Monsieur Guillaume Kigbafori Soro, le Premier ministre, devant des gendarmes, a dit : « Si vous remarquez très bien, tous les grands de ce monde ne sont pas des présidents. Martin Luther King n’était pas Président. «Petit frère», tu as trop raison. De nombreux présidents de la République passent dans l’histoire comme des météores. Trente ans après leur règne, on ne se souvient même plus d’eux. Ne parlons pas de ceux qui ont régné il y a deux siècles et même un siècle. Pour appartenir à l’histoire, il faut plus que bien gouverner. L’histoire ne retient pas ceux qui ont contribué à éradiquer le chômage, à construire des ponts et des routes. Le destin de l’homme politique se trouve ailleurs. Il se situe à deux niveaux, la cruauté et le prestige. Tous les hommes qui ont été des grands souverains dans l’histoire, ont fait l’un ou l’autre. La cruauté se situe dans les guerres et les ravages que crée le tyran. Ces hommes-là ont pillé, tué, causé le malheur de leur peuple et de l’humanité. L’histoire ne cesse de parler d’eux. Ils figurent dans tous les livres d’histoire et on ne cesse de continuer à publier des ouvrages sur leur dictature sanguinaire. Qui se souvient encore du grand Chancelier Adenauer en Allemagne ? Mais dans le même pays, Bismarck et Hitler continuent de marquer les esprits. Les peuples sont bizarres. Ils se souviennent toujours de ceux qui leur ont fait du mal. Samory Touré, en Afrique, reste toujours un héros. Appartenir donc à l’histoire ne veut pas du tout dire qu’on a été un exemple. Or, véritablement appartenir à l’histoire, c’est souvent et toujours servir d’exemple ou de modèle. Cela ne semble pas être aussi le cas de la deuxième catégorie de ceux qui marquent l’histoire par des réalisations de prestige. Dès qu’ils commencent leur œuvre de prestige, le peuple est en colère, certains se font emprisonner à cause de leur désapprobation de ce chantier. Et c’est ce même peuple qui va honorer ce souverain pendant des siècles. Ainsi tous les grands de ce monde qui ont voulu appartenir à l’histoire, sans pratiquer la cruauté « cruelle », ont bâti des œuvres de prestige. Dans un pays, bâtir une œuvre de prestige n’est pas une mince affaire. C’est une œuvre qui prend des années et des années de construction. C’est une œuvre qui, achevée, va durer dans les siècles. C’est une œuvre que les enfants de toutes les générations s’alignent pour visiter. C’est une œuvre qui devient un monument historique, un lieu visité par tous ceux qui arrivent dans un pays. A ce niveau, la France et l’Italie battent les records des œuvres de prestige. Le château de Versailles est une véritable histoire. En Afrique, en Egypte principalement, les pyramides ne cessent d’attirer des millions de visiteurs du monde entier. Venons en Côte d’Ivoire. L’histoire retiendra de Félix Houphouët-Boigny, pendant des siècles, qu’un seul « fait d’arme »: La Basilique de Yamoussoukro. Il suffit d’être à l’étranger pour le comprendre et surtout de voir des femmes et des hommes arrivant en Côte d’Ivoire. Tous sont excités de voir cette maison de Dieu qui est presque déjà devenue le symbole de notre pays. Quand j’ai lu, regardé, étudié le programme de cinq ans de notre Président, je n’ai pas été surpris qu’il ne contenait aucune réalisation de prestige. Le Président Alassane Ouattara a une particularité. Il est économiste, financier et banquier. Il ne faut pas du tout compter sur lui, du moins dans un premier mandat, pour bâtir un monument de prestige à l’instar du Président Wade, son « grand-frère. » Atterrissons à Dakar. Avant même de rejoindre son hôtel, on voit le monument de la Renaissance Africaine. Aucun économiste ne pouvait comprendre cette réalisation dans un pays en prise aux mille et une difficultés sociales. Mais Wade avait fait le choix de l’histoire. Et par ce monument de la Renaissance Africaine, il restera pour toujours dans l’histoire. Qui va oser détruire ce grand bâtiment ? D’autres hommes politiques, surtout des présidents de la République, ont voulu marquer l’histoire par l’écriture. Ecrire un livre. A ce niveau, le peuple tranche très vite. Il rejette tout ce qui est écrit par l’homme du pouvoir. Pour appartenir à l’histoire, Léopold Sédar Senghor a préféré quitter le pouvoir. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Par Isaïe Biton Koulibaly