« Les enquêtes de la Cour pénale internationale visent trois à six personnes ». C’est la principale information qui est sortie de la conférence de presse animée par le procureur de la Cour pénale internationale, le samedi dernier à l’hôtel Tiama. Lorsque le juge Luis Moreno Ocampo a été interrogé sur l’identité des personnes susceptibles d’être poursuivies par les juges de La Haye, il a préféré botter en touche. Arguant que la collecte des preuves n’est pas encore terminée pour permettre aux juges de la CPI de décider qui doit être sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Même si le procureur de la CPI a décidé de ne pas, pour le moment, trahir le secret de l’instruction, il n’est pas besoin d’être un Nostradamus pour connaître l’identité des personnes concernées par les enquêtes de la juridiction internationale. Les événements de la crise post-électorale parlent d’eux-mêmes. Il est indéniable que le premier concerné par cette procédure ne peut être que Laurent Gbagbo. L’ancien chef de l’Etat, par son entêtement, a largement contribué aux odieux crimes qui ont jalonné la période trouble qui a suivi l’élection présidentielle. Laurent Gbagbo a planifié et encouragé les tueries qui ont cours à Abobo, à Yopougon, à Koumassi, à Adjamé ainsi que dans d’autres villes et communes de la Côte d’Ivoire. Des miliciens et mercenaires à sa solde ont violé, massacré, tué, brûlé vif d’innocentes personnes. Pendant que ces chiens de guerre faisaient régner la terreur dans les rues d’Abidjan, Laurent Gbagbo n’a jamais levé la voix pour ne serait-ce que condamner pour la forme et le principe, les horreurs perpétrées. Pis, il les a encouragés en sourdine. Des sources crédibles révèlent que c’est le candidat de LMP lui-même qui, depuis son bunker, donnait les instructions. Le président Abdoulaye Wade, pourtant, en 2002 avait prévenu : « Laurent Gbagbo ira un jour au TPI ». Aujourd’hui, cette prophétie est en train de s’accomplir. La deuxième personne n’est rien d’autre que son épouse, Simone Ehivet Gbagbo. D’abord déjà citée en 2002 dans les exactions de la mort, dans la disparition du journaliste franco-canadien Guy André Kiffer le 16 avril 2004, l’ancienne Première dame n’a rien fait pour empêcher son mari de dérouler son logiciel funeste jusqu’au bout. Au contraire, elle l’y a encouragé. Elle a été de ceux qui ont conseillé son mari à ne rien lâcher ni concéder. Parce qu’il serait « l’élu de Dieu ». Entourée de pasteurs et de femmes qui se croyaient investies d’une mission divine, elle a conforté son mari dans sa posture suicidaire en lui faisant croire que Dieu interviendrait à la dernière seconde pour exterminer « les ennemis de la Côte d’ivoire ». Simone Ehivet Gbagbo est, au même titre que son époux, responsable de tout ce qui s’est passé pendant la douloureuse crise post-électorale. Car elle a incité des gens a tué au nom de Dieu. Rien que pour sauver le fauteuil que son mari avait, pourtant, perdu dans les urnes. La troisième personne susceptible d’être transférée à la Cour pénale internationale est Charles Blé Goudé. S’il y a quelqu’un qui a activement contribué et participé à la tragédie qu’a connue la Côte d’Ivoire au cours des cinq mois qui ont suivi l’élection présidentielle, c’est bel et bien lui. Charles Blé Goudé était sur tous les fronts pour inciter les jeunes patriotes, miliciens et autres mercenaires à casser de l’opposant. On se souvient encore comme si c’était hier de son appel du 21 mars 2011 où il invitait les « jeunes patriotes » à se faire enrôler dans l’armée pour « sauver la Côte d’Ivoire ». On se souvient également qu’au cours de cet appel dangereux qu’il a demandé à la population de « signaler tout individu suspect aux autorités ». La suite, on la connait. Des armes ont été distribuées comme de petits pains à des jeunes à qui pourtant on promettait du travail. Et d’honnêtes citoyens considérés comme suspects ont été brûlés vifs. La Côte d’Ivoire continue encore de subir les conséquences des actes et déclarations irresponsables de Charles Blé Goudé. Déjà sous sanctions onusiennes, « le général de la rue » assurément n’échappera pas la Cour pénale internationale. La quatrième personne sera fort probablement le général Dogbo Blé Bruno. Tellement cet officier de l’armée ivoirienne s’est tristement illustré au cours de cette période douloureuse de l’histoire de la Côte d’ivoire. L’ancien commandant de la Garde républicaine est parmi les trois généraux qui ont encouragé Laurent Gbagbo a organisé son coup de force. Les tueries du 16 décembre 2010 ont été orchestrées par ses hommes sur ses instructions. Les nombreux enlèvements et disparitions qui ont suivi par la suite sont de son fait. Le blocus du Golf hôtel, c’est encore Dogbo Blé Bruno. L’enlèvement et l’assassinat d’Yves Lambelin, PDG de la SIFCA, Stéphane Franz Di Rippel, directeur général du Novotel et de leurs compagnons d’infortune, c’est toujours lui. Que dire de l’assassinat du colonel-major Adama Dosso, l’ancien commandant de la GATL ? Les témoignages du sergent Lagaud Léo et ses complices sont plus qu’édifiants au sujet de ce crime odieux. Pour ces crimes seulement, le général Dogbo Blé est un bon client pour la Cour pénale internationale. Quant aux deux autres personnes qui doivent compléter la liste, elles restent à être déterminées par les juges de La Haye en fonction des preuves qui seront recueillies sur le terrain
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly