circuler librement», assure, l’un des chefs du détachement des Frci en poste au corridor de N’dotré, Coulibaly Adama. Il indique qu’un seul barrage a été maintenu en cet endroit pour assurer la sécurité des voyageurs et des clients.
Fofana Ali (Stagiaire)
Légende : L’espace gastronomique N’dotré est de nouveau ouvert pour le bonheur des amateurs de viande de brousse.