La crise est l`occasion pour les Africains de réformer leurs économies pour poser les jalons de leur développement. La crise économique qui a mis l’Europe dans la tourmente ne semble apparemment pas inquiéter outre mesure les dirigeants d’Afrique et les citoyens africains. Comme le dernier wagon d’une locomotive en cours de déraillement, ils attendent de façon stoïque et résignée les répercussions inévitables du choc de l’accident. Cependant, ils gardent l’espoir que les conducteurs la maîtriseront avant. Rien ne dépend donc d’eux. C’est l’indépendance et vive l’indépendance!
L`Afrique, à dix mille lieux de la crise
Pour les Africains qui sont éternellement en crise, «cabri mort n’a pas peur de couteau» pour reprendre un adage ivoirien. Ce n’est point une crise de plus qui changera grand-chose à la situation des Africains déjà largement précaire dans l’ensemble. Pour eux, le pire n’est pas à venir. Le cri du désespoir est sorti depuis fort longtemps: «s’en fout la mort», comme on dit ici sous nos cieux. Si les Africains observent avec une impuissance certaine les tribulations de la monnaie européenne et les conséquences de la crise, leurs dirigeants le sont beaucoup moins. Car ils sont plus préoccupés non pas par les conditions de vie à venir de leurs concitoyens mais par la survie de leur régime face à cette perspective. Sait-on jamais? Après les révolutions arabes, il ne faut jamais dire jamais.
Les Européens, avec la France et l’Allemagne dans le wagon de tête, en bons conducteurs, se démènent comme de beaux diables pour maîtriser la locomotive en furie. Avec maintes concertations, des budgets maniés et remaniés, des sacrifices chaque jour imposés aux citoyens européens, l’Union européenne tente vaille que vaille de freiner la locomotive dans sa folle course vers l’abîme.
Au lieu de se résigner et de prier Dieu pour que le malheur n’arrive point, les Africains pourraient bien aussi prendre des initiatives afin d’éviter le pire, voire d’en tirer des leçons avantageuses pour l’après-crise. Tant qu’à amortir le choc, il faut déjà s’y préparer. Ce n’est pas les domaines dans lesquelles il est possible d’engager des actions qui manquent.
Réduire le train de vie de l`Etat
Le président béninois, Boni Yayi, qui voulait supprimer depuis quelque temps les primes et autres avantages aux fonctionnaires de l’Etat n’a pas eu meilleure occasion. Il a suffi d’un communiqué laconique:
«Sur instructions du président de la République, chef de l’Etat, chef du gouvernement, il vous est demandé de faire procéder, dès à présent, à la suspension du paiement des accessoires de salaire (primes et indemnités) dans les sociétés et offices d’Etat sous votre tutelle en attendant de nouvelles mesures à prendre par le gouvernement. En conséquence, seuls les salaires seront payés aux employés et agents relevant de ces structures. Des contrôles seront effectués par les organes compétents pour vérifier la mise en œuvre effective des présentes prescriptions».
Cette mesure ne réjouit évidemment pas les fonctionnaires béninois, loin s’en faut. Mais elle réduit tout de même les dépenses de l’Etat. Seulement voilà: là où le bât blesse, c’est que le gouvernement Boni Yayi ne dit pas ce qu’il fait pour réduire le train de vie de l’Etat et des personnalités politiques dont on sait que leurs salaires contrastent avec le niveau de vie général. Ce qui risque fort de donner raison aux syndicalistes avec lesquels il avait déjà maille à partir. Car les mesures d’austérité ne sauraient concerner seulement que les fonctionnaires.
C’est un secret de polichinelle que les personnalités politiques sont généralement les mieux lotis en Afrique. La politique est ainsi le plus grand et le plus généreux employeur des sociétés africaines. Tant et si bien que ceux qui ont bien compris l’avantage à en tirer n’hésitent pas à abandonner leurs professions pour faire carrière en politique.
«Pour vivre mieux, il faut faire la politique, sinon c’est elle qui va vous faire», argue-t-on souvent en Afrique.
Pour faire des économies budgétaires, les citoyens africains ne demandent pas forcément à leurs chefs d’Etat d’avoir l’ingéniosité ou le courage politique de l’ancien président du Burkina Faso, Thomas Sankara. Lequel, en son temps, avait notamment fait remplacer les Mercedes par des Renault 4 en guise de voitures de fonction, contraint les dirigeants à voyager en classe économique et réduit de façon drastique les dépenses de l’Etat. Mais en se voulant modeste, à la hauteur de leurs moyens, il est tout aussi possible de faire des économies en choisissant des voitures moins coûteuses facile à entretenir, en évitant des dépenses somptuaires ou de vivre au-dessus de ses moyens...
Aussi paradoxal que cela puisse paraître pour des pays qui se disent pauvres ou en développement, ils ont cette propension à distribuer aux directeurs et autres chefs de services des véhicules qu’ils utilisent à longueur de journée en dehors même des missions officielles et de l’exercice de leurs fonctions. Au lieu de cela, il serait tout aussi plus judicieux de leur faire acheter leurs véhicules de service. Ce qui indéniablement les obligerait à mieux les utiliser et les entretenir. Avec une panoplie de mesures de ce genre, les Etats africains pourraient certainement faire de grandes économies afin de compenser leurs énormes déficits budgétaires.
Vers une économie formelle?
Si les Africains veulent réellement sortir de leur sous-développement, la crise économique actuelle est certainement une occasion d’en poser les jalons. L’Afrique ne saurait en effet continuer indéfiniment sa fuite en avant par rapport aux grandes questions sociétales qui se posent désormais à elle. Entre une société traditionnelle de l`économie informelle et une société moderne de l`économie formelle, il n’y a plus de place à l’hésitation dans le contexte mondial actuel. Un choix doit être fait quant à l’avenir. Quel qu’il en soit, il ne règlera certes pas tous les problèmes économiques, tant qu’ils ne privilégieront pas la production des biens à celle de l’offre des services et à l’exploitation des ressources naturelles qui sont épuisables.
Dans la plupart des pays du continent, beaucoup de secteurs économiques souffrent d’une absence cruelle de législation et d’organisation qui entraînent des manques à gagner considérables pour les Etats. Ce n’est un secret pour personne: les opérateurs économiques qui s’évertuent à être en règle sont malheureusement trop souvent ceux qui sont les plus pénalisés. Ce qui encourage l’informel et plombe la fiscalité. Sans compter que parfois, c’est la fiscalité même qui plombe l’entreprise privée et prive l’Etat de recettes. Beaucoup de textes et lois se révèlent être alors des ornements juridiques plutôt que des arsenaux juridiques. Dans ce registre, on peut citer la loi sur la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cédéao). Adoptée depuis plusieurs décennies, c’est curieusement quand les citoyens de la Cédéao ont leur titre de voyage en règle qu’ils sont malmenés aux frontières terrestres des pays membres, contrairement à ceux qui voyagent sans document et qui payent leur passage. Le Nigeria est champion en cela. Si bien qu’on dit souvent qu’il vaut mieux ne pas présenter de titre de voyage quand on passe sa frontière.
Un impôt sur les revenus
Dans plusieurs secteurs comme le foncier, l’immobilier, les transports, le tourisme, l’agriculture et autres services, des réformes structurelles bien pensées sont susceptibles d’apporter une certaine embellie aux économies nationales. Pourvu que les législateurs n’adoptent pas des lois pour la forme, tout juste bonnes pour les tiroirs des administrations et que les économies continuent à fonctionner de manière plus ou moins souterraine. Là où les pays africains pourraient aussi agir pour non seulement renflouer les caisses de leurs Etats, mais également lutter contre la corruption, c’est avec un impôt sur les revenus de leurs concitoyens. L’Afrique est certes pauvre, mais il y a une minorité de gens qui sont riches, parfois même plus riches que leurs Etats, sans que les activités qu’ils mènent ne justifient cependant leur fortune, pour la plupart. Ce serait déjà une source de recettes pour les Etats si on commençait déjà par leur faire payer un impôt. En y ajoutant la classe moyenne de plus en plus importante, il y a bel et bien de quoi boucher des trous dans des budgets.
Comme on peut s’en rendre compte, nombre de pays africains économiquement malades peuvent bien encore procéder à leur automédication. Avec un peu de rigueur et de discipline, ils pourraient ainsi régler un grand nombre de leurs problèmes économiques. Malheureusement, ils ne connaissent pas la maxime qui dit: «mieux vaut prévenir que guérir». Ils attendent toujours d’être exsangues pour que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international viennent à leur chevet avec ses potions magiques. Sans se soucier du fait que les effets indésirables des médicaments des institutions de Bretton Woods seront incalculables pour les générations futures.
Source: slateafrique
L`Afrique, à dix mille lieux de la crise
Pour les Africains qui sont éternellement en crise, «cabri mort n’a pas peur de couteau» pour reprendre un adage ivoirien. Ce n’est point une crise de plus qui changera grand-chose à la situation des Africains déjà largement précaire dans l’ensemble. Pour eux, le pire n’est pas à venir. Le cri du désespoir est sorti depuis fort longtemps: «s’en fout la mort», comme on dit ici sous nos cieux. Si les Africains observent avec une impuissance certaine les tribulations de la monnaie européenne et les conséquences de la crise, leurs dirigeants le sont beaucoup moins. Car ils sont plus préoccupés non pas par les conditions de vie à venir de leurs concitoyens mais par la survie de leur régime face à cette perspective. Sait-on jamais? Après les révolutions arabes, il ne faut jamais dire jamais.
Les Européens, avec la France et l’Allemagne dans le wagon de tête, en bons conducteurs, se démènent comme de beaux diables pour maîtriser la locomotive en furie. Avec maintes concertations, des budgets maniés et remaniés, des sacrifices chaque jour imposés aux citoyens européens, l’Union européenne tente vaille que vaille de freiner la locomotive dans sa folle course vers l’abîme.
Au lieu de se résigner et de prier Dieu pour que le malheur n’arrive point, les Africains pourraient bien aussi prendre des initiatives afin d’éviter le pire, voire d’en tirer des leçons avantageuses pour l’après-crise. Tant qu’à amortir le choc, il faut déjà s’y préparer. Ce n’est pas les domaines dans lesquelles il est possible d’engager des actions qui manquent.
Réduire le train de vie de l`Etat
Le président béninois, Boni Yayi, qui voulait supprimer depuis quelque temps les primes et autres avantages aux fonctionnaires de l’Etat n’a pas eu meilleure occasion. Il a suffi d’un communiqué laconique:
«Sur instructions du président de la République, chef de l’Etat, chef du gouvernement, il vous est demandé de faire procéder, dès à présent, à la suspension du paiement des accessoires de salaire (primes et indemnités) dans les sociétés et offices d’Etat sous votre tutelle en attendant de nouvelles mesures à prendre par le gouvernement. En conséquence, seuls les salaires seront payés aux employés et agents relevant de ces structures. Des contrôles seront effectués par les organes compétents pour vérifier la mise en œuvre effective des présentes prescriptions».
Cette mesure ne réjouit évidemment pas les fonctionnaires béninois, loin s’en faut. Mais elle réduit tout de même les dépenses de l’Etat. Seulement voilà: là où le bât blesse, c’est que le gouvernement Boni Yayi ne dit pas ce qu’il fait pour réduire le train de vie de l’Etat et des personnalités politiques dont on sait que leurs salaires contrastent avec le niveau de vie général. Ce qui risque fort de donner raison aux syndicalistes avec lesquels il avait déjà maille à partir. Car les mesures d’austérité ne sauraient concerner seulement que les fonctionnaires.
C’est un secret de polichinelle que les personnalités politiques sont généralement les mieux lotis en Afrique. La politique est ainsi le plus grand et le plus généreux employeur des sociétés africaines. Tant et si bien que ceux qui ont bien compris l’avantage à en tirer n’hésitent pas à abandonner leurs professions pour faire carrière en politique.
«Pour vivre mieux, il faut faire la politique, sinon c’est elle qui va vous faire», argue-t-on souvent en Afrique.
Pour faire des économies budgétaires, les citoyens africains ne demandent pas forcément à leurs chefs d’Etat d’avoir l’ingéniosité ou le courage politique de l’ancien président du Burkina Faso, Thomas Sankara. Lequel, en son temps, avait notamment fait remplacer les Mercedes par des Renault 4 en guise de voitures de fonction, contraint les dirigeants à voyager en classe économique et réduit de façon drastique les dépenses de l’Etat. Mais en se voulant modeste, à la hauteur de leurs moyens, il est tout aussi possible de faire des économies en choisissant des voitures moins coûteuses facile à entretenir, en évitant des dépenses somptuaires ou de vivre au-dessus de ses moyens...
Aussi paradoxal que cela puisse paraître pour des pays qui se disent pauvres ou en développement, ils ont cette propension à distribuer aux directeurs et autres chefs de services des véhicules qu’ils utilisent à longueur de journée en dehors même des missions officielles et de l’exercice de leurs fonctions. Au lieu de cela, il serait tout aussi plus judicieux de leur faire acheter leurs véhicules de service. Ce qui indéniablement les obligerait à mieux les utiliser et les entretenir. Avec une panoplie de mesures de ce genre, les Etats africains pourraient certainement faire de grandes économies afin de compenser leurs énormes déficits budgétaires.
Vers une économie formelle?
Si les Africains veulent réellement sortir de leur sous-développement, la crise économique actuelle est certainement une occasion d’en poser les jalons. L’Afrique ne saurait en effet continuer indéfiniment sa fuite en avant par rapport aux grandes questions sociétales qui se posent désormais à elle. Entre une société traditionnelle de l`économie informelle et une société moderne de l`économie formelle, il n’y a plus de place à l’hésitation dans le contexte mondial actuel. Un choix doit être fait quant à l’avenir. Quel qu’il en soit, il ne règlera certes pas tous les problèmes économiques, tant qu’ils ne privilégieront pas la production des biens à celle de l’offre des services et à l’exploitation des ressources naturelles qui sont épuisables.
Dans la plupart des pays du continent, beaucoup de secteurs économiques souffrent d’une absence cruelle de législation et d’organisation qui entraînent des manques à gagner considérables pour les Etats. Ce n’est un secret pour personne: les opérateurs économiques qui s’évertuent à être en règle sont malheureusement trop souvent ceux qui sont les plus pénalisés. Ce qui encourage l’informel et plombe la fiscalité. Sans compter que parfois, c’est la fiscalité même qui plombe l’entreprise privée et prive l’Etat de recettes. Beaucoup de textes et lois se révèlent être alors des ornements juridiques plutôt que des arsenaux juridiques. Dans ce registre, on peut citer la loi sur la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cédéao). Adoptée depuis plusieurs décennies, c’est curieusement quand les citoyens de la Cédéao ont leur titre de voyage en règle qu’ils sont malmenés aux frontières terrestres des pays membres, contrairement à ceux qui voyagent sans document et qui payent leur passage. Le Nigeria est champion en cela. Si bien qu’on dit souvent qu’il vaut mieux ne pas présenter de titre de voyage quand on passe sa frontière.
Un impôt sur les revenus
Dans plusieurs secteurs comme le foncier, l’immobilier, les transports, le tourisme, l’agriculture et autres services, des réformes structurelles bien pensées sont susceptibles d’apporter une certaine embellie aux économies nationales. Pourvu que les législateurs n’adoptent pas des lois pour la forme, tout juste bonnes pour les tiroirs des administrations et que les économies continuent à fonctionner de manière plus ou moins souterraine. Là où les pays africains pourraient aussi agir pour non seulement renflouer les caisses de leurs Etats, mais également lutter contre la corruption, c’est avec un impôt sur les revenus de leurs concitoyens. L’Afrique est certes pauvre, mais il y a une minorité de gens qui sont riches, parfois même plus riches que leurs Etats, sans que les activités qu’ils mènent ne justifient cependant leur fortune, pour la plupart. Ce serait déjà une source de recettes pour les Etats si on commençait déjà par leur faire payer un impôt. En y ajoutant la classe moyenne de plus en plus importante, il y a bel et bien de quoi boucher des trous dans des budgets.
Comme on peut s’en rendre compte, nombre de pays africains économiquement malades peuvent bien encore procéder à leur automédication. Avec un peu de rigueur et de discipline, ils pourraient ainsi régler un grand nombre de leurs problèmes économiques. Malheureusement, ils ne connaissent pas la maxime qui dit: «mieux vaut prévenir que guérir». Ils attendent toujours d’être exsangues pour que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international viennent à leur chevet avec ses potions magiques. Sans se soucier du fait que les effets indésirables des médicaments des institutions de Bretton Woods seront incalculables pour les générations futures.
Source: slateafrique