Hien Solo, journaliste émérite et spécialiste des questions agricoles, a fait les beaux jours du quotidien gouvernemental Fraternité Matin de 1980 à 2000. De 2003 à 2008, il a donné un coup de main aux réformes intervenues dans la filière café-cacao. Après un passage dans le cabinet de l’actuel gouverneur de la Bceao alors ministre de la Construction et de l’Urbanisme, Hien Solo se prononce sur la place de l’agriculture dans l’économie ivoirienne et les réformes actuelles dans la filière café-cacao.
Après la crise postélectorale, nous acheminons progressivement vers la normalisation. En tant que journaliste et observateur de la vie politique nationale, quel commentaire faite-vous de la situation ?
La Côte d’Ivoire vient de loin. Quand on se remémore ces millions de tonnes d’armements qui ont inondé notre pays, à Abidjan, dans nos villes, dans les campagnes, et la haine avec laquelle des jeunes gens surexcités voulaient régler leurs comptes aux autres, on apprécie mieux l’Etat dans lequel nous sommes aujourd’hui. Je ne m’éterniserai donc pas sur les atrocités que nous avons vues durant cette période pour ne pas en rajouter aux douleurs des uns et des autres. Je constate que la Côte d’Ivoire entre dans une phase de stabilisation politique qui est absolument indispensable à toute action de développement. Vous savez qu’il n’y a pas de développement sans un environnement juridique, social et politique approprié. Mais à lire et écouter certains hommes politiques, on est en droit de se demander, en effet si nous sommes capables d’apprécier sainement les réalités du moment et de faire fi de nos divergences, afin de favoriser une communauté résolument tournée vers le Vivre ensemble.
Selon vous, comment doit-on faire pour que la Côte d’Ivoire se retrouve ?
La réconciliation et la paix, après des crises comme celle que nous avons connue ne se réalisent pas du jour au lendemain. C’est une œuvre de longue haleine qui requiert des approches pédagogiques et une bonne dose de tolérance et de patience. Cela ne sera pas la seule affaire de la Commission dialogue-vérité-réconciliation du président Banny qui fait déjà beaucoup sur le terrain, mais une affaire de chacun de nous. Quand nous aurons réussi à devenir nous-mêmes et à respecter notre prochain en le considérant comme nous-mêmes, le reste à mon avis ne sera plus qu’une question de formalité.
Comment voyez-vous le redémarrage de l’économie ivoirienne ?
L’économie ivoirienne, tout le monde le sait, est délabrée depuis plus d’une décennie. La guerre l’a enfoncée et tout est à refaire. Le plus urgent sera de garantir la sécurité physique des hommes et des femmes, la sécurité juridique des affaires, le soutien d’une administration performante. Après quoi l’impératif doit inciter à la recherche des stratégies gagnantes de développement, et là, vous le savez, nous sommes sur le terrain de prédilection du président Ouattara. Ceux qui connaissent ses projets pour la Cote d’Ivoire, doivent se rassurer de ce que notre pays a les moyens d’absorber le choc que nous connaissons et se donner très rapidement un élan de développement.
Pensez-vous que la Côte d’Ivoire doit continuer de compter sur l’agriculture au moment où tout le monde parle d’industrialisation ?
Absolument. Qui a dit que l’agriculture est opposée à l’industrialisation ? Et que faites-vous de l’agro-industrie ? Au contraire à l’état actuel des mentalités et en raison d’une forte urbanisation des pays, la transformation de certains produits agricoles, pour y apporter de la valeur ajoutée d’une part et pour faciliter d’autre part la conservation des produits alimentaires, est une exigence. On dira aussi que l’agriculture est le pilier central de notre développement. Je pense qu’elle le demeurera pendant longtemps encore, parce qu’elle est le plus grand pourvoyeur d’emplois et fournit à tous une alimentation abondante. Mais je confesse que depuis plus d’une décennie, ce secteur traine vraiment le pas.
On dit le plus souvent que les producteurs, notamment du café et du cacao sont les artisans du développement de notre pays, mais aussi curieux que cela puisse paraître, la plupart de ces producteurs vivent une pauvreté qui ne dit pas son nom, quel commentaire ?
C’est vrai, l’agriculture dans son ensemble représente 35 à 40 % du Pib, un chiffre largement dominé par la part du binôme café-cacao. Et pour parler de la situation de leurs producteurs, je dirai que les choses sont à peu près ceci : au lendemain de l’indépendance de notre pays, il fallait en même temps trouver des richesses à l’Etat pour le développement et donner aussi à des milliers de jeunes, sans qualification, des emplois. Les autorités de cette époque ont donc choisi de renforcer la production du café et du cacao qui étaient d’ailleurs l’affaire des colons français en y encourageant massivement la population. Résultat, cela a permis d’engranger des moyens financiers substantiels pour l’Etat sans que cela ne soit la même chose chez les producteurs dans la majorité des cas. Tout simplement parce que la plupart des plantations étaient juste des exploitations familiales variant entre 2, 3 voire 5 hectares. C’était en quelque sorte des activités d’auto-subsistance, insuffisantes pour enrichir des familles qui, généralement, sont constituées de 5 à 10 personnes. Mais les choses changent actuellement avec de nouvelles méthodes de production où il y a du matériel végétal à haut rendement, l’utilisation des engrais et des pesticides, le tout sur des superficies de terre assez raisonnables et avec le renouvellement progressif de la population agricole par des jeunes nantis de savoir, on peut dire que l’agriculture à venir n’aura rien à envier à nul autre secteurs d’activités.
Peut-on raisonnablement, pour un pays comme la Côte d’Ivoire, compter que sur les seuls café et cacao ?
Je ne vous ai pas dit que nous ne devons compter que sur le cacao ! Toutes les autres cultures sont toutes importantes, même les viviriers, s’ils sont très bien amenés, ils peuvent procurer autant de richesses que le café et le cacao. Savez-vous par exemple que toute la production ivoirienne de manioc peut être absorbée par le seul marché du Nigeria ? Toutes nos productions agricoles sont intéressantes. Pour ce qui concerne les cultures vivrières, il faut simplement les accompagner d’une bonne politique de commercialisation, de conservation et de transformation pour assurer l’approvisionnement du marché de façon continue. Cela dit, notre pays ne sera pas seulement agricole, il va également compter sur des richesses complémentaires indispensables à sa volonté de devenir un pays émergeant en l’espace d’une décennie. Je ne vise pas seulement les secteurs minéraliers et miniers, il y a en a beaucoup d’autres dont les Services par exemple.
Pour terminer que savez-vous de la réforme à venir de la filière café cacao ?
Pas grand-chose à la vérité. Mais cette réforme qui a déjà été conçue est revisitée par des hommes de qualité dont la présidente Massandjé, et Edouard N’Guessan, deux experts que je connais bien. Il faut dire qu’en la matière des exemples existent, il y a le Cacao marketing board au Ghana, l’ex-Caistab en Côte d’Ivoire pour ne citer que ceux-là. On partira forcément de ces expériences en les adaptant aux spécificités et exigences nouvelles de la Côte d’Ivoire de manière à ne pénaliser ni les producteurs ni l’Etat. Ça ne peut pas être autrement.
Après la crise postélectorale, nous acheminons progressivement vers la normalisation. En tant que journaliste et observateur de la vie politique nationale, quel commentaire faite-vous de la situation ?
La Côte d’Ivoire vient de loin. Quand on se remémore ces millions de tonnes d’armements qui ont inondé notre pays, à Abidjan, dans nos villes, dans les campagnes, et la haine avec laquelle des jeunes gens surexcités voulaient régler leurs comptes aux autres, on apprécie mieux l’Etat dans lequel nous sommes aujourd’hui. Je ne m’éterniserai donc pas sur les atrocités que nous avons vues durant cette période pour ne pas en rajouter aux douleurs des uns et des autres. Je constate que la Côte d’Ivoire entre dans une phase de stabilisation politique qui est absolument indispensable à toute action de développement. Vous savez qu’il n’y a pas de développement sans un environnement juridique, social et politique approprié. Mais à lire et écouter certains hommes politiques, on est en droit de se demander, en effet si nous sommes capables d’apprécier sainement les réalités du moment et de faire fi de nos divergences, afin de favoriser une communauté résolument tournée vers le Vivre ensemble.
Selon vous, comment doit-on faire pour que la Côte d’Ivoire se retrouve ?
La réconciliation et la paix, après des crises comme celle que nous avons connue ne se réalisent pas du jour au lendemain. C’est une œuvre de longue haleine qui requiert des approches pédagogiques et une bonne dose de tolérance et de patience. Cela ne sera pas la seule affaire de la Commission dialogue-vérité-réconciliation du président Banny qui fait déjà beaucoup sur le terrain, mais une affaire de chacun de nous. Quand nous aurons réussi à devenir nous-mêmes et à respecter notre prochain en le considérant comme nous-mêmes, le reste à mon avis ne sera plus qu’une question de formalité.
Comment voyez-vous le redémarrage de l’économie ivoirienne ?
L’économie ivoirienne, tout le monde le sait, est délabrée depuis plus d’une décennie. La guerre l’a enfoncée et tout est à refaire. Le plus urgent sera de garantir la sécurité physique des hommes et des femmes, la sécurité juridique des affaires, le soutien d’une administration performante. Après quoi l’impératif doit inciter à la recherche des stratégies gagnantes de développement, et là, vous le savez, nous sommes sur le terrain de prédilection du président Ouattara. Ceux qui connaissent ses projets pour la Cote d’Ivoire, doivent se rassurer de ce que notre pays a les moyens d’absorber le choc que nous connaissons et se donner très rapidement un élan de développement.
Pensez-vous que la Côte d’Ivoire doit continuer de compter sur l’agriculture au moment où tout le monde parle d’industrialisation ?
Absolument. Qui a dit que l’agriculture est opposée à l’industrialisation ? Et que faites-vous de l’agro-industrie ? Au contraire à l’état actuel des mentalités et en raison d’une forte urbanisation des pays, la transformation de certains produits agricoles, pour y apporter de la valeur ajoutée d’une part et pour faciliter d’autre part la conservation des produits alimentaires, est une exigence. On dira aussi que l’agriculture est le pilier central de notre développement. Je pense qu’elle le demeurera pendant longtemps encore, parce qu’elle est le plus grand pourvoyeur d’emplois et fournit à tous une alimentation abondante. Mais je confesse que depuis plus d’une décennie, ce secteur traine vraiment le pas.
On dit le plus souvent que les producteurs, notamment du café et du cacao sont les artisans du développement de notre pays, mais aussi curieux que cela puisse paraître, la plupart de ces producteurs vivent une pauvreté qui ne dit pas son nom, quel commentaire ?
C’est vrai, l’agriculture dans son ensemble représente 35 à 40 % du Pib, un chiffre largement dominé par la part du binôme café-cacao. Et pour parler de la situation de leurs producteurs, je dirai que les choses sont à peu près ceci : au lendemain de l’indépendance de notre pays, il fallait en même temps trouver des richesses à l’Etat pour le développement et donner aussi à des milliers de jeunes, sans qualification, des emplois. Les autorités de cette époque ont donc choisi de renforcer la production du café et du cacao qui étaient d’ailleurs l’affaire des colons français en y encourageant massivement la population. Résultat, cela a permis d’engranger des moyens financiers substantiels pour l’Etat sans que cela ne soit la même chose chez les producteurs dans la majorité des cas. Tout simplement parce que la plupart des plantations étaient juste des exploitations familiales variant entre 2, 3 voire 5 hectares. C’était en quelque sorte des activités d’auto-subsistance, insuffisantes pour enrichir des familles qui, généralement, sont constituées de 5 à 10 personnes. Mais les choses changent actuellement avec de nouvelles méthodes de production où il y a du matériel végétal à haut rendement, l’utilisation des engrais et des pesticides, le tout sur des superficies de terre assez raisonnables et avec le renouvellement progressif de la population agricole par des jeunes nantis de savoir, on peut dire que l’agriculture à venir n’aura rien à envier à nul autre secteurs d’activités.
Peut-on raisonnablement, pour un pays comme la Côte d’Ivoire, compter que sur les seuls café et cacao ?
Je ne vous ai pas dit que nous ne devons compter que sur le cacao ! Toutes les autres cultures sont toutes importantes, même les viviriers, s’ils sont très bien amenés, ils peuvent procurer autant de richesses que le café et le cacao. Savez-vous par exemple que toute la production ivoirienne de manioc peut être absorbée par le seul marché du Nigeria ? Toutes nos productions agricoles sont intéressantes. Pour ce qui concerne les cultures vivrières, il faut simplement les accompagner d’une bonne politique de commercialisation, de conservation et de transformation pour assurer l’approvisionnement du marché de façon continue. Cela dit, notre pays ne sera pas seulement agricole, il va également compter sur des richesses complémentaires indispensables à sa volonté de devenir un pays émergeant en l’espace d’une décennie. Je ne vise pas seulement les secteurs minéraliers et miniers, il y a en a beaucoup d’autres dont les Services par exemple.
Pour terminer que savez-vous de la réforme à venir de la filière café cacao ?
Pas grand-chose à la vérité. Mais cette réforme qui a déjà été conçue est revisitée par des hommes de qualité dont la présidente Massandjé, et Edouard N’Guessan, deux experts que je connais bien. Il faut dire qu’en la matière des exemples existent, il y a le Cacao marketing board au Ghana, l’ex-Caistab en Côte d’Ivoire pour ne citer que ceux-là. On partira forcément de ces expériences en les adaptant aux spécificités et exigences nouvelles de la Côte d’Ivoire de manière à ne pénaliser ni les producteurs ni l’Etat. Ça ne peut pas être autrement.