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Art et Culture Publié le samedi 17 septembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Les samedis de Biton : Être Président

Lors de la sortie, à Zambakro, de la 41ème promotion des officiers d’active de l’EFA, Amadou Toumani Touré, président de la République du Mali et parrain de la promotion, a été d’une sincérité émouvante. Il a dit sa préférence d’être Général que Président de la République. Ce choix montre, on ne peut plus, la difficulté d’être Président dans un pays africain. Déjà, lors de son coup d’Etat contre le Général Moussa Traoré, à la surprise générale, il a tenu à sa parole en quittant le pouvoir au bout de quelques mois. Dans une interview à l’hebdomadaire « Jeune Afrique », il partageait aux lecteurs la difficulté d’être Président. Il disait que la principale difficulté se trouve au niveau de son entourage et de sa propre famille. Il avoua qu’à la maison un conflit opposait ses deux filles. L’une voulait qu’il parte du pouvoir et l’autre voulait qu’il reste. Il n’y a pas encore deux ans, des hommes politiques maliens ont manifesté leur désir de le voir briguer un troisième mandat en modifiant la Constitution. Sa réponse a fait le tour du monde. « Je suis même pressé que ce mandat finisse pour quitter le pouvoir a fortiori continuer. Il n’en est pas question. » On se souvient encore, comme si c’était hier, des propos qu’il a tenu au Général Robert Guéi qui l’avait sollicité pour avoir ses conseils. « Il existe autre chose que d’être Président de la République. » Si un Général de l’Armée, censé aimer le pouvoir, le commandement, la force, aime s’éloigner du métier de chef d’Etat c’est que la tâche a trop d’inconvénients. Il n’a pas voulu le dire ouvertement pour que le grand frère l’entende mais il a rassuré qu’il en parlera au petit frère. Mais on sait tous que le pouvoir, à tous les niveaux, est ingrat. Je me suis souvent demandé comment on pouvait chercher à diriger un pays africain. Diriger déjà une famille, une entreprise, une association, c’est subir l’hypocrisie, la médisance et l’ingratitude au quotidien. Le faire au niveau de millions de personnes c’est avoir vraiment un cœur d’acier, être fabriqué par Dieu avec des matériaux différents du commun des mortels. Les peuples africains ne sont pratiquement jamais contents du pouvoir. Ils se croient toujours au Moyen-Age où le souverain nourrit toutes les familles. Ici et là, on continue toujours d’attendre du Président de la République qu’il continue de nourrir toutes les familles. Devant toute difficulté personnelle, on ne voit que le Président. La tomate a augmenté de cinq francs, sachant qu’il peut baisser de vingt francs selon la saison, c’est le Président. Irrité, un jour, le Président Bédié a demandé que les gens cultivent des vivriers. Pour tous ceux qui n’ont pas de travail et leur famille, le chômage est une affaire du Président. C’est à lui de trouver du travail à chacun. On imagine déjà les conversations. En Afrique, les gens ne s’inventent pas un avenir ; on ne regarde que ce que le Président peut faire. La critique systématique du pouvoir est devenue la politesse quotidienne. Beaucoup de personnes sont toujours couchées la bouche ouverte attendant que le Président y dépose toutes les bonnes choses au lieu de se lever pour se battre. En Afrique, être Président est encore plus difficile à cause des ethnies. On a l’impression que la Nation s’éloigne chaque jour. La mauvaise foi s’étale à longueur de journée. Même les partisans, les « fidèles » deviennent des détracteurs, adversaires pour de l’argent ou des postes. Le pouvoir, à leurs yeux, c’est le partage de l’éléphant. Dès qu’on construit une route, on dit qu’il aurait fallu une autoroute. L’ingratitude. Le peule veut tout et maintenant. Même un accident de la circulation est imputé au Président. Comment on peut être aussi ridicule ? Mais c’est aussi ça le caractère du peuple africain. Cette tragédie d’aller de l’oralité à l’image en sautant des siècles du livre et de la lecture est à l’origine de tous nos maux. Je n’ai jamais soutenu notre Président actuel de s’être engagé dans la politique. Je le trouvais trop compétent, honnête et généreux pour subir les attaques, les calomnies et les médisances. Pour moi, c’est le peuple qui allait, un jour, le chercher pour venir au pouvoir sautant toutes ces années de frustration. Je reste encore persuadé qu’il serait arrivé au pouvoir, beaucoup plus tôt, en restant en dehors de la politique à l’exemple d’ATT. Mais c’est le petit frère qui donne la note d’espoir : « Oui, c’est ensemble que nous avons affronté l’adversité. C’est aussi ensemble que nous devons partager les joies. Malgré les médisances et des méchancetés, nous n’avons pas varié notre conduite. C’est grâce à vous que j’ai tenu quand les autres me collaient de toutes les étiquettes…Je ne me suis pas laissé émouvoir ni je n’ai varié dans ma conduite. Je ne varierai pas ma conduite car le peuple c’est le peuple et demeure le peuple. Le peuple qui célèbre mais le peuple aussi qui peut châtier. » Guillaume Soro, le Premier ministre, le dogo, le petit frère, nous donne à travers cet extrait de son discours prononcé à Bouaké, lors du conclave des Forces nouvelles, une des clés pour tenir et supporter le pouvoir. Ne pas se laisser émouvoir. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
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