Par I F
Le second tour du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010, a consacré la victoire du Dr Alassane Ouattara, candidat du RHDP, sur Laurent Gbagbo, président sortant, soutenu par l’ex-LMP. Mais contre toute attente, ce dernier a été déclaré vainqueur par le conseil constitutionnel. S’en est suivie une grave crise qui a fait plus de 3000 morts. Présenté comme le principal responsable de ces événements, l’ancien président est sous la menace de la CPI. Ce qui n’est pas sans conséquences pour le processus de normalisation.
Le régime Ouattara qui veut faire payer à Laurent Gbagbo son entêtement et sa mauvaise foi, est catégorique : l’ancien président comparaîtra devant la CPI. Récemment, au cours d’une interview qu’il a accordée à RFI, Henri Konan Bédié, président du PDCI et doyen de la classe politique, a ôté toute illusion aux partisans de Gbagbo. « Il n’y a pas autre issue que la CPI…» a-t-il lancé. Ce à quoi a prestement répondu le FPI, parti de Gbagbo Laurent. « Pas d’élection législatives (pour nous) tant que Gbagbo est en prison… » a, en effet, déclaré Miaka Oureto, président par intérim du FPI.
Ainsi, le FPI qui avait posé certains préalables à sa participation au scrutin législatif, entend aller au bout de sa démarche. L’ancien parti au pouvoir est donc désormais dans une logique jusqu’au boutiste. A ceux qui lui demandent de mettre de l’eau dans son vin en privilégiant l’intérêt général pour participer aux législatives du 11 décembre prochain, il oppose le langage de la passion : la libération de Laurent Gbagbo ou rien ! Les refondateurs entendent donc passer par pertes et profits, les lourdes pertes de tous genres occasionnées par la crise postélectorale. Or, le nouveau régime ne transige pas sur la question de la justice. Réconciliation, d’accord mais dans la justice.
LA MANIPULATION DES
RESULTATS
Il est vrai que certains observateurs évoquent le cas sud-africain où la réconciliation a pris le pas sur la justice, au profit de la vérité. Mais la Côte d’Ivoire n’est pas l’Afrique du sud et les deux cas sont dissemblables. L’Afrique du sud qui sortait de plusieurs décennies d’une politique ségrégationniste, devait refaire son unité et panser plus tard, les plaies béantes de cet apartheid. L’opposition sud-africaine de l’époque incarnée par un homme d’exception, Nelson Mandela, avait affaire moins à des hommes qu’à un système inique et injuste qui avait profondément divisé la nation arc-en-ciel. Le génie des dirigeants sud-africains de l’ère postapartheid, c’est d’avoir très tôt perçu cela. Ils ont donc préféré la vérité à la justice dont l’application aurait été vue par l’opinion internationale, comme la revanche des Noirs sur les Blancs. Comme si un apartheid en avait remplacé un autre. C’est un piège que Nelson Mandela et ses compagnons ont su éviter.
A contrario, en Côte d’Ivoire, tout est parti d’une élection dont les résultats ont été contestés par l’une des parties qui, en dépit des différentes médiations de la communauté internationale, n’a pas voulu en démordre. Résultat des courses, le pays a été plongé dans une grave crise qui a fait officiellement plus de 3000 morts et de nombreux dégâts matériels. Sans compter les déplacés et les exilés. Le principal responsable de cette crise est clairement identifié. C’est l’ancien pouvoir qui a obstinément refusé de reconnaître le verdict des urnes. Car, ce qui a posé problème, ce n’est pas la proclamation des résultats par la Commission Electorale Indépendante (CEI) à l’hôtel du golf, devenu par la force des choses, QG de l’un deux candidats du second tour ; mais, c’est la manipulation des résultats par le conseil constitutionnel qui s’est abusivement arrogé le droit d’annuler les voix du candidat Alassane Ouattara dans 13 départements du nord du territoire national. C’est donc le fait d’avoir tronqué des résultats, en flagrante violation de l’article 64 du code électoral nouveau, qui a mis le feu aux poudres. On s’est en conséquence finalement retrouvé avec les mêmes résultats, proclamés par la CEI qui a donné gagnant le candidat Alassane Ouattara d’une part et, « revus et corrigés » par le conseil constitutionnel qui, à son tour, a déclaré le candidat Laurent Gbagbo vainqueur, d’autre part. Les résultats du scrutin n’étaient donc pas en cause. En revanche, ce qui était en cause, c’est l’utilisation qu’en a faite le conseil constitutionnel, au mépris, on l’a dit, de la loi fondamentale. C’est pourquoi, soutenir la prééminence du conseil constitutionnel sur la CEI pour reconnaître la victoire de Laurent Gbagbo, est absolument inconvenant et inacceptable. Comment, en effet, faire prévaloir une décision frappée de nullité au motif qu’elle émane de la plus haute juridiction de l’Etat de Côte d’Ivoire ? Il est évident dès lors, que Laurent Gbagbo a perdu le scrutin et que le conseil constitutionnel a voulu tenter un passage en force. On peut, au passage, s’étonner que le sieur Paul Yao N’dré, l’homme par qui le scandale est arrivé, n’ait pas encore rejoint celui qu’il a « induit en erreur». Conséquence, on retiendra que l’entêtement de Laurent Gbagbo à garder le pouvoir malgré sa défaite, a donné lieu à la crise que l’on a vécue. Voilà les faits dans leur nudité.
Une exigence majeure du processus de réconciliation
Il est aujourd’hui emprisonné à Odienné et il pourrait, dans les mois, semaines ou jours à venir, comparaître devant la CPI. Il rejoindrait alors les Charles Taylor, Jean-Pierre M’bemba et autres Karadzic. Cependant, à la différence de ceux-là, il n’est pas un chef de guerre. Il a certes, acheté des armes et lourdement équipé ses hommes. Mais, cela suffit –il pour faire de lui un chef de guerre ? L’a-t-on jamais vu une arme à la main ou habillé en treillis? Certes, par sa faute, de nombreuses familles ont été endeuillées. Alors, il aurait pu se plier à la décision du panel de présidents de l’UA venu, à sa demande, évaluer le processus électoral. Certes, nul n’étant censé ignorer la loi, il aurait compris que le président du conseil constitutionnel a outrepassé ses prérogatives en annulant les voix de Ouattara au nord du territoire national, avant de le déclarer vainqueur de l’élection. Certes, il est évident que la responsabilité de Laurent Gbagbo est entièrement engagée dans la grave crise postélectorale qui a secoué le pays. Mais, faut-il, vraiment, pour autant, l’envoyer à la CPI ? Il a ‘’déconné’’, certes, mais ne mérite-t-il pas, surtout parce que le pays est engagé dans un processus de réconciliation qui appelle de tous et de chacun tolérance et mesure, qu’on lui pardonne ? Et, justement à ceux qui ont beaucoup péché, l’on devra beaucoup pardonner. Plus encore à Laurent Gbagbo en qui se reconnaissent, quand même, plus de 46% des Ivoiriens qui ont voté. On ne le dira jamais assez, le pardon est une exigence majeure de la réconciliation que les Ivoiriens appellent de tous leurs vœux.
Cependant, que les uns et les autres se rassurent : le propos, ce n’est pas d’absoudre l’ancien président de tous ses crimes. Il s’agit plutôt de dire que l’envoyer à la CPI, ne résoudrait aucun problème. Au contraire. Une telle éventualité pourrait compliquer le processus de réconciliation. Tout pourrait alors arriver .Même si, on le sait, le pire n’est jamais sûr.
En tout état de cause, le régime Ouattara devrait pouvoir lui garantir un procès juste et équitable sur le sol ivoirien. C’est aux Ivoiriens qu’il a fait du tort et c’est aux Ivoiriens et à eux seuls, qu’il revient de le juger. Ce serait un signal fort pour la réconciliation nationale et pour le retour de la paix. Au lieu de quoi, un éventuel transfert de Gbagbo à la CPI, pourrait, on l’a dit, contrarier le processus de réconciliation. Ses partisans pourraient alors radicaliser leur position. Toutefois, qu’il soit clair, que la réconciliation ne se fera pas dans le « linceul » de la justice. Puisque de la force de celle-ci dépendra, peu ou prou, la solidité de celle-là : il n’y aura pas de réconciliation véritable sans une vraie justice. Ce qui passe, on l’aura compris, par le jugement de tous ceux qui ont posé des actes répréhensibles dans la survenance de cette crise dont le pays a si gravement pâti. Ce sera le prix à payer pour la réconciliation des Ivoiriens et le retour définitif de la paix. Mais, le FPI es-il prêt à payer ce prix ? De la réponse à cette question, dépendra le succès ou l’échec du processus de réconciliation.
Le second tour du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010, a consacré la victoire du Dr Alassane Ouattara, candidat du RHDP, sur Laurent Gbagbo, président sortant, soutenu par l’ex-LMP. Mais contre toute attente, ce dernier a été déclaré vainqueur par le conseil constitutionnel. S’en est suivie une grave crise qui a fait plus de 3000 morts. Présenté comme le principal responsable de ces événements, l’ancien président est sous la menace de la CPI. Ce qui n’est pas sans conséquences pour le processus de normalisation.
Le régime Ouattara qui veut faire payer à Laurent Gbagbo son entêtement et sa mauvaise foi, est catégorique : l’ancien président comparaîtra devant la CPI. Récemment, au cours d’une interview qu’il a accordée à RFI, Henri Konan Bédié, président du PDCI et doyen de la classe politique, a ôté toute illusion aux partisans de Gbagbo. « Il n’y a pas autre issue que la CPI…» a-t-il lancé. Ce à quoi a prestement répondu le FPI, parti de Gbagbo Laurent. « Pas d’élection législatives (pour nous) tant que Gbagbo est en prison… » a, en effet, déclaré Miaka Oureto, président par intérim du FPI.
Ainsi, le FPI qui avait posé certains préalables à sa participation au scrutin législatif, entend aller au bout de sa démarche. L’ancien parti au pouvoir est donc désormais dans une logique jusqu’au boutiste. A ceux qui lui demandent de mettre de l’eau dans son vin en privilégiant l’intérêt général pour participer aux législatives du 11 décembre prochain, il oppose le langage de la passion : la libération de Laurent Gbagbo ou rien ! Les refondateurs entendent donc passer par pertes et profits, les lourdes pertes de tous genres occasionnées par la crise postélectorale. Or, le nouveau régime ne transige pas sur la question de la justice. Réconciliation, d’accord mais dans la justice.
LA MANIPULATION DES
RESULTATS
Il est vrai que certains observateurs évoquent le cas sud-africain où la réconciliation a pris le pas sur la justice, au profit de la vérité. Mais la Côte d’Ivoire n’est pas l’Afrique du sud et les deux cas sont dissemblables. L’Afrique du sud qui sortait de plusieurs décennies d’une politique ségrégationniste, devait refaire son unité et panser plus tard, les plaies béantes de cet apartheid. L’opposition sud-africaine de l’époque incarnée par un homme d’exception, Nelson Mandela, avait affaire moins à des hommes qu’à un système inique et injuste qui avait profondément divisé la nation arc-en-ciel. Le génie des dirigeants sud-africains de l’ère postapartheid, c’est d’avoir très tôt perçu cela. Ils ont donc préféré la vérité à la justice dont l’application aurait été vue par l’opinion internationale, comme la revanche des Noirs sur les Blancs. Comme si un apartheid en avait remplacé un autre. C’est un piège que Nelson Mandela et ses compagnons ont su éviter.
A contrario, en Côte d’Ivoire, tout est parti d’une élection dont les résultats ont été contestés par l’une des parties qui, en dépit des différentes médiations de la communauté internationale, n’a pas voulu en démordre. Résultat des courses, le pays a été plongé dans une grave crise qui a fait officiellement plus de 3000 morts et de nombreux dégâts matériels. Sans compter les déplacés et les exilés. Le principal responsable de cette crise est clairement identifié. C’est l’ancien pouvoir qui a obstinément refusé de reconnaître le verdict des urnes. Car, ce qui a posé problème, ce n’est pas la proclamation des résultats par la Commission Electorale Indépendante (CEI) à l’hôtel du golf, devenu par la force des choses, QG de l’un deux candidats du second tour ; mais, c’est la manipulation des résultats par le conseil constitutionnel qui s’est abusivement arrogé le droit d’annuler les voix du candidat Alassane Ouattara dans 13 départements du nord du territoire national. C’est donc le fait d’avoir tronqué des résultats, en flagrante violation de l’article 64 du code électoral nouveau, qui a mis le feu aux poudres. On s’est en conséquence finalement retrouvé avec les mêmes résultats, proclamés par la CEI qui a donné gagnant le candidat Alassane Ouattara d’une part et, « revus et corrigés » par le conseil constitutionnel qui, à son tour, a déclaré le candidat Laurent Gbagbo vainqueur, d’autre part. Les résultats du scrutin n’étaient donc pas en cause. En revanche, ce qui était en cause, c’est l’utilisation qu’en a faite le conseil constitutionnel, au mépris, on l’a dit, de la loi fondamentale. C’est pourquoi, soutenir la prééminence du conseil constitutionnel sur la CEI pour reconnaître la victoire de Laurent Gbagbo, est absolument inconvenant et inacceptable. Comment, en effet, faire prévaloir une décision frappée de nullité au motif qu’elle émane de la plus haute juridiction de l’Etat de Côte d’Ivoire ? Il est évident dès lors, que Laurent Gbagbo a perdu le scrutin et que le conseil constitutionnel a voulu tenter un passage en force. On peut, au passage, s’étonner que le sieur Paul Yao N’dré, l’homme par qui le scandale est arrivé, n’ait pas encore rejoint celui qu’il a « induit en erreur». Conséquence, on retiendra que l’entêtement de Laurent Gbagbo à garder le pouvoir malgré sa défaite, a donné lieu à la crise que l’on a vécue. Voilà les faits dans leur nudité.
Une exigence majeure du processus de réconciliation
Il est aujourd’hui emprisonné à Odienné et il pourrait, dans les mois, semaines ou jours à venir, comparaître devant la CPI. Il rejoindrait alors les Charles Taylor, Jean-Pierre M’bemba et autres Karadzic. Cependant, à la différence de ceux-là, il n’est pas un chef de guerre. Il a certes, acheté des armes et lourdement équipé ses hommes. Mais, cela suffit –il pour faire de lui un chef de guerre ? L’a-t-on jamais vu une arme à la main ou habillé en treillis? Certes, par sa faute, de nombreuses familles ont été endeuillées. Alors, il aurait pu se plier à la décision du panel de présidents de l’UA venu, à sa demande, évaluer le processus électoral. Certes, nul n’étant censé ignorer la loi, il aurait compris que le président du conseil constitutionnel a outrepassé ses prérogatives en annulant les voix de Ouattara au nord du territoire national, avant de le déclarer vainqueur de l’élection. Certes, il est évident que la responsabilité de Laurent Gbagbo est entièrement engagée dans la grave crise postélectorale qui a secoué le pays. Mais, faut-il, vraiment, pour autant, l’envoyer à la CPI ? Il a ‘’déconné’’, certes, mais ne mérite-t-il pas, surtout parce que le pays est engagé dans un processus de réconciliation qui appelle de tous et de chacun tolérance et mesure, qu’on lui pardonne ? Et, justement à ceux qui ont beaucoup péché, l’on devra beaucoup pardonner. Plus encore à Laurent Gbagbo en qui se reconnaissent, quand même, plus de 46% des Ivoiriens qui ont voté. On ne le dira jamais assez, le pardon est une exigence majeure de la réconciliation que les Ivoiriens appellent de tous leurs vœux.
Cependant, que les uns et les autres se rassurent : le propos, ce n’est pas d’absoudre l’ancien président de tous ses crimes. Il s’agit plutôt de dire que l’envoyer à la CPI, ne résoudrait aucun problème. Au contraire. Une telle éventualité pourrait compliquer le processus de réconciliation. Tout pourrait alors arriver .Même si, on le sait, le pire n’est jamais sûr.
En tout état de cause, le régime Ouattara devrait pouvoir lui garantir un procès juste et équitable sur le sol ivoirien. C’est aux Ivoiriens qu’il a fait du tort et c’est aux Ivoiriens et à eux seuls, qu’il revient de le juger. Ce serait un signal fort pour la réconciliation nationale et pour le retour de la paix. Au lieu de quoi, un éventuel transfert de Gbagbo à la CPI, pourrait, on l’a dit, contrarier le processus de réconciliation. Ses partisans pourraient alors radicaliser leur position. Toutefois, qu’il soit clair, que la réconciliation ne se fera pas dans le « linceul » de la justice. Puisque de la force de celle-ci dépendra, peu ou prou, la solidité de celle-là : il n’y aura pas de réconciliation véritable sans une vraie justice. Ce qui passe, on l’aura compris, par le jugement de tous ceux qui ont posé des actes répréhensibles dans la survenance de cette crise dont le pays a si gravement pâti. Ce sera le prix à payer pour la réconciliation des Ivoiriens et le retour définitif de la paix. Mais, le FPI es-il prêt à payer ce prix ? De la réponse à cette question, dépendra le succès ou l’échec du processus de réconciliation.