868 entreprises sinistrées ont été recensées. Derrière l’apathie des chiffres, des drames humains se jouent en coulisses. Des petites entreprises et commerces ont tout perdu, suite aux pillages et aux déprédations subis par leurs projets. Privés de sources de revenus, les promoteurs sont menacés de la saisie de leurs biens, parfois même de prison.
Plusieurs commerces et entreprises victimes des violences d’après élections sont aux abois. Le guichet d’enregistrement des sinistres mis en place par la Chambre de commerce et d’industrie en a enregistré au moins 868. Soit 18 entreprises agricoles, 324 services, 190 industries et 336 commerces. Selon Germain Yao, directeur de l’information économique et des études, le préjudice financier atteint les 250 milliards Fcfa hormis les dommages indirects. Un bilan sous-estimé, insiste le président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cegeci).
900 entreprises cassées
«Globalement, nous dépassons les 1.000 milliards Fcfa de dommages directs et indirects. Les dommages les plus importants sont les dommages indirects qui s’élèvent à 267 milliards Fcfa, sans les banques, les entreprises pétrolières et les Petites et moyennes entreprises », déplore Jean Kacou Diagou, avant d’ajouter que « les banques ont perdu 510 milliards Fcfa en direct et en créances compromises (prêts octroyés). En tout cas, devant l’ampleur du désastre, les entreprises concernées ont lancé à plusieurs reprises, des signaux de détresse. Pour le moment, sans grands résultats. Conséquences, des centaines de petits entrepreneurs et commerçants voient leurs sources de revenus tarir et n’ont même plus de quoi subsister. Abass Moussa, propriétaire de «SMC Cosmétique» à la zone industrielle de Koumassi, dont la production est destinée au marché local vit un véritable cauchemar : « Mon usine a été pillée, les machines et les marchandises ont été volées, et le reste a été détruit», égrène-t-il. Le rapport d’huissier évalue les pertes à 600 millions de Fcfa. Sans ressources ni indemnisations, l’homme d’affaires subit les pressions des fournisseurs et des banques. Sa maison vient d’être saisie et son activité est à l’arrêt. «Nous attendons toujours un geste du gouvernement», se résigne-t-il, tout en soulignant la difficulté d’accéder au crédit. En effet, les banques affirment ne plus vouloir prendre de risques aussi incertains. «Je suis menacé de prison, les chèques impayés affluent et maintenant, les créanciers veulent récupérer ma voiture », rapporte Jacob Koffi, grossiste en confiserie. Heureusement, les banques viennent de lui accorder un sursis. Mais pour pouvoir redémarrer le projet, il lui faut au moins 900 millions Fcfa que les banques refusent de lui prêter. «Elles me demandent des garanties solides or je n’en ai plus», dit-il. «Le gouvernement nous ignore alors que nous sommes au chômage depuis 6 mois, sans revenus », vitupère Marius Ano, gérant d’un cybercafé à Cocody. Il a subi deux vols qui lui ont coûté la bagatelle de 50 millions Fcfa. Aujourd’hui, il ne sait comment faire face aux échéances bancaires, à son loyer et aux divers frais. Comme lui, plusieurs opérateurs aujourd’hui se trouvent sans revenus. Harcelés par les banques, ils deviennent suicidaires. «Je ne peux pas rouvrir mon cybercafé, car les banques ont rejeté mes demandes de prêt y compris la Banque nationale d’investissement (Bni) qui exige des garanties hypothécaires hors de portée», note-t-il. Une situation d’autant frustrante que le président de la confédération exprime ses appréhensions. «En 2004, on nous a promis des choses et on n’a rien vu», regrette M. Diagou. «Toutefois, nous avons sensibilisé les chefs des grandes entreprises qui ont subi des sinistres, à la nécessité de continuer à payer les salaires, même s’ils n’ont pas reçu d’indemnisation...en vue de préserver les emplois», assure-t-il. Mais pour certains opérateurs économiques, l’Etat doit élargir son éventail d’aide. «La priorité a été donnée à la promotion de l’investissement étranger alors que les investisseurs ivoiriens ont des problèmes», se plaint un chef d’entreprise. Un faux procès, tempère le ministre de l’Economie et des Finances, Charles Diby Koffi. En effet, seules les entreprises françaises ravagées par les évènements de 2004, ont été dédommagées à hauteur de 6 milliards Fcfa.
45 milliards en septembre
Mais les bailleurs de fonds, à leur tête, le Fonds monétaire international (Fmi), Banque mondiale (Bm), la Banque africaine de développement (Bad) s’engagent à soutenir davantage le secteur privé notamment les entreprises sinistrées. «Il y aura des décaissements», assure le chef de la délégation Doris Ross. «Nous avons désigné un budget mensuel afin d’améliorer la croissance économique. Il y aura un décaissement dans le cadre d’un programme d’urgence pour aider à la croissance et au développement», déclare Mme Ross. Dans le même élan, M. English, économiste pour la Côte d’Ivoire à la Banque mondiale basé à Washington, annonce un don de 45 milliards Fcfa d’ici septembre pour la relance économique dans plusieurs domaines. Mais selon Jean Kacou Diagou, il faut surtout résorber les problèmes de la dette intérieure, des arriérés de Tva (5 milliards Fcfa), des bons du Trésor et mettre en place «un moratoire pour le paiement des impôts». Spécifiquement, la de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire propose au-delà des indemnisations, la mise en place d’avantages fiscaux divers. Ces faveurs devraient prendre la forme d’allègements fiscaux, d’aide aux financements ainsi que de facilités de paiement d’impôts. Une sorte d’amnistie fiscale. Par ailleurs, Germain Yao plaide pour une amélioration de l’environnement des affaires. En effet, le Doing business reste encore une vue de l’esprit d’autant que les entraves à la libre circulation des personnes et des biens, la fluidité routière et les défaillances judiciaires (certains parlent d’insécurité juridique) continuent de tuer l’entreprenariat et l’investissement. Autant dire qu’à situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles et urgentes, surtout au moment ou l’économie doit redémarrer. En attendant, les appels se multiplient pour la création d’un fonds d’indemnisation d’urgence des entreprises industrielles, commerciales et de service et la mise en place de mécanismes de financement bancaire pour venir en aide aux entreprises sinistrées. Mais aujourd’hui, l’avenir dépend de la publication, qui traîne en longueur, des textes portant sur l’indemnisation des entreprises économiques sinistrées. D’autant qu’une fois ces textes pris, les promoteurs devront encore attendre la constitution d’une commission qui examinera les dossiers au cas par cas. Une bombe à retardement «Le gouvernement tiendra ses promesses », a fait savoir Narcisse N’dri, directeur générale de l’Economie.
Lanciné Bakayoko
Plusieurs commerces et entreprises victimes des violences d’après élections sont aux abois. Le guichet d’enregistrement des sinistres mis en place par la Chambre de commerce et d’industrie en a enregistré au moins 868. Soit 18 entreprises agricoles, 324 services, 190 industries et 336 commerces. Selon Germain Yao, directeur de l’information économique et des études, le préjudice financier atteint les 250 milliards Fcfa hormis les dommages indirects. Un bilan sous-estimé, insiste le président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cegeci).
900 entreprises cassées
«Globalement, nous dépassons les 1.000 milliards Fcfa de dommages directs et indirects. Les dommages les plus importants sont les dommages indirects qui s’élèvent à 267 milliards Fcfa, sans les banques, les entreprises pétrolières et les Petites et moyennes entreprises », déplore Jean Kacou Diagou, avant d’ajouter que « les banques ont perdu 510 milliards Fcfa en direct et en créances compromises (prêts octroyés). En tout cas, devant l’ampleur du désastre, les entreprises concernées ont lancé à plusieurs reprises, des signaux de détresse. Pour le moment, sans grands résultats. Conséquences, des centaines de petits entrepreneurs et commerçants voient leurs sources de revenus tarir et n’ont même plus de quoi subsister. Abass Moussa, propriétaire de «SMC Cosmétique» à la zone industrielle de Koumassi, dont la production est destinée au marché local vit un véritable cauchemar : « Mon usine a été pillée, les machines et les marchandises ont été volées, et le reste a été détruit», égrène-t-il. Le rapport d’huissier évalue les pertes à 600 millions de Fcfa. Sans ressources ni indemnisations, l’homme d’affaires subit les pressions des fournisseurs et des banques. Sa maison vient d’être saisie et son activité est à l’arrêt. «Nous attendons toujours un geste du gouvernement», se résigne-t-il, tout en soulignant la difficulté d’accéder au crédit. En effet, les banques affirment ne plus vouloir prendre de risques aussi incertains. «Je suis menacé de prison, les chèques impayés affluent et maintenant, les créanciers veulent récupérer ma voiture », rapporte Jacob Koffi, grossiste en confiserie. Heureusement, les banques viennent de lui accorder un sursis. Mais pour pouvoir redémarrer le projet, il lui faut au moins 900 millions Fcfa que les banques refusent de lui prêter. «Elles me demandent des garanties solides or je n’en ai plus», dit-il. «Le gouvernement nous ignore alors que nous sommes au chômage depuis 6 mois, sans revenus », vitupère Marius Ano, gérant d’un cybercafé à Cocody. Il a subi deux vols qui lui ont coûté la bagatelle de 50 millions Fcfa. Aujourd’hui, il ne sait comment faire face aux échéances bancaires, à son loyer et aux divers frais. Comme lui, plusieurs opérateurs aujourd’hui se trouvent sans revenus. Harcelés par les banques, ils deviennent suicidaires. «Je ne peux pas rouvrir mon cybercafé, car les banques ont rejeté mes demandes de prêt y compris la Banque nationale d’investissement (Bni) qui exige des garanties hypothécaires hors de portée», note-t-il. Une situation d’autant frustrante que le président de la confédération exprime ses appréhensions. «En 2004, on nous a promis des choses et on n’a rien vu», regrette M. Diagou. «Toutefois, nous avons sensibilisé les chefs des grandes entreprises qui ont subi des sinistres, à la nécessité de continuer à payer les salaires, même s’ils n’ont pas reçu d’indemnisation...en vue de préserver les emplois», assure-t-il. Mais pour certains opérateurs économiques, l’Etat doit élargir son éventail d’aide. «La priorité a été donnée à la promotion de l’investissement étranger alors que les investisseurs ivoiriens ont des problèmes», se plaint un chef d’entreprise. Un faux procès, tempère le ministre de l’Economie et des Finances, Charles Diby Koffi. En effet, seules les entreprises françaises ravagées par les évènements de 2004, ont été dédommagées à hauteur de 6 milliards Fcfa.
45 milliards en septembre
Mais les bailleurs de fonds, à leur tête, le Fonds monétaire international (Fmi), Banque mondiale (Bm), la Banque africaine de développement (Bad) s’engagent à soutenir davantage le secteur privé notamment les entreprises sinistrées. «Il y aura des décaissements», assure le chef de la délégation Doris Ross. «Nous avons désigné un budget mensuel afin d’améliorer la croissance économique. Il y aura un décaissement dans le cadre d’un programme d’urgence pour aider à la croissance et au développement», déclare Mme Ross. Dans le même élan, M. English, économiste pour la Côte d’Ivoire à la Banque mondiale basé à Washington, annonce un don de 45 milliards Fcfa d’ici septembre pour la relance économique dans plusieurs domaines. Mais selon Jean Kacou Diagou, il faut surtout résorber les problèmes de la dette intérieure, des arriérés de Tva (5 milliards Fcfa), des bons du Trésor et mettre en place «un moratoire pour le paiement des impôts». Spécifiquement, la de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire propose au-delà des indemnisations, la mise en place d’avantages fiscaux divers. Ces faveurs devraient prendre la forme d’allègements fiscaux, d’aide aux financements ainsi que de facilités de paiement d’impôts. Une sorte d’amnistie fiscale. Par ailleurs, Germain Yao plaide pour une amélioration de l’environnement des affaires. En effet, le Doing business reste encore une vue de l’esprit d’autant que les entraves à la libre circulation des personnes et des biens, la fluidité routière et les défaillances judiciaires (certains parlent d’insécurité juridique) continuent de tuer l’entreprenariat et l’investissement. Autant dire qu’à situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles et urgentes, surtout au moment ou l’économie doit redémarrer. En attendant, les appels se multiplient pour la création d’un fonds d’indemnisation d’urgence des entreprises industrielles, commerciales et de service et la mise en place de mécanismes de financement bancaire pour venir en aide aux entreprises sinistrées. Mais aujourd’hui, l’avenir dépend de la publication, qui traîne en longueur, des textes portant sur l’indemnisation des entreprises économiques sinistrées. D’autant qu’une fois ces textes pris, les promoteurs devront encore attendre la constitution d’une commission qui examinera les dossiers au cas par cas. Une bombe à retardement «Le gouvernement tiendra ses promesses », a fait savoir Narcisse N’dri, directeur générale de l’Economie.
Lanciné Bakayoko