Mauvais temps pour les auteurs et commanditaires des assassinats et exécutions extrajudiciaires. Depuis lundi dernier, le juge français Patrick Ramaèl est dans la capitale ivoirienne. Il n’y est pas pour admirer le nouveau visage d’Abidjan, fait de rues rendues propres, de jeux de lumière et autres artifices dont la capitale a bien voulu se parer pour entrer en triomphe dans la nouvelle année. Il y est pour enquêter sur d’une part, l’enlèvement le 16 avril 2004 du journaliste franco-canadien Guy-André Kiefer, alors qu`il enquêtait sur des malversations dans la filière café-cacao. Et d’autre part, sur le rapt de Xavier Ghelber, un avocat français en mission d`audit sur la même filière pour le compte de l`Union européenne. Ce dernier avait été, lui aussi enlevé par des hommes en armes le 7 novembre de la même année à l`hôtel Ivoire. Cet autre déplacement du juge, le second du genre après celui de novembre de l’année dernière, va sans nul doute porter ses fruits. Aucun acte ne pouvant venir obstruer la manifestation de la vérité. D’autant plus que les précédentes missions du juge Ramaël s’étaient heurtées à la volonté bien manifeste des anciens hommes du pouvoir de lui cacher les faits ou de l’empêcher d’avoir accès à certaines sources d’information. Et comme un malheur ne vient jamais seul, le Commissaire du gouvernement, Ange Bernard Régis Kessy Kouamé a décidé de faire éclater la vérité sur d’autres assassinats et non des moindres; à savoir celui du Capitaine Dosso, ancien aide de camp d’Alassane Ouattara alors président du RDR, en 2002. Celui-ci avait été froidement abattu par des hommes de Gbagbo aux toutes premières heures de l’éclatement de la rébellion le 19 septembre 2002. Et comment? Ayant appris que la résidence de son patron était en train d’être pillée et incendiée par des militaires, le bon soldat qu’il est, s’est rendu sur les lieux pour, au nom de la solidarité de corps qui devait pourtant prévaloir, raisonner les auteurs des actes de pillage. Il a été abattu sur le champ. Et depuis, aucune enquête n’a été menée pour savoir ce qui s’est passé. C’est à juste titre d’ailleurs que le procureur militaire a été instruit pour ouvrir des enquêtes non seulement sur le cas du capitaine Dosso, mais sur tous les crimes qui ont été commis depuis l’ex-rébellion. Ainsi l’on saura qui a tué Benoît Dakoury-Tabley. En effet, le 7 novembre, alors qu’il était en pleine consultation dans sa clinique située à Cocody-Angré, Benoît Dakoury-Tabley est interpellé. Le même soir, à l’annonce de son arrestation, une source de la présidence ivoirienne reconnait et affirme qu’il était «détenu dans un camp de gendarmerie à Abidjan» pour les raisons d’une enquête. Le lendemain 8 novembre au petit matin, son corps mutilé et criblé de plusieurs balles est retrouvé au bord d’une route de la périphérie d’Abidjan. Le 2 février 2003, le comédien Camarah Yéréfé, plus connu sous le pseudonyme de ‘’H’’, est retrouvé mort dans les alentours de la casse d’Adjamé. L’on note aussi les assassinats d’Emile Téhé, ex-président du Mouvement populaire ivoirien (MPI) en 2002, Hervé Pama Coulibaly enlevé au cimetière de Williamsville et tué par la suite. Les auteurs présumés de ces assassinats massifs que la presse a attribués aux «escadrons de la mort», ces tueurs sans visage, courent toujours. Cependant, une enquête de l’ONU a été plus claire. Elle a révélé que les tueurs présumés étaient dans l’entourage de l’ex- couple présidentiel et avancé même des noms. Puis, plus rien. Avec l’ouverture des enquêtes par le parquet militaire, il va sans dire que la vérité ne tardera pas à être connue mais aussi que les auteurs et les commanditaires présumés seront rattrapés par leurs crimes. S’ils ne le sont d’ailleurs déjà pas.
Yves-M. ABIET
Yves-M. ABIET
