Les usagers devant se faire délivrer un permis de conduire sont confrontés à une situation kafkaïenne. Au moment où ils sont en droit d’exiger l'allégement des procédures bureaucratiques, la confection de ce document demeure toujours un casse-tête. A Angré, la «corruption de guichet» fait pleurer.
S'il vous arrive d'aller déposer un dossier de permis de conduire sur le site d’Angré, il faut être très fort financièrement et physiquement, très patient et très calme pour affronter les périples qui vous mèneront à l'acquisition de votre toison d'or. Déjà, pour pouvoir seulement remettre votre dossier pour l'obtention de votre document, il faut se lever à 4 heures du matin et vous faire inscrire sur une liste douteuse en attendant d'affronter vers 8 heures les centaines de candidats qui tenteront de déborder les agents de sécurité dans une indescriptible bousculade, puis piquer un sprint dans les couloirs des guichets de dépôt de dossiers. Il ne fait pas bon d'être une femme, dont les plus faibles sont carrément hors course si «elles ne rentrent pas dans le contexte ».
Que de pagaille
Et ce n'est pas fini : il faut ensuite pouvoir passer une autre porte donnant sur un semblant de salle d'attente, dans laquelle il n'y a rien à attendre avant de pénétrer dans un couloir exigu où vous suffoquerez longtemps avant d'atteindre la guichetière qui n'est d'ailleurs jamais pressée. Pis, pas sûr que vous obtiendrez quelque chose en remettant votre dossier, car le récépissé ne sera pas prêt à temps. Et c'est tous les jours comme cela au nez et à la barbe des responsables de tout le monde. Tout porte à croire qu’il n'y a aucune coordination entre les agents qui se relaient dans ce service, dira un pétitionnaire, outré par autant de désinvolture. Même scénario pour récupérer le document. L'attente peut durer des mois, selon les usagers. Certains disent attendre six mois. «Parfois, il faut attendre jusqu'à une demi-année ou davantage pour obtenir son permis de conduire», s’offusquent-ils. Là où le ministre des Transports, Gaoussou Touré réitère le principe des 48 heures. Tout simplement effarant. «Je vais mettre de l’ordre », promet M. Touré. Mais au-delà des complaintes, le constat est net que tous ces goulots artificiels sont assis sur le racket et les extorsions d’argent. Et ces lourdeurs sont à tous les niveaux. A la première étape du pré-enregistrement, il faut pouvoir authentifier le dossier. Cette authentification opérée par les agents de la Société nationale des transports terrestres (Sonatt) se fait moyennant 2.000 à 3.000 Fcfa. Après cette étape, c’est le tour de Starten Technologie où un long rang vous attend jusqu’à la caisse. A ce guichet, la somme réglementaire est de 21.6000 Fcfa. Mais la caissière vous réclamera toujours 22.000 Fcfa. «Elle dira qu’il n’y a pas de monnaie », s’insurge un candidat. Malheureusement, ce ne sera pas la fin du calvaire. D’autant qu’il va falloir maintenant rejoindre un autre rang en vue, cette fois, de la prise des photos. Mais pour avoir simplement accès à la salle d’images, des margouillats dont le plus célèbre se prénomme «Brice» vous exigeront 3.000 ou 5.000 Fcfa. Ensuite arrive le tour de Biomédical concessionnaire des examens sanitaires liés à la prise de sang et de vue. C’est dans ce service que l’on découvre toute la laideur de la corruption au niveau du permis de conduire. Non seulement, les agents vous délesteront de 5.000 à 10.000 Fcfa mais ils peuvent proposer de vous vendre des lunettes pharmaceutiques sur place, sans que les résultats sanitaires ne l’imposent. Ce qui ramène le total à payer à au moins 35.000 Fcfa. Pourtant officiellement, le renouvellement devrait coûter seulement 21.6000 Fcfa contre 26.500 Fcfa pour les nouveaux pétitionnaires. «C'est un vol organisé», proteste Alain Z. qui attend avec impatience son permis depuis le 20 juillet. Mais comment les concernés commentent-ils toutes ces récriminations dans la délivrance du document ?
Dérange pas, on vole
Personne, absolument personne ne veut faire la moindre déclaration, craignant d’attirer l’attention sur le pot-aux roses. «Nous ne sommes pas autorisés à donner des informations», affirme le directeur de l’exploitation de la Société nationale de transports terrestres (Sonatt), Bernard Tano. «Ce problème de retard que dénoncent les usagers s'explique par le fait que les dossiers qui nous sont fournis sont incomplets», fait observer un collaborateur du directeur commercial dont certains disent qu’il a intimement partie liée avec la magouille ambiante. Faute d’avoir la version de Mme Yvonne Atto, responsable d’Interflex, un agent explique que «les problèmes sont liés à des avaries fréquentes sur le réseau informatique». Manifestement, un faux-fuyant, dans la mesure où la difficulté souvent évoquée est liée au retard de déploiement des services aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur. «Le site de Lanema n’existe plus et celui de Biétry n’a jamais pu avoir le jour », fait-il observer. Ce qui provoque l’engorgement de l’unique site d’Angré, ouvrant la porte aux mauvaises pratiques. « La pression que connaît le service est due à l'affluence enregistrée au niveau des guichets», reconnaissait l’ancien directeur général de la Sonatt, Assié Argnar. Ouf, malgré les rodomontades par-ci par-là, les escroqueries liées au permis de conduire continuent de s’aggraver.
Lanciné Bakayoko
S'il vous arrive d'aller déposer un dossier de permis de conduire sur le site d’Angré, il faut être très fort financièrement et physiquement, très patient et très calme pour affronter les périples qui vous mèneront à l'acquisition de votre toison d'or. Déjà, pour pouvoir seulement remettre votre dossier pour l'obtention de votre document, il faut se lever à 4 heures du matin et vous faire inscrire sur une liste douteuse en attendant d'affronter vers 8 heures les centaines de candidats qui tenteront de déborder les agents de sécurité dans une indescriptible bousculade, puis piquer un sprint dans les couloirs des guichets de dépôt de dossiers. Il ne fait pas bon d'être une femme, dont les plus faibles sont carrément hors course si «elles ne rentrent pas dans le contexte ».
Que de pagaille
Et ce n'est pas fini : il faut ensuite pouvoir passer une autre porte donnant sur un semblant de salle d'attente, dans laquelle il n'y a rien à attendre avant de pénétrer dans un couloir exigu où vous suffoquerez longtemps avant d'atteindre la guichetière qui n'est d'ailleurs jamais pressée. Pis, pas sûr que vous obtiendrez quelque chose en remettant votre dossier, car le récépissé ne sera pas prêt à temps. Et c'est tous les jours comme cela au nez et à la barbe des responsables de tout le monde. Tout porte à croire qu’il n'y a aucune coordination entre les agents qui se relaient dans ce service, dira un pétitionnaire, outré par autant de désinvolture. Même scénario pour récupérer le document. L'attente peut durer des mois, selon les usagers. Certains disent attendre six mois. «Parfois, il faut attendre jusqu'à une demi-année ou davantage pour obtenir son permis de conduire», s’offusquent-ils. Là où le ministre des Transports, Gaoussou Touré réitère le principe des 48 heures. Tout simplement effarant. «Je vais mettre de l’ordre », promet M. Touré. Mais au-delà des complaintes, le constat est net que tous ces goulots artificiels sont assis sur le racket et les extorsions d’argent. Et ces lourdeurs sont à tous les niveaux. A la première étape du pré-enregistrement, il faut pouvoir authentifier le dossier. Cette authentification opérée par les agents de la Société nationale des transports terrestres (Sonatt) se fait moyennant 2.000 à 3.000 Fcfa. Après cette étape, c’est le tour de Starten Technologie où un long rang vous attend jusqu’à la caisse. A ce guichet, la somme réglementaire est de 21.6000 Fcfa. Mais la caissière vous réclamera toujours 22.000 Fcfa. «Elle dira qu’il n’y a pas de monnaie », s’insurge un candidat. Malheureusement, ce ne sera pas la fin du calvaire. D’autant qu’il va falloir maintenant rejoindre un autre rang en vue, cette fois, de la prise des photos. Mais pour avoir simplement accès à la salle d’images, des margouillats dont le plus célèbre se prénomme «Brice» vous exigeront 3.000 ou 5.000 Fcfa. Ensuite arrive le tour de Biomédical concessionnaire des examens sanitaires liés à la prise de sang et de vue. C’est dans ce service que l’on découvre toute la laideur de la corruption au niveau du permis de conduire. Non seulement, les agents vous délesteront de 5.000 à 10.000 Fcfa mais ils peuvent proposer de vous vendre des lunettes pharmaceutiques sur place, sans que les résultats sanitaires ne l’imposent. Ce qui ramène le total à payer à au moins 35.000 Fcfa. Pourtant officiellement, le renouvellement devrait coûter seulement 21.6000 Fcfa contre 26.500 Fcfa pour les nouveaux pétitionnaires. «C'est un vol organisé», proteste Alain Z. qui attend avec impatience son permis depuis le 20 juillet. Mais comment les concernés commentent-ils toutes ces récriminations dans la délivrance du document ?
Dérange pas, on vole
Personne, absolument personne ne veut faire la moindre déclaration, craignant d’attirer l’attention sur le pot-aux roses. «Nous ne sommes pas autorisés à donner des informations», affirme le directeur de l’exploitation de la Société nationale de transports terrestres (Sonatt), Bernard Tano. «Ce problème de retard que dénoncent les usagers s'explique par le fait que les dossiers qui nous sont fournis sont incomplets», fait observer un collaborateur du directeur commercial dont certains disent qu’il a intimement partie liée avec la magouille ambiante. Faute d’avoir la version de Mme Yvonne Atto, responsable d’Interflex, un agent explique que «les problèmes sont liés à des avaries fréquentes sur le réseau informatique». Manifestement, un faux-fuyant, dans la mesure où la difficulté souvent évoquée est liée au retard de déploiement des services aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur. «Le site de Lanema n’existe plus et celui de Biétry n’a jamais pu avoir le jour », fait-il observer. Ce qui provoque l’engorgement de l’unique site d’Angré, ouvrant la porte aux mauvaises pratiques. « La pression que connaît le service est due à l'affluence enregistrée au niveau des guichets», reconnaissait l’ancien directeur général de la Sonatt, Assié Argnar. Ouf, malgré les rodomontades par-ci par-là, les escroqueries liées au permis de conduire continuent de s’aggraver.
Lanciné Bakayoko