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Politique Publié le samedi 20 août 2011 | Le Patriote

Inculpation de Laurent Gbagbo - Entre justice et pardon

On entend, parfois, certaines personnes dire : « Au nom de la réconciliation nationale, il faut libérer Laurent Gbagbo, sa femme et tous les responsables du FPI en prison ». Si l’on peut comprendre cette exigence pour des raisons affectives et partisanes, il n’en demeure pas moins qu’elle soit maladroite en cette période post-crise. Maladroite en ce sens qu’elle ne tient pas compte et ne prend pas en compte les atrocités et les horreurs qui ont été perpétrés au cours de la grave crise que la Côte d’Ivoire a traversée durant les cinq mois qu’a duré la crise post-électorale. Il est vrai qu’il faut se réconcilier. Mais il est aussi vrai qu’il faut en même temps tenir compte de la soif de justice des victimes et de leurs parents. De même que la réconciliation ne peut se faire sans justice, de même la justice ne peut se faire sans réconciliation. Alors comment y parvenir sans qu’aucune partie ne se sente léser dans ce processus ? « That is the question », disent les Anglais. C’est la raison fondamentale qui a poussé le président de la République a créé une Commission « Dialogue, Vérité et Réconciliation », à l’image de la Commission « Vérité et Réconciliation » créée en Afrique du Sud pour permettre au pays de Nelson Mandela de gérer la période postapartheid. On a pu comprendre que la tâche de l’archevêque Desmond Tutu qui dirigeait cette commission, n’a pas été des plus aisées en cette période assez sensible de l’Afrique du Sud où certains criaient vengeance, tandis que d’autres demandaient pardon. Aujourd’hui la Côte d’Ivoire se trouve dans la même posture. Ici, il s’agit de donner satisfaction aux victimes, tout en ayant à l’esprit le souci de veiller sur la cohésion nationale. La meilleure formule, il faut le mentionner, est celle qui a été choisie par le président Ouattara. C’est à dire laisser la justice faire son travail en toute liberté, loin des pesanteurs politiciennes. Conformément au principe de la séparation des pouvoirs qui sous-tend tout Etat démocratique. Il est vrai qu’inculper Laurent Gbagbo, son épouse et les responsables du FPI en cette période difficile, peut paraître comme un frein au processus de réconciliation. Mais il est également clair que si on le fait pas, eu égard aux graves crimes qui ont été commis, il serait illusoire de penser que les choses rentreront tranquillement dans l’ordre. La justice doit faire son travail. La procédure judiciaire doit aller à son terme pour que les coupables soient punis. Quitte au politique d’absoudre ceux qu’il veut absoudre. C’est la seule voie qui s’offre à la Côte d’Ivoire si elle veut définitivement sortir du cercle vicieux de la violence. La violence appelle la violence. Et la vengeance appelle la vengeance. La seule manière d’y mettre fin est de donner un sentiment de justice aux victimes. Cela passe nécessairement par les tribunaux. Au risque de voir la Côte d’Ivoire sombrer à nouveau, dans la violence à la moindre occasion. Ne dit-on pas que ce que l’homme ne réussit pas à obtenir devant les tribunaux, c’est dans la rue qu’il va le chercher ? Les fils et les filles de la Côte d’Ivoire ont certes besoin de se réconcilier. Mais ils doivent le faire dans la vérité et la justice. D’où le souci et l’intérêt du président de la République de ne pas interférer dans le domaine de la justice. L’on ne peut donc reprocher au président de la République de ne pas se mêler des affaires judiciaires. Ce serait le comble ! Il ne faut pas oublier que le chef de l’Etat a promis aux Ivoiriens de rendre le pouvoir judiciaire totalement indépendant de l’Exécutif. Pour le moment, il s’en tient à cela. Même s’il lui appartient en dernier lieu de grâcier qui il veut. Mais pour l’heure, on n’en est pas là. Car la justice n’a pas fini de faire son travail. Il appartiendra plus tard à la Commission « Dialogue, Vérité et Réconciliation » de réconcilier les uns les autres. C’est cela son rôle. Amener les uns et les autres à renouer le dialogue dans la vérité pour pouvoir se réconcilier L’équipe du Premier ministre Charles Konan Banny n’a pas pour mission d’établir la justice. Sa mission est d’amener les Ivoiriens à se parler franchement pour que ceux qui ont commis des fautes les reconnaissent afin d’obtenir le pardon de ceux à qui ils ont fait du mal. Après cela, la réconciliation devient possible. Mais parallèlement à cette quête, on ne peut demander à la justice de s’autocensurer. Pour qu’il y ait grâce et pardon, il faut que la justice fasse d’abord son travail. Car, comme le dit la Bible : « Il n’y a pas de pardon sans effusion de sang ».

Jean-Claude Coulibaly
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