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Économie Publié le mardi 3 janvier 2012 | Nord-Sud

Filière agro-industrielle/ San Pedro : le palmier à huile reconquiert les planteurs

De plus en plus de paysans s’intéressent à nouveau au palmier à huile. Les prix sont bons et la spéculation ne cesse de monter en puissance.


Franck Ayani, chargé de communication de la Société internationale de plantations et de finance en Côte d‘Ivoire (Sipefci), spécialisée dans la production et la commercialisation de l’huile de palme brute, pour la consommation locale, est formel : « de nos jours, les planteurs préfèrent s’orienter vers le palmier contrairement aux autres produits de rente. Bientôt, nous aurons de grandes plantations vers Issia, Saioua ».  Il n’est pas seul dans la cité portuaire à le penser. Kouamé Koffi, technicien agricole à la retraite, à la Société d’hévéa de Grand-Béréby (Sogb), planteur d’hévéa reconverti dans le palmier, le croit égale­ment. « J’ai des plantations d’hévéas. Mais aujourd’hui, je m’oriente vers le palmier à huile. Je fais un peu plus de palmier parce que c’est plus rentable depuis les dernières réformes effectuées dans la filière», explique-t-il. Dans le district du Bas-Sassandra, les planteurs de cacaoyers ou d’hévéas préfèrent aujourd’hui s’ouvrir à la culture du palmier à huile. Diverses raisons les poussent vers cette «plante- miracle», selon l’expression d’Ayani. Ainsi que l’a déjà évoqué M. Kouamé, la première raison est la rentabilité du produit.

A l’heure de la diversification

«Je peux, plaisante le vieux planteur, consommer moi-même les graines comme sauce ou les vendre sur le marché local au cas où l’industriel refusait de les acheter. Si le plant vieillit, je peux aussi faire du bandji (vin de palme : boisson locale) pour le vendre. Le litre est de 200 Fcfa». Et d’interroger : «est-ce qu’on mange l’hévéa ? Je peux faire de l’huile rouge avec le palmier pour ma consommation. Si on n’achète pas mon caoutchouc, je fais quoi ?». A la vérité, selon le vieil expert, avec le palmier, un planteur villageois gagne un revenu intéressant et régulier sur une longue période. En effet, le palmier produit toute l’année, 12 mois sur 12, sur 25 à 35 ans contrairement au café, au cacao ou à l’hévéa. Alors que le cacao est soumis à deux traites l’an, l’hévéa est, quant à lui, fonction de la pluviométrie. En saison pluvieuse, les saignées sont abondantes tandis qu’en saison sèche, elles se raréfient pour aller jusqu’à l’assèchement.  Les palmeraies sont donc une source d’emplois et de revenus stables par rapport aux produits précités. Le plus intéressant, fait remarquer Bakary Diallo qui a des plantations à Grabo, est qu’en ce moment «les usines paient les régimes au comptant. La tonne à ce jour fait entre 60.000 et 70.000 Fcfa sur le marché. Or, sur un hectare (ha), tu peux avoir plus de 10 tonnes l’an». Selon Franck Ayani, le palmier est l’une des plantes oléagineuses qui produisent le plus au monde sur une petite surface. Pour une quantité donnée d’huile, il faut 5 à 10 fois de surface en plus pour des plantes comme l’arachide, le coton, le soja, le tournesol ou le colza. Au dire du producteur, en cette fin d’année, la tonne varie entre 57.000 et 62.000 Fcfa. Pour le responsable en charge de la communication de la Sipefci, les planteurs s’orientent aussi vers les palmistes car ils estiment que, contrairement à l’hévéa ou au cacao qui recommande beaucoup d’espace et d’efforts, le palmier est moins encombrant. M. Ayani confie qu’un ha de 140 pieds peut produire au bout de trois ans contrairement à l’hévéa qui produit à partir de la 7ème année. Avec 600.000 Fcfa, l’on peut entretenir un hectare de palmiers sur des ans. Quand on sait que la moitié de ces 600.000 Fcfa est constituée en réalité de la main-d’œuvre, se convainc-il, car avec 300.000 Fcfa, il est possible de cultiver un hectare de palmiers sur 3 ans. Il arrive aussi que les agro-industriels viennent en aide aux planteurs villageois. Et au bout de 5 ans, l’investissement est amorti. «L’activité d’entretien n’est pas pénible et ne nécessite pas de gros moyens financiers», argumente le spécialiste.  A la différence de l’hévéa, confirment les planteurs, le palmier peut être associé à d’autres cultures jusqu’à la 3ème année. Au-delà, l’on peut pratiquer l’élevage de bovins dans les palmeraies. Ce qui a aussi pour avantage d’entretenir les champs.

La demande en croissance

En outre, les producteurs se ruent vers cette spéculation en ce sens que les agro-industriels comme la Société d’hévéa de Grand-Béréby (Sogb), la Sipefci ou la Société des palmistes de Côte d’Ivoire (Palmci) leur facilitent la tâche. Un planteur villageois se réjouit du fait que les sociétés de plantations fournissent aux paysans les plants, les engrais et même l’encadrement technique. Par ailleurs, elles leur offrent aussi des infrastructures socio-éducatives tels des écoles, des centres de santé, et leur apportent l’électricité et l’eau. C’est dans ce cadre que la Sipefci a remis 40 millions de Fcfa de kits scolaires aux enfants des planteurs de palmiers. En fait, rapporte un agent de la Sogb, «c’est parce que les demandes au plan international sont fortes, que les sociétés de plantations sont obligées de recourir aux plantations villageoises pour honorer leurs engagements». Selon des études réalisées par le Centre international pour la recherche agronomique et le développement (Cirad), c’est environ 36.500 planteurs villageois qui exploitent leurs propres terres et fournissent 2/3 des régimes transformés.  La Côte d’Ivoi­re compte à ce jour environ 200.000 hectares de palmier à huile dont 50.000 hectares appartenant à des industriels. La Sipefci, selon son responsable de la communication, exploite 23.700 ha de plantations villageoises réparties entre les mains de plus de 5.000 planteurs et 12.700 ha propres. En 2010, cette société a traité 226.000 tonnes de régimes dont 135.000 tonnes issues des plantations villageoises. Le Cirad estime entre 250.000 et 800.000 tonnes la production ivoirienne actuelle d’huile de palmistes. «La Sogb, à l’origine, a été créée pour la culture de l’hévéa. Si aujourd’hui, elle produit des palmistes, dans le cadre de la diversification de ses activités et a ouvert un terminal huilier au port de San Pedro (Thsp), c’est dire que l’huile de palme rapporte», soutient Dosso M., habitant de la cité portuaire. En fait, selon les opérateurs économiques et industriels, la demande en huile dans l’espace de l’Union économique et mo­nétaire ouest-africaine (Uemoa) est de 150.000 tonnes l’an. Et, de 800.000 tonnes dans l’espace de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao).  Cette forte demande au plan régional ajoutée au coût réduit de la production encourage les usiniers. Comme leurs productions sont insuffisantes, ils accordent des prix attractifs aux planteurs villageois. Un agent chimique dans l’une des industries de la place explique que «l’huile de palme est extraite du fruit par pression sans recours à des additifs chimiques». En outre, divers déchets issus du processus d’extraction sont recyclés en énergie au sein des unités industrielles, pendant que d’autres fertilisent les pépinières et les plantations. Ce sont ces fertilisants remis gracieusement aux planteurs villageois qui les incitent vers la culture. Selon ce chimiste, «chaque hectare adulte de palmiers transforme annuellement 44 tonnes de gaz carbonique (CO2) en biomasse». Ceci a pour avantage de protéger l’environnement.

Allah Kouamé à San Pedro
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