1- La Lybie, un pays détruit, une justice inexistante
La guerre de Lybie a duré plus de dix mois au cours desquels toutes les administrations ont été détruites et particulièrement l’administration judiciaire : les locaux qui abritaient jadis les tribunaux sont en ruines ; les magistrats dont les plus gradés ont servi le régime du guide pendant quarante ans sont tous en exil ; le barreau n’existe que de nom parce que les avocats ont fui la guerre pour chercher des clients à l’extérieur. C’est dans ces conditions marquées par une absence notoire de justice que la Cour pénale internationale (Cpi) avait lancé au début de la répression contre les populations civiles, des mandats d’arrêts internationaux contre certaines autorités libyennes parmi lesquels Saif-al-islam, le fils de Kadhafi. Cette décision de la juridiction internationale avait été saluée en son temps par l’Union européenne, le Canada, les États-Unis et les rebelles libyens regroupés au sein d’un Conseil National de Transition (Cnt).
Dix mois après, le constat est que le guide libyen a été atrocement tué par les rebelles dans des conditions troubles qui ont ému tous les fils du continent africain mais qui ont paradoxalement enchanté les chefs d’Etats des pays occidentaux, à la grande indifférence des juges de la Cour Pénale Internationale.
Le fils de Kadhafi vient d’être arrêté et, le procureur de la Cpi parti à Tripoli dans le but de négocier les conditions de transfert du prisonnier à la Haye a essuyé le refus catégorique des nouvelles autorités libyennes qui ne sont autres que celles qui avaient applaudi l’émission du mandat d’arrêt quelques mois plus tôt.
Le gouvernement libyen a déclaré que leur pays dispose d’une justice capable de juger son compatriote. Devant l’intransigeance des autorités libyennes, le procureur Luis Moreno Ocampo s’est souvenu brusquement devant les cameras du monde entier, des dispositions pertinentes du traité de Rome instituant la Cpi qui accordait la priorité aux juridictions nationales. Le procureur de la Cpi dit avoir pris acte de la volonté des autorités libyennes de juger Saif al-islam qui était poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par la Cpi.
Bizarrement, la décision des autorités libyennes et la volte-face du procureur de la Cpi sont applaudies par les pays occidentaux au grand étonnement des pays africains.
Comment expliquer qu’en l’absence d’une justice véritable et avec en toile de fond une peine de mort inévitable, la communauté dite internationale et les juges de la Cpi renoncent aussi facilement à poursuivre le fils de Mouammar Kadhafi ? N’a-t-on pas peur que le fils du guide dans un procès publique se livre à un déballage compromettant pour certaines autorités politiques des pays occidentaux ? Sinon, de quoi a-t-on véritablement peur pour que les mêmes qui avaient salué l’émission des mandats d’arrêts contre le clan Kadhafi dix mois plutôt, renoncent et se félicitent de la décision des nouvelles autorités libyennes ? Pourquoi le procureur Ocampo que l’on sait inutilement incisif lorsqu’il s’agit de l’Afrique s’est-il subitement dégonflé devant les cameras du monde entier à Tripoli pour renoncer à poursuivre le fils de Kadhafi ? Avec les arguments qu’il a lui-même énoncé publiquement, n’a-t-il pas renoncé de fait à poursuivre le président Laurent Gbagbo ? Sinon comment pourra-t-il justifier devant les mêmes cameras, l’extradition de l’ex-président ivoirien sans violer les dispositions pertinentes du statut de Rome qu’il a lui-même rappelé dans le cas du fils de Kadhafi ?
2- La Côte-d’Ivoire, un pays avec une justice qui fonctionne mieux qu’en Lybie
Contrairement à la Lybie, la guerre en Côte-d’Ivoire fut de courte durée et localisée dans la seule ville d’Abidjan pendant dix jours au maximum. Le système judiciaire ivoirien a été maintenu intact, il n’a subi aucun dommage collatéral pendant le conflit si bien que tous les prisonniers politiques et les prisonniers de droits communs sont détenus depuis sept mois, dans toutes les prisons du pays dont certaines ont été réhabilitées avec l’aide de l’Union européenne. Un grand redéploiement des magistrats a été opéré il y a bientôt trois mois, toutes les juridictions fonctionnent normalement et les avocats assistent régulièrement leurs clients dès leurs interpellations par les services de police. La preuve du fonctionnement du système judiciaire ivoirien a été donnée le 16 novembre 2011, par l’organisation de la cérémonie ordinaire de la rentrée judiciaire, en présence du Président de la République, des membres du gouvernement et de tous les corps constitués de la République de Côte-d’Ivoire.
Parallèlement le tribunal militaire ivoirien a régulièrement inculpé et procédé aux arrestations de plusieurs soldats de l’armée régulière accusés de crimes de guerre à l’occasion du conflit post-électoral.
Comme on le constate et citant le procureur de la Cpi, la justice ivoirienne remplit toutes les conditions et certainement mieux que son homologue libyenne pour juger le président Laurent Gbagbo et tous les présumés responsables ou coupables de crimes commis lors de la crise post-électorale. Ce n’est donc pas parce que le président Ouattara actionné par son mentor Sarkozy souhaite voir le président Laurent Gbagbo condamné à la Haye avant jugement, que les magistrats de la Cpi vont avaler le droit pour violer le traité de Rome et que le procureur ocampo va agir dans le sens contraire à sa déclaration de Tripoli déjà enregistrée par le monde entier.
3- L’extradition du président Laurent Gbagbo est anticonstitutionnelle
L’article 12 de la constitution de la république de Côte-d’Ivoire stipule clairement «qu’aucun ivoirien ne peut être contrait à l’exil». Le président Ouattara en décidant, nonobstant cette disposition constitutionnelle de traduire à la Cpi le président Laurent Gbagbo et ses proches, est en violation flagrante de la constitution ivoirienne sur laquelle il a juré.
En décidant d’abandonner le sort de nationaux ivoiriens entre les mains d’une justice extérieure, le président Ouattara et son gouvernement les auront contraint à l’exil.
Les juges de la Cpi si soucieux comme en Lybie, du respect scrupuleux des juridictions nationales devraient dans le cas de la procédure en cours contre Laurent Gbagbo, constater qu’ils sont en train de se faire complice de la violation de la constitution d’un Etat souverain, membre de l’Organisation des Nations Unies (Onu) dont la Cpi est un démembrement.
Le gouvernement ivoirien n’a pas constitutionnellement le droit d’extrader ses citoyens. Les juges de la Cpi qui sont des experts du droit international devraient en prendre en acte mais aussi de l’absence de la ratification du statut de Rome par la Côte-d’Ivoire.
4- Aucun ivoirien ne doit être traduit devant la Cpi
Le bureau du procureur de la Cpi a publié un bulletin le 23 septembre 2009 dans lequel il est écrit que «la cour pénale internationale a compétence à l’égard de la situation en Côte-d’Ivoire, en vertu d’une déclaration que le gouvernement ivoirien a déposé le 1er octobre 2003 au titre de l’article 12-3 et par laquelle il accepte la compétence de la cour…»
C’est le lieu d’indiquer aux experts de la CpiI que dans la constitution ivoirienne, il revient au Président de la République (art 84) et à l’Assemblée Nationale (art 85) de ratifier, chacune des institutions dans des domaines précis, les traités et accords internationaux. Lesquels traités ne sont applicables aux citoyens ivoiriens si et seulement s’ils sont ratifiés et publiés au journal officiel de la Côte-d’Ivoire. Or, il n’existe nulle part dans le droit positif ivoirien une trace du traité de Rome pour qu’il produise des effets sur les citoyens ivoiriens qui n’en n’ont pas connaissance. Le traité de Rome est inconnu dans l’ordonnancement juridique ivoirien, il n’a donc aucune autorité que l’on qualifierait de supérieur comme la constitution ivoirienne le prévoit pour les traités et accords internationaux ratifiés.
Il est aussi important d’indiquer aux juges de la Cpi que sur le traité de Rome et conformément à la procédure prescrite par la constitution ivoirienne, le conseil constitutionnel de la Côte-d’Ivoire a été saisi par le gouvernement en décembre 2003. Il a rendu la décision n°002/CC/SG du 17 décembre 2003, dans laquelle il a indiqué que «le traité de Rome ne pouvait être ratifié en raison de l’incompatibilité de certaines de ses dispositions avec la constitution ivoirienne.»
La décision du conseil constitutionnel ivoirien s’oppose au paragraphe du statut de Rome relatif aux Etats qui avaient la possibilité de reconnaitre la compétence de la Cpi par simple déclaration. En clair, les juges de la Haye devraient savoir que les échanges épistolaires entre les présidents Laurent Gbagbo en 2003 et Alassane Ouattara en 2010 avec la Cour Pénale Internationale ne compensent pas la procédure de ratification des traités et accords internationaux telle que prévue par le législateur ivoirien. Ces deux correspondances ne valent pas ratification et par conséquent n’engagent pas les citoyens ivoiriens qui de par la constitution n’ont pas délégué cette compétence au président de la république mais au parlement (art 85). Au regard de la constitution ivoirienne, en l’absence d’une ratification votée par une loi référendaire ou à la majorité qualifiée au parlement, aucun ivoirien ne peut être traduit devant la Cpi. A cela s’ajoutent, l’impossibilité constitutionnelle d’extrader les citoyens ivoiriens et le statut de Rome qui privilégie les juridictions nationales. Les juges de la Cpi qui logiquement devraient être des experts du droit international devraient en prendre acte en refusant de signer tout mandat d’arrêt contre tous les citoyens ivoiriens. Qu’en est-il réellement du statut de ces juges?
5- Les juges de la Cpi, Hommes Politiques ou Hommes de Droit ?
Lorsqu’on observe l’excès de zèle avec lequel la Cpi traite les dirigeants africains, l’on est en droit de s’interroger si la juridiction internationale est composée de magistrats chevronnés ou des représentants (ambassadeurs) des pouvoirs politiques auprès de la Haye. Sinon, comment justifier le traitement différentiel des dossiers ivoirien et libyen ?
Il est acquis pour l’homme africain que la Cpi est une justice déséquilibrée et partisane à la solde des pouvoirs politiques occidentaux. C’est ce constat qui a conduit l’Union africaine lors de son dernier sommet à Malabo en juillet 2011, à signifier sa désapprobation à la Cpi et souhaiter la mise en place d’une Cour Pénale Africaine.
Le président du Togo vient encore de le réitérer publiquement le 22 novembre 2011 à Lomé, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des assemblée annuelle du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique (Acp) et les ambassadeurs des pays de l’Union européenne : l’Afrique n’est plus prête à livrer ses dignes fils à une juridiction partisane.
Ainsi, pour l’opinion africaine relayée cette fois-ci par les chefs d’état, la Cpi n’est pas neutre, c’est une justice aux ordres des pouvoirs politiques occidentaux avec laquelle plusieurs Etats même signataires du traité de Rome refusent de collaborer désormais. Sinon, comment expliquer que malgré le mandat d’arrêt lancé contre lui par la Cpi, le président du Soudan voyage aisément en Afrique alors qu’il est attendu dans les capitales occidentales pour être conduit à la Haye ?
Lorsqu’on observe le chantage politique des Etats occidentaux sur les dirigeants africains nationalistes relayé par la Cpi, l’on est en droit de s’interroger sur la valeur intrinsèque des juges de la Cpi. Sont-ils de simples exécutants ? Ont-ils vraiment pratiqué le droit dans leur pays respectif ? Les membres du bureau du procureur ont-ils suivi normalement les cours de droit à l’université ? Ou alors ont-ils décidé de sacrifier le droit sur le seuil d’intérêts financiers occultes ? Sinon, comment expliquer qu’ils soient incapables de dire le droit, rien que le droit quand il s’agit de dirigeants africains ? Les juges de la Cpi ont il prêté serment et devant qui ? Sont-ils véritablement les meilleurs magistrats de leur pays respectif ? Sinon comment justifier les traitements différents des dossiers du fils du guide libyen et du président Laurent Gbagbo ?
Dans le cas libyen, le procureur Ocampo a renoncé à la poursuite devant la Cpi dès que le gouvernement de ce pays sur une simple déclaration de compétence a décidé de juger Saif al-islam. Dans le cas du président Laurent Gbagbo, la constitution ivoirienne interdit l’extradition de tout citoyen à l’étranger, le pays n’a pas ratifié le statut de Rome, la justice ivoirienne présente toutes les garanties pour juger les citoyens et la Cpi tergiverse au lieu d’en prendre acte.
Les juges de la Haye au regard du droit et pour le peu de fierté qui leur reste, devraient simplement prendre acte de l’impossibilité juridique de traduire le président Laurent Gbagbo et tous les citoyens ivoiriens devant la Cpi. Le procureur Ocampo dont le mandat s’achève en juin 2012 veut-il épingler un authentique fils d’Afrique à son fusil de chasse après ses échecs retentissants au Soudan et en Lybie ? S’il prend le risque de tordre le coup au droit pour inculper le président Laurent Gbagbo, son successeur sera à coup sur désœuvré durant son mandat parce que l’Union Africaine se sera retirée de la Cpi. Surtout que les grandes puissances occidentales qui commettent des crimes en Irak, et Afghanistan n’en sont pas membres. Il n’y a qu’à observer que la Cpi vit ses dernières heures par la faute de ses juges qui sont devenus des instruments de domination en lieu et place d’une justice équitable.
Une correspondance particulière de Traoré Philippe
La guerre de Lybie a duré plus de dix mois au cours desquels toutes les administrations ont été détruites et particulièrement l’administration judiciaire : les locaux qui abritaient jadis les tribunaux sont en ruines ; les magistrats dont les plus gradés ont servi le régime du guide pendant quarante ans sont tous en exil ; le barreau n’existe que de nom parce que les avocats ont fui la guerre pour chercher des clients à l’extérieur. C’est dans ces conditions marquées par une absence notoire de justice que la Cour pénale internationale (Cpi) avait lancé au début de la répression contre les populations civiles, des mandats d’arrêts internationaux contre certaines autorités libyennes parmi lesquels Saif-al-islam, le fils de Kadhafi. Cette décision de la juridiction internationale avait été saluée en son temps par l’Union européenne, le Canada, les États-Unis et les rebelles libyens regroupés au sein d’un Conseil National de Transition (Cnt).
Dix mois après, le constat est que le guide libyen a été atrocement tué par les rebelles dans des conditions troubles qui ont ému tous les fils du continent africain mais qui ont paradoxalement enchanté les chefs d’Etats des pays occidentaux, à la grande indifférence des juges de la Cour Pénale Internationale.
Le fils de Kadhafi vient d’être arrêté et, le procureur de la Cpi parti à Tripoli dans le but de négocier les conditions de transfert du prisonnier à la Haye a essuyé le refus catégorique des nouvelles autorités libyennes qui ne sont autres que celles qui avaient applaudi l’émission du mandat d’arrêt quelques mois plus tôt.
Le gouvernement libyen a déclaré que leur pays dispose d’une justice capable de juger son compatriote. Devant l’intransigeance des autorités libyennes, le procureur Luis Moreno Ocampo s’est souvenu brusquement devant les cameras du monde entier, des dispositions pertinentes du traité de Rome instituant la Cpi qui accordait la priorité aux juridictions nationales. Le procureur de la Cpi dit avoir pris acte de la volonté des autorités libyennes de juger Saif al-islam qui était poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par la Cpi.
Bizarrement, la décision des autorités libyennes et la volte-face du procureur de la Cpi sont applaudies par les pays occidentaux au grand étonnement des pays africains.
Comment expliquer qu’en l’absence d’une justice véritable et avec en toile de fond une peine de mort inévitable, la communauté dite internationale et les juges de la Cpi renoncent aussi facilement à poursuivre le fils de Mouammar Kadhafi ? N’a-t-on pas peur que le fils du guide dans un procès publique se livre à un déballage compromettant pour certaines autorités politiques des pays occidentaux ? Sinon, de quoi a-t-on véritablement peur pour que les mêmes qui avaient salué l’émission des mandats d’arrêts contre le clan Kadhafi dix mois plutôt, renoncent et se félicitent de la décision des nouvelles autorités libyennes ? Pourquoi le procureur Ocampo que l’on sait inutilement incisif lorsqu’il s’agit de l’Afrique s’est-il subitement dégonflé devant les cameras du monde entier à Tripoli pour renoncer à poursuivre le fils de Kadhafi ? Avec les arguments qu’il a lui-même énoncé publiquement, n’a-t-il pas renoncé de fait à poursuivre le président Laurent Gbagbo ? Sinon comment pourra-t-il justifier devant les mêmes cameras, l’extradition de l’ex-président ivoirien sans violer les dispositions pertinentes du statut de Rome qu’il a lui-même rappelé dans le cas du fils de Kadhafi ?
2- La Côte-d’Ivoire, un pays avec une justice qui fonctionne mieux qu’en Lybie
Contrairement à la Lybie, la guerre en Côte-d’Ivoire fut de courte durée et localisée dans la seule ville d’Abidjan pendant dix jours au maximum. Le système judiciaire ivoirien a été maintenu intact, il n’a subi aucun dommage collatéral pendant le conflit si bien que tous les prisonniers politiques et les prisonniers de droits communs sont détenus depuis sept mois, dans toutes les prisons du pays dont certaines ont été réhabilitées avec l’aide de l’Union européenne. Un grand redéploiement des magistrats a été opéré il y a bientôt trois mois, toutes les juridictions fonctionnent normalement et les avocats assistent régulièrement leurs clients dès leurs interpellations par les services de police. La preuve du fonctionnement du système judiciaire ivoirien a été donnée le 16 novembre 2011, par l’organisation de la cérémonie ordinaire de la rentrée judiciaire, en présence du Président de la République, des membres du gouvernement et de tous les corps constitués de la République de Côte-d’Ivoire.
Parallèlement le tribunal militaire ivoirien a régulièrement inculpé et procédé aux arrestations de plusieurs soldats de l’armée régulière accusés de crimes de guerre à l’occasion du conflit post-électoral.
Comme on le constate et citant le procureur de la Cpi, la justice ivoirienne remplit toutes les conditions et certainement mieux que son homologue libyenne pour juger le président Laurent Gbagbo et tous les présumés responsables ou coupables de crimes commis lors de la crise post-électorale. Ce n’est donc pas parce que le président Ouattara actionné par son mentor Sarkozy souhaite voir le président Laurent Gbagbo condamné à la Haye avant jugement, que les magistrats de la Cpi vont avaler le droit pour violer le traité de Rome et que le procureur ocampo va agir dans le sens contraire à sa déclaration de Tripoli déjà enregistrée par le monde entier.
3- L’extradition du président Laurent Gbagbo est anticonstitutionnelle
L’article 12 de la constitution de la république de Côte-d’Ivoire stipule clairement «qu’aucun ivoirien ne peut être contrait à l’exil». Le président Ouattara en décidant, nonobstant cette disposition constitutionnelle de traduire à la Cpi le président Laurent Gbagbo et ses proches, est en violation flagrante de la constitution ivoirienne sur laquelle il a juré.
En décidant d’abandonner le sort de nationaux ivoiriens entre les mains d’une justice extérieure, le président Ouattara et son gouvernement les auront contraint à l’exil.
Les juges de la Cpi si soucieux comme en Lybie, du respect scrupuleux des juridictions nationales devraient dans le cas de la procédure en cours contre Laurent Gbagbo, constater qu’ils sont en train de se faire complice de la violation de la constitution d’un Etat souverain, membre de l’Organisation des Nations Unies (Onu) dont la Cpi est un démembrement.
Le gouvernement ivoirien n’a pas constitutionnellement le droit d’extrader ses citoyens. Les juges de la Cpi qui sont des experts du droit international devraient en prendre en acte mais aussi de l’absence de la ratification du statut de Rome par la Côte-d’Ivoire.
4- Aucun ivoirien ne doit être traduit devant la Cpi
Le bureau du procureur de la Cpi a publié un bulletin le 23 septembre 2009 dans lequel il est écrit que «la cour pénale internationale a compétence à l’égard de la situation en Côte-d’Ivoire, en vertu d’une déclaration que le gouvernement ivoirien a déposé le 1er octobre 2003 au titre de l’article 12-3 et par laquelle il accepte la compétence de la cour…»
C’est le lieu d’indiquer aux experts de la CpiI que dans la constitution ivoirienne, il revient au Président de la République (art 84) et à l’Assemblée Nationale (art 85) de ratifier, chacune des institutions dans des domaines précis, les traités et accords internationaux. Lesquels traités ne sont applicables aux citoyens ivoiriens si et seulement s’ils sont ratifiés et publiés au journal officiel de la Côte-d’Ivoire. Or, il n’existe nulle part dans le droit positif ivoirien une trace du traité de Rome pour qu’il produise des effets sur les citoyens ivoiriens qui n’en n’ont pas connaissance. Le traité de Rome est inconnu dans l’ordonnancement juridique ivoirien, il n’a donc aucune autorité que l’on qualifierait de supérieur comme la constitution ivoirienne le prévoit pour les traités et accords internationaux ratifiés.
Il est aussi important d’indiquer aux juges de la Cpi que sur le traité de Rome et conformément à la procédure prescrite par la constitution ivoirienne, le conseil constitutionnel de la Côte-d’Ivoire a été saisi par le gouvernement en décembre 2003. Il a rendu la décision n°002/CC/SG du 17 décembre 2003, dans laquelle il a indiqué que «le traité de Rome ne pouvait être ratifié en raison de l’incompatibilité de certaines de ses dispositions avec la constitution ivoirienne.»
La décision du conseil constitutionnel ivoirien s’oppose au paragraphe du statut de Rome relatif aux Etats qui avaient la possibilité de reconnaitre la compétence de la Cpi par simple déclaration. En clair, les juges de la Haye devraient savoir que les échanges épistolaires entre les présidents Laurent Gbagbo en 2003 et Alassane Ouattara en 2010 avec la Cour Pénale Internationale ne compensent pas la procédure de ratification des traités et accords internationaux telle que prévue par le législateur ivoirien. Ces deux correspondances ne valent pas ratification et par conséquent n’engagent pas les citoyens ivoiriens qui de par la constitution n’ont pas délégué cette compétence au président de la république mais au parlement (art 85). Au regard de la constitution ivoirienne, en l’absence d’une ratification votée par une loi référendaire ou à la majorité qualifiée au parlement, aucun ivoirien ne peut être traduit devant la Cpi. A cela s’ajoutent, l’impossibilité constitutionnelle d’extrader les citoyens ivoiriens et le statut de Rome qui privilégie les juridictions nationales. Les juges de la Cpi qui logiquement devraient être des experts du droit international devraient en prendre acte en refusant de signer tout mandat d’arrêt contre tous les citoyens ivoiriens. Qu’en est-il réellement du statut de ces juges?
5- Les juges de la Cpi, Hommes Politiques ou Hommes de Droit ?
Lorsqu’on observe l’excès de zèle avec lequel la Cpi traite les dirigeants africains, l’on est en droit de s’interroger si la juridiction internationale est composée de magistrats chevronnés ou des représentants (ambassadeurs) des pouvoirs politiques auprès de la Haye. Sinon, comment justifier le traitement différentiel des dossiers ivoirien et libyen ?
Il est acquis pour l’homme africain que la Cpi est une justice déséquilibrée et partisane à la solde des pouvoirs politiques occidentaux. C’est ce constat qui a conduit l’Union africaine lors de son dernier sommet à Malabo en juillet 2011, à signifier sa désapprobation à la Cpi et souhaiter la mise en place d’une Cour Pénale Africaine.
Le président du Togo vient encore de le réitérer publiquement le 22 novembre 2011 à Lomé, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des assemblée annuelle du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique (Acp) et les ambassadeurs des pays de l’Union européenne : l’Afrique n’est plus prête à livrer ses dignes fils à une juridiction partisane.
Ainsi, pour l’opinion africaine relayée cette fois-ci par les chefs d’état, la Cpi n’est pas neutre, c’est une justice aux ordres des pouvoirs politiques occidentaux avec laquelle plusieurs Etats même signataires du traité de Rome refusent de collaborer désormais. Sinon, comment expliquer que malgré le mandat d’arrêt lancé contre lui par la Cpi, le président du Soudan voyage aisément en Afrique alors qu’il est attendu dans les capitales occidentales pour être conduit à la Haye ?
Lorsqu’on observe le chantage politique des Etats occidentaux sur les dirigeants africains nationalistes relayé par la Cpi, l’on est en droit de s’interroger sur la valeur intrinsèque des juges de la Cpi. Sont-ils de simples exécutants ? Ont-ils vraiment pratiqué le droit dans leur pays respectif ? Les membres du bureau du procureur ont-ils suivi normalement les cours de droit à l’université ? Ou alors ont-ils décidé de sacrifier le droit sur le seuil d’intérêts financiers occultes ? Sinon, comment expliquer qu’ils soient incapables de dire le droit, rien que le droit quand il s’agit de dirigeants africains ? Les juges de la Cpi ont il prêté serment et devant qui ? Sont-ils véritablement les meilleurs magistrats de leur pays respectif ? Sinon comment justifier les traitements différents des dossiers du fils du guide libyen et du président Laurent Gbagbo ?
Dans le cas libyen, le procureur Ocampo a renoncé à la poursuite devant la Cpi dès que le gouvernement de ce pays sur une simple déclaration de compétence a décidé de juger Saif al-islam. Dans le cas du président Laurent Gbagbo, la constitution ivoirienne interdit l’extradition de tout citoyen à l’étranger, le pays n’a pas ratifié le statut de Rome, la justice ivoirienne présente toutes les garanties pour juger les citoyens et la Cpi tergiverse au lieu d’en prendre acte.
Les juges de la Haye au regard du droit et pour le peu de fierté qui leur reste, devraient simplement prendre acte de l’impossibilité juridique de traduire le président Laurent Gbagbo et tous les citoyens ivoiriens devant la Cpi. Le procureur Ocampo dont le mandat s’achève en juin 2012 veut-il épingler un authentique fils d’Afrique à son fusil de chasse après ses échecs retentissants au Soudan et en Lybie ? S’il prend le risque de tordre le coup au droit pour inculper le président Laurent Gbagbo, son successeur sera à coup sur désœuvré durant son mandat parce que l’Union Africaine se sera retirée de la Cpi. Surtout que les grandes puissances occidentales qui commettent des crimes en Irak, et Afghanistan n’en sont pas membres. Il n’y a qu’à observer que la Cpi vit ses dernières heures par la faute de ses juges qui sont devenus des instruments de domination en lieu et place d’une justice équitable.
Une correspondance particulière de Traoré Philippe