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Politique Publié le mardi 27 septembre 2011 | Le Temps

Nouvelles promesses de Ouattara aux Ivoiriens, devant l’Onu : Le pouvoir rêve debout

© Le Temps Par DR
International : 66ème Assemblée générale des Nations Unies, à New York
Ivory Coast`s President Alassane Ouattara addresses the 66th United Nations General Assembly at the U.N. headquarters in New York, September 22, 2011.
La belle tribune de l’Organisation des nations unies, royalement offerte par des alliés ! Ouattara ne pouvait pas la manquer. Pour son dernier show étasunien, il s’est efforcé, laborieusement, d’assurer le spectacle jusqu’au bout. Au risque de pousser trop loin le bouchon des promesses qui ne seront jamais tenues. En effet, s’adressant à son public dans son habituel «a cappella», la main sur le cœur, le nouvel occupant du palais d’Abidjan a, une fois encore, promis de réaliser le miracle. Il prétend faire de la Côte d’Ivoire un pays ‘’émergent’’, d’ici 2020. On peut même penser que si le dictateur d’Abidjan, jouant la comédie aux yeux du monde, n’a pas employé le terme “développé”, c’est peut-être parce que quelqu’un de mieux avisé l’a pincé sous la table pour lui déconseiller une telle exagération. Car, au regard au défi insurmontable qui se dresse devant lui, on aurait été tenté de sourire, si ce n’était hélas pas l’avenir de la Côte d’Ivoire que le pouvoir en place est en train d’hypothéquer, avec tant de légèreté. Ouattara, à la tribune de l’Onu, parle comme si la Côte d’Ivoire était un pays indépendant qui a son destin en main et qui peut décider lui-même de son devenir en marchant de façon souveraine sur les chantiers de son développement, tout en disposant de ses propres ressources.
L’implacable réalité historique d’un pays recolonisé
La prétention de Ouattara choque pour plusieurs raisons tellement évidentes qu’elles nous obstruent la vue. En attendant que les vrais économistes, experts en la matière, rappellent à Ouattara la vanité de son ambition de faire de la côte d’Ivoire un pays «émergeant» à l’orée 2020, nous nous contenterons de lui présenter l’implacable réalité historique qui rend impossible l’émergence de la Côte d’Ivoire, tant que ce pays restera sous le joug colonial, comme c’est malheureusement le cas avec un régime aux ordres installé le lundi 11 avril 2011. Ouattara doit savoir que si la France s’est donné la peine de mener des «expéditions» commerciales et militaire dès 1880 pour «soumettre» et s’approprier des «territoires» dont elle a fait des «colonies», ce n’est pas pour aider les peuples de ces «possessions» à s’émanciper et à se hisser au même niveau qu’elle. Pour qui a une fois ouvert un livre d’Histoire, les raisons qui ont poussé les puissances impérialistes à conquérir des territoires en Afrique sont des raisons purement économiques, qui ont été habillées d’une parodie d’humanisme et d’une prétentieuse «mission civilisatrice». La vérité est que les territoires occupés en Afrique par la colonisation européenne étaient de deux ordres. Il y avait les «colonies d’exploitation». Oui, vous avez bien lu : Exploitation ! C’est le mot. Exploiter les richesses de l’Afrique pour développer l’économie de l’Europe. Telle est la motivation, essentielle, qui a guidé la colonisation et qui explique la mainmise, jusqu’à présent, des pays impérialistes sur le continent noir. La souffrance du Noir n’a pas d’autre source. Peut-être faut-il y ajouter le sort tragique du « Nègre » qui remonte à l’esclavage. Les tenants actuels du pouvoir pourraient par exemple effectuer un pèlerinage à «la Maison des Esclaves» à l’Ile de Gorée au Sénégal pour se souvenir que les Africains, enchaînés tels des forçats, y ont transité pour aller être exploités comme des bêtes de sommes dans les plantations de canne à sucre aux Etats unis. Des siècles de souffrance qui nous ont laissé en héritage le «Negro spiritual» et le «Blues». Ça vous dit ? Dans une mesure à peine nuancée, il y a eu aussi les «colonies de peuplement» qui permirent par exemple aux Français dits «Pieds noirs» d’envahir et d’occuper l’Algérie en décrétant que ce territoire leur appartenait. Quant aux conditions d’exploitation du peule algérien, elles étaient les mêmes que partout ailleurs dans les autres colonies. L’Algérie dut mener sa «guerre de libération» pour chasser l’occupant. Une fois cela rappelé, le colonisé, puisque cette réalité n’a pas cessé en Côte d’Ivoire, a le devoir historique de savoir que la France, pour ce qui nous concerne, avait deux ensembles de territoires sous sa domination. L’Afrique équatoriale française (Aef) qui regroupait le Gabon, le Moyen Congo, l’Oubangui Chari (actuel Centrafrique) et le Tchad. Et l’Afrique occidentale française (Aof) qui réunissait le Sénégal, la Mauritanie, le Soudan (actuel Mali), la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), la Guinée, le Niger, la Côte d’Ivoire et le Dahomey (actuels Togo et Benin). Ces territoires, administrés chacun par un «gouvernement général», assuraient, et continuent d’assurer à ce jour, les besoins de la France (la métropole) en produits agricoles (cacao café, huile de palme, arachides…) et en extraction minière (or, diamant, manganèse, bauxite uranium, pétrole et autres métaux rares et précieux). Voilà le vrai visage de la présence française en Afrique.
Le triste sort de «l’Afrique française»
Il apparait donc évident que les raisons de la présence française en Afrique, et particulièrement en Côte d’Ivoire, sont incompatibles avec tout projet d’émergence. Tant que le pays demeurera sous le contrôle exclusif de l’Elysée. Ce n’est pas un hasard si la France a mené la guerre à Laurent Gbagbo pendant 10 ans, avant de l’éjecter le 11 avril 2011. Laurent Gbagbo avait clairement affiché sa volonté de soustraire la Côte d’Ivoire du giron français en en faisant un pays véritablement souverain, au plan économique et politique. Avant lui, Henri Konan Bédié avait osé dire, en 1997 au cours d’une visite à Singapour, que : «La Côte d’Ivoire n’est la chasse gardée de personne». Il parlait de la France, bien sûr. Le sphinx de Daoukro avait décidé de diversifier les relations de la Côte d’Ivoire. Si la France tenait à laisser la Côte d’Ivoire «émerger», elle n’aurait pas renversé ceux-ci. Paris irait-il à l’encontre de ses intérêts en laissant la Côte d’Ivoire se développer ? La France ferait-elle une chose et son contraire ? La liberté et l’indépendance de l’Afrique sont perçues par la France comme une menace. Car sans les réserves de ses colonies en Afrique, la France n’est guère qu’un petit pays sans ressources naturelles en Europe. Pour s’en convaincre, il faut ré-parcourir tous les coups d’Etat qui ont jalonné l’histoire des colonies française en Afrique. Tous les chefs d’Etat qui se sont permis de rêver à l’émergence de leurs pays ont été renversés où assassinés par les soins de la France. Seuls les «bons élèves» du maître y ont réchappé. Mais à quel prix ? On se souvient des amers regrets de Félix Houphouët-Boigny qui s’est affligé, au soir de sa vie, de ce que les pays noirs soient toujours sous la domination de la France, après le combat pour les indépendances que les dignes leaders africains ont mené. On connaît l’histoire d’Omar Bongo. Grand financier occulte de la classe politique française, dernier dinosaure de la «Françafrique», mort de chagrin parce que méchamment humilié par Paris, dans ses derniers moments, pour avoir eu le malheur de remettre en cause l’exploitation abusive du pétrole gabonais par la France. Aucun pays colonisé par la France n’est jamais sorti du sous développement où Paris entend au contraire maintenir ses «possessions» pendant longtemps encore. «Les coups d’Etat en Afrique sont un investissement, pour assurer l’avenir de plusieurs générations de Français», nous a-t-on dit. On sait que seuls les esclaves qui parviennent à affranchir de haute lutte sont en mesure de prétendre à l’émergence dont Ouattara parle. Or, dès son installation au pouvoir, Ouattara a signé un nouveau contrat colonial avec la France. Lors de la visite du Premier ministre Français François Fillon à Abidjan en juillet dernier, Ouattara s’est engagé à un nouveau pacte colonial. Dans lequel la France va retrouver sa mainmise totale sur l’économie de la Côte d’Ivoire en maintenant sa présence militaire à Abidjan. Le régime de Ouattara ayant demandé la protection de Paris. Un journaliste Français a eu le nez creux en parlant du «retour des colons» au cours du point de presse animé conjointement par les deux hommes. Certes, cela n’a pas fait plaisir au dictateur d’Abidjan. Mais c’est cela la réalité. Parler émergence de la Côte d’Ivoire sous Ouattara, c’est rêver debout en se moquant des Ivoiriens. Car dire que la Côte d’Ivoire va émerger, c’est accepter l’idée qu’elle doit se démarquer définitivement de la France. Peut-être était-ce un lapsus. Attention. De tels propos ont déjà coûté cher à Bédié, l’allié.

K. Kouassi Maurice
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