De la chaleur infernale de Korhogo au froid hivernal de la Haye. L’ex-chef de l ‘Etat ivoirien Laurent Gbagbo a passé sa toute première nuit en prison. L'avion qui l’a transporté de la cité du Poro vers sa nouvelle destination, est arrivé mercredi à Rotterdam au petit matin, très exactement à 4 h 00 (3h00 GMT). A sa descente de l’avion avec les armoiries de l’Etat et estampillé ‘’République de Côte d’Ivoire’’, il a été aussitôt conduit au centre de détention de la CPI à La Haye. Situé à une vingtaine de kilomètres. La nouvelle ‘’résidence’’ de Gbagbo n’a rien à avoir avec les prisons et autres centres de détention où Gbagbo lui-même a fait écrouer nombreux de ses adversaires. Lui, est détenu dans une prison qu’on n’hésiterait pas à qualifier de ‘’prison VIP’’. Cette prison VIP est hébergée par la prison de Scheveningen, qui se trouve dans le quartier balnéaire de La Haye. Le centre pénitentiaire est un bâtiment chargé d'histoire. Les autres ailes du bâtiment accueillent des prisonniers de droit commun et un hôpital pour les détenus. Dans cette ‘’prison VIP’’ donc qui ne ressemble pas aux geôles ordinaires, chaque détenu dispose d'une cellule de 15 m2 ouverte pendant la journée. Le confort peut faire pâlir de jalousie plus d’un. La cellule de Gbagbo dispose d’un lit, d’un bureau, d’une cuisine, d’une salle de bain et des étagères. Le prisonnier n’est pas coupé du monde. Il a accès à internet et au téléphone. Il peut également profiter d'une salle de sport, d'une salle de jeu et dispose, tenez-vous bien, d'une «chambre conjugale» pour retrouver leur compagne. Eh oui! La Cour pénale internationale rappelle sur son site internet que le greffier Silvana Arbia, chargé de l'administration du quartier pénitentiaire, «s'efforce de garantir le bien-être mental, physique et spirituel des personnes détenues». Le règlement de cette prison prévoit que tout détenu «comparaît devant la chambre préliminaire en présence du procureur aussitôt après son arrivée à la cour». Cette audience sert à vérifier l'identité du suspect, à l'informer des crimes qui lui sont imputés et des droits que lui reconnaît le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI. Une formalité que devrait accomplir Laurent Gbagbo dans les prochains jours. Selon des informations proches du dossier et émanant des fonctionnaires de la Haye que nous avons joint hier après-midi, Gbagbo va assister "prochainement" à cette audience de comparution initiale. Elle a pour but de vérifier son identité, l'informer de ses droits et des crimes qui lui sont imputés. Cette audience pourrait avoir lieu lundi, à en croire selon toute vraissemblance. Cette audience de comparution sera suivie d’une autre audience. Celle dite de confirmation des charges au cours de laquelle, les juges examineront si les éléments de preuve avancés sont assez solides pour la tenue d'un procès. Elle aura lieu dans au moins six mois. Aussitôt arrivé à la CPI, Laurent Gbagbo aurait engagé sa responsabilité pénale individuelle, en tant que coauteur indirect, pour quatre chefs de crimes contre l’humanité à raison de meurtres, de viols et d’autres violences sexuelles, d’actes de persécution et d’autres actes inhumains", a annoncé la CPI dans un communiqué. Très attendu d’ailleurs sur le dossier ivoirien, le procureur Luis Moreno Ocampo, a déjà annoncé les couleurs: «Justice sera faite pour les victimes ivoiriennes de crimes commis à grande échelle: M. Gbagbo est le premier à devoir rendre compte de ses actes. Il ne sera pas le dernier», a mis en garde celui-ci, dans un communiqué rendu public hier. De leur côté, de pseudo-partisans du tout nouveau locataire du centre de détention de la Haye, se disent choqués et évoquent «un complot». Pour les juges, il n’en est rien du tout. Son transfert à la Haye. Dans le mandat d'arrêt sous scellé délivré le 23 novembre et rendu public mercredi, ils estiment l'arrestation de M. Gbagbo «nécessaire pour garantir qu'il n'usera pas de son pouvoir politique ou de ses moyens financiers pour faire obstacle à l'enquête».C’est pour faire toute la lumière sur toutes ces questions que le procureur de la République, Simplice Kouadio Koffi, anime aujourd’hui même, un important point de presse dans la salle de conférence de la Cellule spéciale d’enquête. Rappelons que c’est le 3 mai 2010, que le président Ouattara avait demandé à la CPI d'enquêter sur les «crimes les plus graves» commis lors des violences, la justice ivoirienne se chargeant des crimes économiques, des crimes de sang et des crimes contre la sécurité de l'Etat. Saisissant la balle au bond, le procureur de la CPI avait effectué un voyage en Côte d’Ivoire. Avant son départ, il a promis le 15 octobre, une enquête "impartiale" qui ciblerait "trois à six" personnes" ayant les plus lourdes responsabilités dans les crimes commis lors de la crise.
YMA
YMA