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International Publié le mercredi 31 août 2011 | L’Inter

AQMI, Boko Haram... : Quand Al Qaida défie l`Occident à partir de l`Afrique

AQMI, Boko Haram, tels sont les deux démembrements les plus actifs de la nébuleuse Al-Qaida sur le continent noir. L'Afrique devient de plus en plus une terre de prédilection pour le groupe terroriste dans son combat contre l'Occident. Pourquoi un tel choix?

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les pires qu'ont connu les Etats- Unis, (3000 morts), la traque contre le groupe terroriste est sans répit. Blessée dans son amour propre, la première puissance mondiale a décidé de traquer par tous les moyens, Al Qaida. Soutenus par ses alliés, les Américains ouvrent deux principaux fronts en Irak et en Afghanistan. Ces guerres sont très coûteuses au plan financier pour les USA (entre 3200 et 4000 milliards de dollars) selon l'Institut de recherche sur les relations internationales de la Brown University. En vies humaines, le bilan est tout aussi lourd: 1500 soldats américains ont péri en Afghanistan. Ce chiffre est nettement plus important en Irak. Néanmoins, cette chasse aux terroristes a enregistré quelques succès de taille. La chute du dictateur irakien Sadam Husein et la liquidation le 2 mai 2011 à Abbottabad au Pakistan, de l'ennemi No1 des Américains, Oussama Ben Laden, le chef d'Al Qaida. Le 22 août dernier, c'est le No2 du Groupe, le libyen Atiya abd al- Rahman, qui connaît le même sort, toujours au Pakistan. Le renforcement extrême des mesures de sécurité en Europe et aux Etats-Unis, a sérieusement dissuadé les groupes terroristes, qui ont changé de tactique dans leur combat contre l'Occident. Désormais, c'est à partir du continent africain qu'ils s'attaquent aux intérêts occidentaux. Les attentats contre les ambassades américaines de Nairobi au Kenya et de Dar es Salam en Tanzanie en 1998, avaient déjà donné le ton de ce changement de cap, deux ans avant les attentats contre les tours jumelles à New York. Al- Qaida ne s'arrêtera pas là, il ciblera d'autres intérêts occidentaux un peu partout en Afrique. C'est à partir des nombreux sanctuaires qu'il a pu implanter en Algérie, que le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC), actuel Al- Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), rayonnera sur tout le continent. Entre février et mars 2003, le mouvement opère ses premières actions, en raflant 32 touristes européens dans le sud algérien. Le Maroc voisin, reste jusque- là relativement épargné par le terrorisme aveugle. Mais l'attentat de Marrakech en avril dernier contre la place Janaa El Fnah, lieu très prisé par les touristes européens, est venu briser cette relative sérénité. Ce coup qui porte la marque d'AQMI, a fait une vingtaine de morts dont de nombreux Occidentaux. Avant la ville phare du tourisme marocain, C'est Casablanca, le poumon économique du royaume qui a été frappé. A partir du Maghreb, Al Qaida étend ses tentacules vers la bande sahélo- saharienne. Dans sa ligne de mire la Mauritanie, le Mali et le Niger, trois pays où les intérêts français sont particulièrement visés. Le 24 décembre 2007, quatre touristes français sont tués en Mauritanie par trois hommes se réclamant d'AQMI. Le 22 janvier 2009, quatre autres touristes européens (deux Suisses, un Allemand et un Britannique) sont capturés dans la zone frontalière nigéro- malienne. Cinq mois plus tard, AQMI exécute le Britannique. Ces deux dernières années, le groupe s'est signalé par deux enlèvements spectaculaires. Le premier le 16 septembre 2010 dans la cité minière d'Arlit près d'Agadès au Niger où la société française AREVA exploite une importante mine d'uranium. Cinq français, un Togolais et un Malgache sont enlevés. Le deuxième a été perpétré le 7 janvier 2011. Deux jeunes Français, Antoine De Léocour et Vincent Delory seront enlevés dans un restaurant en plein centre de Niamey, avant d'être abattus le lendemain vers la frontière malienne. Les deux toutes dernières attaques terroristes se sont produites successivement au Nigeria et en Algérie. Le 21 août 2011, le quartier général de l'ONU à Abuja, la capitale politique du Nigeria est soufflé par la charge que portait un kamikaze. 21 personnes ont perdu la vie dans cette attaque qui porte la griffe d'une obscure secte, au nom tout aussi mystérieux: «Boko Haram». Ces radicaux qui se proclament «Talibans nigérians», seraient l'une des nombreuses ramifications de la même «multinationale» Al- Qaida. En 2009, lorsqu'elle avait décidé d'en découdre avec ces ultras dont le but est d'établir un Etat islamique au Nigeria avec la charia comme loi, la police nigériane n'y était pas allée avec le dos de la cuillère. La descente musclée qu'elle a effectuée sur leur sanctuaire de Maiduguri dans le nord du pays, a fait près de 800 morts. Mais cette sanglante répression n'a apparemment pas refroidi l'ardeur de la secte, qui vient de réclamer l'attentat contre le siège de l'ONU à Abuja. Le mode opératoire de cet attentat est jusqu'ici inconnu dans l'histoire du géant de l'Afrique. Jamais un terroriste ne s'est encore fait exploser avec sa charge comme l'a fait l'auteur de l'attentat de ce vendredi noir à Abuja. Il y a deux ans, un jeune étudiant nigérian l'avait tenté sans succès sur un appareil américain. Le tout dernier acte d'AQMI date du 26 août 2011; le groupe s'est signalé cette fois à l'académie interarmes de Cherchell, où est formée l'élite de l'armée algérienne. 18 personnes ont péri.

L'Afrique, le maillon faible du dispositif sécuritaire mondial

L'Afrique a-t-elle les moyens de lutter efficacement contre la grande criminalité? De toute évidence, la réponse est non. Notre continent manque cruellement de ressources à la fois humaines, technologiques et financières, pour prétendre affronter la monstrueuse nébuleuse qu'est Al Qaida. Lors des attentats de Nairobi et de Dar Es Salam, c'est le FBI qui a mené de bout en bout les investigations. C'est encore la même police fédérale américaine qui est présente à Abuja depuis lundi 29 août 2011 pour prêter main-forte à son homologue nigériane. Après les rapts successifs opérés dans le Sahel par AQMI, ce sont des forces spéciales françaises qui ont conduit la traque contre les ravisseurs. Dans la zone sahélo-saharienne, la tâche est d'autant plus difficile compte tenu de l'immensité de cette bande désertique et de la morphologie du terrain. Faute de moyens aériens conséquents, ce sont de simples véhicules tout terrain, les fameux pick-up, qui sont lancés contre les djihadistes. Cette traque s'avère peu efficace face à la grande mobilité des «seigneurs du désert» qui se fondent facilement dans cette immensité où dunes et massifs montagneux constituent d'imprenables gîtes. Ce manque criant de matériel approprié, et de renseignement fiable, est une aubaine pour les mouvements terroristes qui continueront de faire de l'Afrique leur nouvel eldorado. Conscientes de ce fait, les puissances occidentales mettent de plus en plus l'accent sur la formation et l'équipement des armées africaines. Les Français et les Américains en sont les précurseurs. Le projet français «Recamp» en est un exemple. Ce sont ces mêmes puissances étrangères qui soutiennent financièrement les troupes que l'Union africaine déploie dans les différentes zones chaudes du continent. C'est le cas en Somalie et au Soudan. Ces deux pays qui végètent dans de vieux conflits armés, offrent des terreaux favorables à la poussée de mouvements terroristes. La Libye où le régime hyper militarisé de Kadhafi vient d'être démantelé, risque à son tour de devenir une zone favorable aux actions d'AQMI. Le 12 juin dernier, l'armée nigérienne a saisi 640 Kg d'explosifs dont du Semtex, un produit très convoité par les kamikazes, et 435 détonateurs en provenance de Libye. L'éparpillement de l'effroyable machine de guerre de l'ex-guide libyen, n'est pas de bon augure pour la stabilité du continent. L'Europe doit comprendre qu'elle a un défi majeur à relever en Afrique: réduire cette pauvreté endémique. C'est elle qui pousse les Africains à envahir le vieux continent et au cas où ils en sont empêchés par les stricte contrôles aux frontières, ils n'ont plus d'autre choix que de combattre cet égoïsme en s'attaquant à leurs intérêts sur le sol noir.

Charles d'Almeida
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