Le Musée des Civilisations qui est en passe de devenir l`un des joyaux architecturaux de la Côte d’Ivoire, sous la direction de Mme Memel Kassi Sylvie a été récemment victime d’un pillage. Des objets de valeur ont été emportés. Rencontrée, la Directrice a accepté de parler des pertes et des dégâts enregistrés par son établissement pendant la crise postélectorale et des actions entreprises pour retrouver tous les objets. Entretien…
Comment se porte le musée présentement ?
C’est une opportunité que vous nous donnez, de dire aux Ivoiriens que le temple de la culture a été pillé. Les dégâts se situent à trois niveaux. D’abord, les locaux de notre institution ont été endommagés. A l’intérieur comme à l’extérieur de la salle d’exposition, vous trouverez des impacts de balles sur la double vitrine encastrée contenant des sabres royaux, de même que sur des vitrines, des portes, des murs, etc. Le drapeau, symbole de notre nation, est déchiré. Au niveau des équipements, le matériel informatique et technique des différents bureaux et du service audiovisuel ont été emportés. Or, ce service nous permettait d’immortaliser toutes nos cérémonies. Nous n’avons plus de caméras, de téléviseurs, de vidéos-projecteurs, de rétroprojecteurs, de bandes de montage virtuel. Au niveau des collections, c’est la catastrophe. Des pièces de valeur qui sont des trésors nationaux ont été pillées. On ne peut parler de musée sans collections. C’est impossible ! Avec cette perte, c’est une partie de notre histoire qui vient de s’effacer. C’est lamentable, regrettable !
Peut-on avoir une idée de ces objets ?
On y dénombre plusieurs catégories d’objets telles les parures (pendentifs en or du 17ème siècle, colliers, textiles, poids à peser l’or, attributs du pouvoir, masques et statuaire). Ce sont des objets qui faisaient notre fierté parce qu’exprimant notre identité, la valeur de nos traditions. Des objets qui montrent à l’Occident combien la société africaine était organisée.
Quel en est l’impact réel sur la société ivoirienne ?
Chaque peuple a une histoire, un passé qu’il se charge de faire connaître aux générations successives. Avec ces pillages répétés dans nos musées, ce sont nos enfants (qui, de nos jours, ne vont plus trop au village) qui vont finir par perdre leurs repères parce que ignorant tout de leur culture, de leur tradition, de leur civilisation. Comment vivaient leurs ancêtres ? Comment était organisée la société et comment les conflits se réglaient-ils ? Comment nous identifier par rapport aux autres ? Autant de questions dont les réponses pouvaient s’illustrer par les témoins matériels que constituaient ces objets. C’est pourquoi, nous disons qu’il est plus que nécessaire que ces pièces soient récupérées, non seulement pour les communautés dont elles sont issues, mais aussi pour tous ces Ivoiriens qui ont un destin commun et qui ne cherchent qu’à se comprendre pour bâtir une nation forte basée sur l’amour, le pardon, la tolérance, l’acceptation de l’autre, etc. Ces objets étaient des symboles qui rythmaient la vie de nos sociétés traditionnelles.
Avez-vous évalué le nombre d’objets volés ?
Pour l’heure, nous en avons enregistré une centaine. Mais, nous continuons les recherches. En réalité, ce n’est pas tant le nombre des objets volés qui nous indigne, mais la valeur qu’ils représentent au niveau scientifique, ethnographique et archéologique. Le musée national de Côte d’Ivoire n’a plus de collections d’or. C’étaient des pièces uniques, voilà pourquoi nous ressentons profondément ces pertes. Là où les autres se battent pour sauvegarder et pérenniser leurs héritages ancestraux (qu’ils perpétuent en les conservant et en les transmettant à leurs enfants) pour maitriser leur futur, nous, nous préférons brader les nôtres.
Quels premiers actes avez-vous posés dès le constat de ces dégâts ?
Nous avons fait un rapport de la situation, sur instruction de notre tutelle. Il fallait que l’Etat, par le biais du Ministère de la Culture et de la Francophonie, réagisse et c’est ce qui a été fait avec la plainte déposée contre X et qui a permis qu’une enquête soit ouverte au niveau international. Au plan international, nous avons publié la liste des objets disparus que nous avons pu identifier dans la base de données internationale d’Interpol et des instances de lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Nous avons également saisi des organisations internationales travaillant pour la sauvegarde du patrimoine, telles le Conseil International des Musées (ICOM) et sa branche africaine, AFRICOM, avec leurs milliers de membres, pour ne citer que ceux-là. Il existe la solidarité internationale et, dans le cas du Musée des Civilisations de Côte d’Ivoire, nous avons reçu des promesses de soutien dans la recherche desdites pièces.
Heureusement que vous avez un homme épris de la chose culturelle…
C’est un avantage certain pour la Côte d’Ivoire. Le Ministre Maurice Kouakou Bandama qui est très préoccupé par cette question se bat énormément pour trouver une solution. Et nous en sommes heureux.
Madame la directrice, peut-on espérer avec toute cette débauche d’énergie?
Nous avons bon espoir que nous retrouverons tous ces objets. D’abord, au niveau national, les choses bougent avec l’engagement du Ministère de la Culture et de la Francophonie. Ensuite, comme je l’ai signifié plus haut, il y a quelque chose qui est entrepris au niveau international. Enfin, je crois que vous, les journalistes (presse écrite et audiovisuelle), faites assez de bruits autour de l’évènement pour que la population qui en a certainement entendu parler, collabore avec le ministère. N’oublions pas non plus qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle pièce qui se vendrait comme de petits pains dans la rue. Ce sont des objets que les auteurs des vols ne peuvent brader facilement. Ils pourront être cachés pendant 5, 10, 15 voire 20 ans. Mais, tôt ou tard, ces objets reviendront. Rappelez-vous la statuette Bagnon (Bété) qui a disparu du musée et a été retrouvée des années après.
Et au plan administratif ?
Des mesures conservatoires sont en cours d’élaboration. Le ministère a des projets de réhabilitation, de sécurisation et d’informatisation des collections muséographiques du musée. De sorte que, désormais, nous sachions tous les mouvements des objets. C’est à cela que nous sommes en train de nous atteler pour que ce genre d’actes ne se reproduise plus jamais chez nous.
Réalisée par JC GONGO
Comment se porte le musée présentement ?
C’est une opportunité que vous nous donnez, de dire aux Ivoiriens que le temple de la culture a été pillé. Les dégâts se situent à trois niveaux. D’abord, les locaux de notre institution ont été endommagés. A l’intérieur comme à l’extérieur de la salle d’exposition, vous trouverez des impacts de balles sur la double vitrine encastrée contenant des sabres royaux, de même que sur des vitrines, des portes, des murs, etc. Le drapeau, symbole de notre nation, est déchiré. Au niveau des équipements, le matériel informatique et technique des différents bureaux et du service audiovisuel ont été emportés. Or, ce service nous permettait d’immortaliser toutes nos cérémonies. Nous n’avons plus de caméras, de téléviseurs, de vidéos-projecteurs, de rétroprojecteurs, de bandes de montage virtuel. Au niveau des collections, c’est la catastrophe. Des pièces de valeur qui sont des trésors nationaux ont été pillées. On ne peut parler de musée sans collections. C’est impossible ! Avec cette perte, c’est une partie de notre histoire qui vient de s’effacer. C’est lamentable, regrettable !
Peut-on avoir une idée de ces objets ?
On y dénombre plusieurs catégories d’objets telles les parures (pendentifs en or du 17ème siècle, colliers, textiles, poids à peser l’or, attributs du pouvoir, masques et statuaire). Ce sont des objets qui faisaient notre fierté parce qu’exprimant notre identité, la valeur de nos traditions. Des objets qui montrent à l’Occident combien la société africaine était organisée.
Quel en est l’impact réel sur la société ivoirienne ?
Chaque peuple a une histoire, un passé qu’il se charge de faire connaître aux générations successives. Avec ces pillages répétés dans nos musées, ce sont nos enfants (qui, de nos jours, ne vont plus trop au village) qui vont finir par perdre leurs repères parce que ignorant tout de leur culture, de leur tradition, de leur civilisation. Comment vivaient leurs ancêtres ? Comment était organisée la société et comment les conflits se réglaient-ils ? Comment nous identifier par rapport aux autres ? Autant de questions dont les réponses pouvaient s’illustrer par les témoins matériels que constituaient ces objets. C’est pourquoi, nous disons qu’il est plus que nécessaire que ces pièces soient récupérées, non seulement pour les communautés dont elles sont issues, mais aussi pour tous ces Ivoiriens qui ont un destin commun et qui ne cherchent qu’à se comprendre pour bâtir une nation forte basée sur l’amour, le pardon, la tolérance, l’acceptation de l’autre, etc. Ces objets étaient des symboles qui rythmaient la vie de nos sociétés traditionnelles.
Avez-vous évalué le nombre d’objets volés ?
Pour l’heure, nous en avons enregistré une centaine. Mais, nous continuons les recherches. En réalité, ce n’est pas tant le nombre des objets volés qui nous indigne, mais la valeur qu’ils représentent au niveau scientifique, ethnographique et archéologique. Le musée national de Côte d’Ivoire n’a plus de collections d’or. C’étaient des pièces uniques, voilà pourquoi nous ressentons profondément ces pertes. Là où les autres se battent pour sauvegarder et pérenniser leurs héritages ancestraux (qu’ils perpétuent en les conservant et en les transmettant à leurs enfants) pour maitriser leur futur, nous, nous préférons brader les nôtres.
Quels premiers actes avez-vous posés dès le constat de ces dégâts ?
Nous avons fait un rapport de la situation, sur instruction de notre tutelle. Il fallait que l’Etat, par le biais du Ministère de la Culture et de la Francophonie, réagisse et c’est ce qui a été fait avec la plainte déposée contre X et qui a permis qu’une enquête soit ouverte au niveau international. Au plan international, nous avons publié la liste des objets disparus que nous avons pu identifier dans la base de données internationale d’Interpol et des instances de lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Nous avons également saisi des organisations internationales travaillant pour la sauvegarde du patrimoine, telles le Conseil International des Musées (ICOM) et sa branche africaine, AFRICOM, avec leurs milliers de membres, pour ne citer que ceux-là. Il existe la solidarité internationale et, dans le cas du Musée des Civilisations de Côte d’Ivoire, nous avons reçu des promesses de soutien dans la recherche desdites pièces.
Heureusement que vous avez un homme épris de la chose culturelle…
C’est un avantage certain pour la Côte d’Ivoire. Le Ministre Maurice Kouakou Bandama qui est très préoccupé par cette question se bat énormément pour trouver une solution. Et nous en sommes heureux.
Madame la directrice, peut-on espérer avec toute cette débauche d’énergie?
Nous avons bon espoir que nous retrouverons tous ces objets. D’abord, au niveau national, les choses bougent avec l’engagement du Ministère de la Culture et de la Francophonie. Ensuite, comme je l’ai signifié plus haut, il y a quelque chose qui est entrepris au niveau international. Enfin, je crois que vous, les journalistes (presse écrite et audiovisuelle), faites assez de bruits autour de l’évènement pour que la population qui en a certainement entendu parler, collabore avec le ministère. N’oublions pas non plus qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle pièce qui se vendrait comme de petits pains dans la rue. Ce sont des objets que les auteurs des vols ne peuvent brader facilement. Ils pourront être cachés pendant 5, 10, 15 voire 20 ans. Mais, tôt ou tard, ces objets reviendront. Rappelez-vous la statuette Bagnon (Bété) qui a disparu du musée et a été retrouvée des années après.
Et au plan administratif ?
Des mesures conservatoires sont en cours d’élaboration. Le ministère a des projets de réhabilitation, de sécurisation et d’informatisation des collections muséographiques du musée. De sorte que, désormais, nous sachions tous les mouvements des objets. C’est à cela que nous sommes en train de nous atteler pour que ce genre d’actes ne se reproduise plus jamais chez nous.
Réalisée par JC GONGO