L’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo a comparu hier lundi 5 décembre pour la première fois devant les juges de la Cour pénale internationale (CPI) au siège de l’institution à la Haye. Nous vous proposons la première déclaration qu’il a faite, lui-même, sur la crise post-électorale, le rôle de la France et les conditions de sa détention en Côte d’Ivoire et à la CPI.
Madame, les conditions de ma détention à la Cour ici à la Haye sont correctes. Ce sont des conditions normales de détention d’un être humain. Mais ce sont les conditions de l’arrestation qui le sont moins. J’ai été arrêté le 11 avril 2011 sous les bombes françaises. Président de la République, la résidence du président de la République a été bombardée du 31 mars au 11 avril. Et c’est dans ces décombres-là, le 11 avril, qu’on bombardait la résidence qui était déjà à terre. On s’est caché dans les trous de la résidence. Une cinquantaine de chars français encerclaient la résidence pendant que les hélicoptères me bombardaient. C’est dans ces conditions-là que j’ai été arrêté. J’ai vu devant moi mourir mon ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro. J’ai vu mon fils aîné qui est encore détenu en Côte d’Ivoire. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi on l’a arrêté; c’est peut-être parce qu’il est mon fils. Je l’ai vu battu. J’ai vu mon médecin personnel qui était avec moi, le Docteur Blé, qui est encore détenu à Korhogo. Je l’ai vu battu, j’ai cru même qu’il allait mourir. Dieu merci, il n’est pas mort mais Tagro a eu moins de chance. C’est dans ces conditions que j’ai été arrêté. Je ne veux pas continuer parce qu’on n’est pas dans le procès; mais je veux dire que les conditions de l’arrestation sont celles-là. C’est l’armée française qui a fait le travail et nous a remis aux forces d’Alassane Ouattara; qui n’étaient pas encore les forces régulières de Côte d’Ivoire parce que les forces régulières travaillaient avec moi. On nous a conduits à l’hôtel du Golf qui était le siège de campagne de M. Alassane Ouattara; le 11 avril. Et le 13 avril, l’ONUCI nous a transféré, moi et mon médecin personnel, à Korhogo, à 600 km au nord de la Côte d’Ivoire. J’étais logé dans une maison, il y avait un lit, une moustiquaire, une douche; j’avais deux repas par jour, à ma demande, parce qu’on m’avait proposé trois. Mais en général, je ne mange pas trois repas par jour, je n’en mange que deux. Donc, le problème n’était pas là. Mais je ne voyais pas le soleil, je ne savais ce qui se passait dans le ciel que lorsqu’il pleuvait sur le toit. Je ne voyais pas le soleil. Les quelques rares fois où j’ai vu le soleil, c’est quand mes avocats sont venus et ils sont venus à coups de difficultés. Me Altit est allé à Korhogo, il a fait deux jours, on l’a empêché de me rencontrer. Et ça a été tout le temps comme ça; une bataille entre mes avocats et mes geôliers pour que je puisse les voir. Là aussi je veux m’arrêter. Ce n’est pas pour apitoyer les gens; j’essaie de décrire (....) L’enfermement, sans pouvoir marcher, sans pouvoir voir le ciel, sans pouvoir sortir a fait que j’ai eu de nouvelles pathologies en plus de celles que j’avais déjà et je ne suis plus le jeune homme comme vous le voyez, madame. Je ne suis plus un jeune de 20 ans, j’ai aujourd’hui 66 ans et donc j’ai mal à l’épaule, aux poignets. Ici même, quand je suis arrivé, on m’a fait des radios, on me donne des médicaments.
De Korhogo à La Haye
Voilà ce que je tenais à dire sur mon transfert à la Haye. Moi, je suis toujours surpris pas certains comportements. Si on me dit « Gbagbo tu vas aller à la Haye », je vais, je monte dans l’avion et je vais à la Haye. Et là encore, on vous a trompée. On m’a dit que j’allais rencontrer un magistrat à Korhogo dans le cadre de je ne sais plus quelle affaire. J’ai trouvé mes avocats là-bas et pendant qu’on discutait, le juge d’application des peines est arrivé avec un papier que je n’ai d’ailleurs pas lu. « Voilà le mandat d’arrêt donc immédiatement, il faut qu’on fasse une séance ». Ils ont improvisé là, alors que mes avocats n’étaient pas préparé à ça, alors que moi-même je n’étais pas préparé à ça, une audience pour que la Cour donne son accord à mon transfèrement. Madame, je ne regrette pas d’être là, on va aller jusqu’au bout. Je veux dire qu’on peut faire les choses de façon plus normale; on n’a pas besoin de se cacher. J’ai dirigé ce pays pendant 10 ans, je n’ai pas fait ça. Et quand cette séance volée s’est achevée, le geôlier m’a pris dans la voiture pour me ramener à mon lieu de détention. Et puis à un moment, je vois qu’on dépasse le lieu de détention. Alors je lui dis: « on a dépassé l’endroit ». Il me dit qu’on va à l’aéroport parce que l’aéroport n’est pas éclairé à partir de 18h30; il faut que l’avion s’envole. J’ai dit : « je vais où en avion ? » Il n’a même pas eu le courage de me dire :« vous allez à la Haye »; il me dit « vous allez à Abidjan ». Alors j’ai ri parce que j’avais compris. Et pour cela, je suis venu sans rien, sauf avec mon pantalon et ma chemise. Je signale cela pour que vous puissiez prendre plus de précautions pour que prochainement, dans d’autres pays, dans d’autres cas, cela ne se répète plus parce que ça ne sert à rien. Peut-être qu’il y a des gens qui n’ont pas envie de comparaître; si on m’accuse, c’est qu’on a des éléments de preuve pour m’accuser. Donc je comparais, je vais voir ces éléments de preuve et je vais les confronter à ma vérité à moi et vous jugerez. Mais ce n’est bon qu’on essaie de jouer à des tours de passe-passe. C’est ce que j’ai voulu dire sur les conditions d’arrestation, de transfert. Ici, il n’y a pas de problème, je n’ai pas de problème. Voilà madame.
Recueillis par Hervé KPODION
Madame, les conditions de ma détention à la Cour ici à la Haye sont correctes. Ce sont des conditions normales de détention d’un être humain. Mais ce sont les conditions de l’arrestation qui le sont moins. J’ai été arrêté le 11 avril 2011 sous les bombes françaises. Président de la République, la résidence du président de la République a été bombardée du 31 mars au 11 avril. Et c’est dans ces décombres-là, le 11 avril, qu’on bombardait la résidence qui était déjà à terre. On s’est caché dans les trous de la résidence. Une cinquantaine de chars français encerclaient la résidence pendant que les hélicoptères me bombardaient. C’est dans ces conditions-là que j’ai été arrêté. J’ai vu devant moi mourir mon ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro. J’ai vu mon fils aîné qui est encore détenu en Côte d’Ivoire. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi on l’a arrêté; c’est peut-être parce qu’il est mon fils. Je l’ai vu battu. J’ai vu mon médecin personnel qui était avec moi, le Docteur Blé, qui est encore détenu à Korhogo. Je l’ai vu battu, j’ai cru même qu’il allait mourir. Dieu merci, il n’est pas mort mais Tagro a eu moins de chance. C’est dans ces conditions que j’ai été arrêté. Je ne veux pas continuer parce qu’on n’est pas dans le procès; mais je veux dire que les conditions de l’arrestation sont celles-là. C’est l’armée française qui a fait le travail et nous a remis aux forces d’Alassane Ouattara; qui n’étaient pas encore les forces régulières de Côte d’Ivoire parce que les forces régulières travaillaient avec moi. On nous a conduits à l’hôtel du Golf qui était le siège de campagne de M. Alassane Ouattara; le 11 avril. Et le 13 avril, l’ONUCI nous a transféré, moi et mon médecin personnel, à Korhogo, à 600 km au nord de la Côte d’Ivoire. J’étais logé dans une maison, il y avait un lit, une moustiquaire, une douche; j’avais deux repas par jour, à ma demande, parce qu’on m’avait proposé trois. Mais en général, je ne mange pas trois repas par jour, je n’en mange que deux. Donc, le problème n’était pas là. Mais je ne voyais pas le soleil, je ne savais ce qui se passait dans le ciel que lorsqu’il pleuvait sur le toit. Je ne voyais pas le soleil. Les quelques rares fois où j’ai vu le soleil, c’est quand mes avocats sont venus et ils sont venus à coups de difficultés. Me Altit est allé à Korhogo, il a fait deux jours, on l’a empêché de me rencontrer. Et ça a été tout le temps comme ça; une bataille entre mes avocats et mes geôliers pour que je puisse les voir. Là aussi je veux m’arrêter. Ce n’est pas pour apitoyer les gens; j’essaie de décrire (....) L’enfermement, sans pouvoir marcher, sans pouvoir voir le ciel, sans pouvoir sortir a fait que j’ai eu de nouvelles pathologies en plus de celles que j’avais déjà et je ne suis plus le jeune homme comme vous le voyez, madame. Je ne suis plus un jeune de 20 ans, j’ai aujourd’hui 66 ans et donc j’ai mal à l’épaule, aux poignets. Ici même, quand je suis arrivé, on m’a fait des radios, on me donne des médicaments.
De Korhogo à La Haye
Voilà ce que je tenais à dire sur mon transfert à la Haye. Moi, je suis toujours surpris pas certains comportements. Si on me dit « Gbagbo tu vas aller à la Haye », je vais, je monte dans l’avion et je vais à la Haye. Et là encore, on vous a trompée. On m’a dit que j’allais rencontrer un magistrat à Korhogo dans le cadre de je ne sais plus quelle affaire. J’ai trouvé mes avocats là-bas et pendant qu’on discutait, le juge d’application des peines est arrivé avec un papier que je n’ai d’ailleurs pas lu. « Voilà le mandat d’arrêt donc immédiatement, il faut qu’on fasse une séance ». Ils ont improvisé là, alors que mes avocats n’étaient pas préparé à ça, alors que moi-même je n’étais pas préparé à ça, une audience pour que la Cour donne son accord à mon transfèrement. Madame, je ne regrette pas d’être là, on va aller jusqu’au bout. Je veux dire qu’on peut faire les choses de façon plus normale; on n’a pas besoin de se cacher. J’ai dirigé ce pays pendant 10 ans, je n’ai pas fait ça. Et quand cette séance volée s’est achevée, le geôlier m’a pris dans la voiture pour me ramener à mon lieu de détention. Et puis à un moment, je vois qu’on dépasse le lieu de détention. Alors je lui dis: « on a dépassé l’endroit ». Il me dit qu’on va à l’aéroport parce que l’aéroport n’est pas éclairé à partir de 18h30; il faut que l’avion s’envole. J’ai dit : « je vais où en avion ? » Il n’a même pas eu le courage de me dire :« vous allez à la Haye »; il me dit « vous allez à Abidjan ». Alors j’ai ri parce que j’avais compris. Et pour cela, je suis venu sans rien, sauf avec mon pantalon et ma chemise. Je signale cela pour que vous puissiez prendre plus de précautions pour que prochainement, dans d’autres pays, dans d’autres cas, cela ne se répète plus parce que ça ne sert à rien. Peut-être qu’il y a des gens qui n’ont pas envie de comparaître; si on m’accuse, c’est qu’on a des éléments de preuve pour m’accuser. Donc je comparais, je vais voir ces éléments de preuve et je vais les confronter à ma vérité à moi et vous jugerez. Mais ce n’est bon qu’on essaie de jouer à des tours de passe-passe. C’est ce que j’ai voulu dire sur les conditions d’arrestation, de transfert. Ici, il n’y a pas de problème, je n’ai pas de problème. Voilà madame.
Recueillis par Hervé KPODION