Présidente de l’ONG Playdoo-Côte d’Ivoire , Dr Marie-Paule Kodjo a évalué la situation sécuritaire et la question des droits humains dans ce pays. Dans cet entretien, elle souhaite que la justice soit appliquée, quel que soit le camp où l’on se trouve
Dr Marie-Paule Kodjo, quatre mois après la prise effective du pouvoir par le nouveau président, quelle évaluation faites-vous de la situation des droits humains en Côte d’Ivoire ?
La crise post-électorale a laissé une Côte d’Ivoire exsangue avec une grave crise humanitaire. Il y a eu des violations graves des droits de l’Homme, avec toutes les atrocités qui ont été commises. Mais on ne sort pas d’une guerre comme on sort d’un dîner gala. Action, réaction, pourrait-on dire. Aujourd’hui, à mon sens, il y a du mieux. Mais on peut encore mieux faire. Le président Alassane Ouattara a un discours rassembleur qui nous rassure. Il a même demandé au cours de son allocution à la nation, au cours de la fête de l’indépendance, à nos frères qui sont à l’extérieur de rentrer pour s’approprier la réconciliation nationale. A l’instar d’autres ONG, j’ai été appelée par la ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, Dr Coffi Goudou Raymonde pour nous envoyer en mission. Notre rôle est de réunir les familles disloquées, particulièrement dans les zones sinistrées où les PDI (Personnes déplacées internes sont les plus nombreuses sur les sites. Nous avons visité plusieurs sites dont celui de Neambly, Carrefour et le site de la mission catholique. Le ministre s’est adressé aux femmes dans un dialogue direct.
Il ne faut pas aussi occulter le fait qu`à l`Ouest, il y a encore des problèmes!
Tout à fait. Suite à cette mission qui nous a permis d’identifier les vrais problèmes sur le terrain, Mme le ministre a demandé aux ONG féminines de mettre tout en œuvre pour que les familles disloquées se retrouvent. L’ONG Playdoo a décidé de s’approprier cette mission et nous venons d’envoyer une délégation dans le Moyen- Cavally pour sensibiliser les populations, particulièrement les femmes et les jeunes. Une autre délégation de Playdoo est partie vers San-Pedro, Tabou et Grabo. Il y a beaucoup à faire parce que si nous voulons accéder à une vraie réconciliation, il faut que les droits de l’Homme soient respectés. Il va sans dire qu’une vraie justice doit s’appliquer de part et d’autre. J’aimerais ne pas avoir l’impression qu’il n’y a qu’une seule justice. Dans les deux camps, des exactions graves ont été commises. Et ceux qui ont commis des crimes de guerre et de sang doivent répondre devant la Cour pénale internationale (CPI). Il ne faut pas non plus que l’on fasse de chasse aux sorcières. Ce n’est pas parce qu’on a voté pour un parti ou qu’on appartient à une ethnie que l’on doit automatiquement être indexé. Aux personnes qui réfléchissent ainsi, je leur demande de se référer au programme du président Ouattara qui parle d’un meilleur vivre ensemble. Pour les personnes qui ont commis un crime de sang ou des crimes économiques, la justice doit s’appliquer. Pour les personnes qui incitent à la haine, la justice doit également s’appliquer. En conclusion, il faut que cette crise malheureuse nous serve de leçon. Qu’on apprenne à se respecter mutuellement et à aimer réellement notre pays, au lieu de jouer avec le feu. Je lance un appel pour les PDI afin que l’Etat trouve dans l’urgence une solution, dans la mesure où les terrains où sont les sites appartiennent à des privés qui veulent récupérer leurs biens. Il serait judicieux que l’Etat trouve un terrain qui va accueillir ces personnes et permette aux ONG telles que le HCR, ASA, UNICEF et des ONG humanitaires nationales d’accomplir aisément leur travail afin que d’ici quelques mois, nous ne parlions plus de PDI en Côte d’Ivoire. Je souhaiterais que la question de la femme soit traitée avec beaucoup d’attention au regard de la lutte qu’elles ont menées au peril de leur vie, pour certaines, pour que la démocratie soit en Côte d’Ivoire. En clair, nous ne voulons plus d’impunité.
La question des droits de l’homme soulève également la question de sécurité. Quatre mois après les événements douloureux traversés par la Côte d’Ivoire, quel regard jetez-vous sur cet aspect ?
Permettez-moi, avant d’aborder cette question, de féliciter le ministre des droits de l’Homme, Coulibaly Gnénéma, pour sa nomination méritée. La société civile spécialisée dans les élections a eu à travailler avec lui et nous pouvons dire sans nous tromper que c’est un travailleur acharné. Nous lui souhaitons plein succès dans la mission que le chef de l’Etat lui a confiée, en lui demandant de ne pas oublier la société civile. An niveau sécuritaire, pour répondre à votre question, certaines choses ont été faites pour améliorer la sécurité nationale, il faut le reconnaître. Mais il y a d’autres choses qui restent à faire, beaucoup d’attentes de la population, et ce dans l’urgence relativement à la sécurité. A mon humble avis, il ne faudrait pas que des brebis galeuses gâtent le nom des FRCI. Et c’est ce qui se passe. Ne serait-il pas judicieux de trouver des solutions idoines afin de mettre hors d’état de nuire ces personnes de mauvaise foi? Le Premier ministre avait parlé de nouvelles tenues. Nous restons dans l’attente. Les prisons doivent être rapidement fonctionnelles etc. En conclusion, il reste encore des lacunes à combler au niveau sécuritaire. Mais j’ai bon espoir, dans la mesure où le chef de l’Etat a lancé un message aux exilés. Nous souhaitons que nos frères et sœurs qui sont à l’extérieur reviennent dans leur pays et que leur sécurité soit garantie. On est plus à l’aise dans sa hutte que dans le palais des autres. Dans le même ordre d’idée, nous saluons l’opération pays propre lancée par la ministre de la Salubrité, Anne Ouloto. Je l’en félicite et l’encourage. Cependant, je souhaiterais qu’à ces activités de déguerpissement soit intégrées des solutions pour aider cette population vulnérable qui déjà survivait. Ville propre oui, mais pas à n’importe quel prix. Il ne faudrait pas casser ici et obliger les gens à aller faire la même chose ailleurs. Ne laissons pas d’autres frères frustrés sur la route de la paix et du développement.
Vous ne cessez de parler de réconciliation nationale. Qu’attend Playdoo-CI de la commission Dialogue, Vérité et réconciliation dirigée par Charles Konan Banny ?
Nous attendons beaucoup de cette commission. Je ne suis pas politique, mais je crois en M Charles Konan Banny. Avant que le décret le nommant ne sorte et sans budget aucun, il a déjà commencé à travailler. Il consulte, écoute sans relâche toutes les populations pour se faire une idée précise sur la réconciliation nationale telle que le veulent les Ivoiriens. Qu’on lui mette les moyens à disposition, qu’on le laisse travailler tranquillement et qu’on le juge au résultat.
Entretien réalisé par
Y.DOUMBIA
Légende : Dr Kodjo souhaite que tous les criminels soient punis
Code ph : Dr Kodjo
Dr Marie-Paule Kodjo, quatre mois après la prise effective du pouvoir par le nouveau président, quelle évaluation faites-vous de la situation des droits humains en Côte d’Ivoire ?
La crise post-électorale a laissé une Côte d’Ivoire exsangue avec une grave crise humanitaire. Il y a eu des violations graves des droits de l’Homme, avec toutes les atrocités qui ont été commises. Mais on ne sort pas d’une guerre comme on sort d’un dîner gala. Action, réaction, pourrait-on dire. Aujourd’hui, à mon sens, il y a du mieux. Mais on peut encore mieux faire. Le président Alassane Ouattara a un discours rassembleur qui nous rassure. Il a même demandé au cours de son allocution à la nation, au cours de la fête de l’indépendance, à nos frères qui sont à l’extérieur de rentrer pour s’approprier la réconciliation nationale. A l’instar d’autres ONG, j’ai été appelée par la ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, Dr Coffi Goudou Raymonde pour nous envoyer en mission. Notre rôle est de réunir les familles disloquées, particulièrement dans les zones sinistrées où les PDI (Personnes déplacées internes sont les plus nombreuses sur les sites. Nous avons visité plusieurs sites dont celui de Neambly, Carrefour et le site de la mission catholique. Le ministre s’est adressé aux femmes dans un dialogue direct.
Il ne faut pas aussi occulter le fait qu`à l`Ouest, il y a encore des problèmes!
Tout à fait. Suite à cette mission qui nous a permis d’identifier les vrais problèmes sur le terrain, Mme le ministre a demandé aux ONG féminines de mettre tout en œuvre pour que les familles disloquées se retrouvent. L’ONG Playdoo a décidé de s’approprier cette mission et nous venons d’envoyer une délégation dans le Moyen- Cavally pour sensibiliser les populations, particulièrement les femmes et les jeunes. Une autre délégation de Playdoo est partie vers San-Pedro, Tabou et Grabo. Il y a beaucoup à faire parce que si nous voulons accéder à une vraie réconciliation, il faut que les droits de l’Homme soient respectés. Il va sans dire qu’une vraie justice doit s’appliquer de part et d’autre. J’aimerais ne pas avoir l’impression qu’il n’y a qu’une seule justice. Dans les deux camps, des exactions graves ont été commises. Et ceux qui ont commis des crimes de guerre et de sang doivent répondre devant la Cour pénale internationale (CPI). Il ne faut pas non plus que l’on fasse de chasse aux sorcières. Ce n’est pas parce qu’on a voté pour un parti ou qu’on appartient à une ethnie que l’on doit automatiquement être indexé. Aux personnes qui réfléchissent ainsi, je leur demande de se référer au programme du président Ouattara qui parle d’un meilleur vivre ensemble. Pour les personnes qui ont commis un crime de sang ou des crimes économiques, la justice doit s’appliquer. Pour les personnes qui incitent à la haine, la justice doit également s’appliquer. En conclusion, il faut que cette crise malheureuse nous serve de leçon. Qu’on apprenne à se respecter mutuellement et à aimer réellement notre pays, au lieu de jouer avec le feu. Je lance un appel pour les PDI afin que l’Etat trouve dans l’urgence une solution, dans la mesure où les terrains où sont les sites appartiennent à des privés qui veulent récupérer leurs biens. Il serait judicieux que l’Etat trouve un terrain qui va accueillir ces personnes et permette aux ONG telles que le HCR, ASA, UNICEF et des ONG humanitaires nationales d’accomplir aisément leur travail afin que d’ici quelques mois, nous ne parlions plus de PDI en Côte d’Ivoire. Je souhaiterais que la question de la femme soit traitée avec beaucoup d’attention au regard de la lutte qu’elles ont menées au peril de leur vie, pour certaines, pour que la démocratie soit en Côte d’Ivoire. En clair, nous ne voulons plus d’impunité.
La question des droits de l’homme soulève également la question de sécurité. Quatre mois après les événements douloureux traversés par la Côte d’Ivoire, quel regard jetez-vous sur cet aspect ?
Permettez-moi, avant d’aborder cette question, de féliciter le ministre des droits de l’Homme, Coulibaly Gnénéma, pour sa nomination méritée. La société civile spécialisée dans les élections a eu à travailler avec lui et nous pouvons dire sans nous tromper que c’est un travailleur acharné. Nous lui souhaitons plein succès dans la mission que le chef de l’Etat lui a confiée, en lui demandant de ne pas oublier la société civile. An niveau sécuritaire, pour répondre à votre question, certaines choses ont été faites pour améliorer la sécurité nationale, il faut le reconnaître. Mais il y a d’autres choses qui restent à faire, beaucoup d’attentes de la population, et ce dans l’urgence relativement à la sécurité. A mon humble avis, il ne faudrait pas que des brebis galeuses gâtent le nom des FRCI. Et c’est ce qui se passe. Ne serait-il pas judicieux de trouver des solutions idoines afin de mettre hors d’état de nuire ces personnes de mauvaise foi? Le Premier ministre avait parlé de nouvelles tenues. Nous restons dans l’attente. Les prisons doivent être rapidement fonctionnelles etc. En conclusion, il reste encore des lacunes à combler au niveau sécuritaire. Mais j’ai bon espoir, dans la mesure où le chef de l’Etat a lancé un message aux exilés. Nous souhaitons que nos frères et sœurs qui sont à l’extérieur reviennent dans leur pays et que leur sécurité soit garantie. On est plus à l’aise dans sa hutte que dans le palais des autres. Dans le même ordre d’idée, nous saluons l’opération pays propre lancée par la ministre de la Salubrité, Anne Ouloto. Je l’en félicite et l’encourage. Cependant, je souhaiterais qu’à ces activités de déguerpissement soit intégrées des solutions pour aider cette population vulnérable qui déjà survivait. Ville propre oui, mais pas à n’importe quel prix. Il ne faudrait pas casser ici et obliger les gens à aller faire la même chose ailleurs. Ne laissons pas d’autres frères frustrés sur la route de la paix et du développement.
Vous ne cessez de parler de réconciliation nationale. Qu’attend Playdoo-CI de la commission Dialogue, Vérité et réconciliation dirigée par Charles Konan Banny ?
Nous attendons beaucoup de cette commission. Je ne suis pas politique, mais je crois en M Charles Konan Banny. Avant que le décret le nommant ne sorte et sans budget aucun, il a déjà commencé à travailler. Il consulte, écoute sans relâche toutes les populations pour se faire une idée précise sur la réconciliation nationale telle que le veulent les Ivoiriens. Qu’on lui mette les moyens à disposition, qu’on le laisse travailler tranquillement et qu’on le juge au résultat.
Entretien réalisé par
Y.DOUMBIA
Légende : Dr Kodjo souhaite que tous les criminels soient punis
Code ph : Dr Kodjo