Il est vrai que lorsqu’on prend le pouvoir dans les conditions dans lesquelles le RDR a accédé au pouvoir, on est tenté de jouer les solistes dans la gestion d’un pouvoir aussi chèrement acquis. Cependant, il faut savoir garder raison. Car, c’est l’erreur qu’il faut éviter de commettre. Le long parcours du RDR vers le pouvoir, jalonné de sacrifices, doit au contraire l’amener à garder les pieds sur terre. Ce parcours, loin d’être un parcours du combat, doit être plutôt appréhendé comme un parcours initiatique qui invite à bannir tout sentiment et attitude d’orgueil. Si le chemin a été aussi long pour arriver au pouvoir, c’est certainement parce que le Créateur voulait enseigner au RDR et à ses dirigeants la patience, première étape dans la quête de l’humilité et de la sagesse. Si le FPI a été surpris par le pouvoir, ce n’est pas le cas pour le RDR. En ce sens que le Parti du docteur Alassane Ouattara est passé par toutes les étapes pour y arriver. Le docteur Alassane Ouattara, lui-même, à l’instar des grands hommes à qui le Tout-puissant prépare à un grand destin, a souffert le martyre pour être là où il est aujourd’hui. L’accession au pouvoir ne doit donc être perçue par les dirigeants actuels comme une fin en soi ou être vu comme une occasion de prendre une revanche sur la vie ou sur un camp. On ne doit entendre dans le camp des Républicains : « c’est maintenant à notre tour ». Comme on l’a attendu en 2000 dans le camp du FPI. Car la suite d’un tel discours, on la connait. Lorsqu’on est mu par un tel esprit, on ne peut que se trouver dans la situation dans laquelle le parti de Laurent Gbagbo se trouve actuellement. La tentation, aujourd’hui, est de chercher à récupérer tous les pans du pouvoir, sans tenir compte du fait que le RHDP (RDR, PDCI, UDPCI et MFA associés) n’a obtenu que 54,9% des suffrages à la dernière élection présidentielle. Il ne s’agit pas de denier au RDR toute légitimité. Loin s’en faut. Mais, il s’agit de lui rappeler que l’exercice du pouvoir se faire en tenant compte aussi des aspirations de la minorité, voire de ses alliés. C’est la raison pour laquelle il est important de renouer le fil du dialogue avec l’opposition. Certes, la tâche n’est pas aisée, eu égard à la propension du FPI à verser dans la surenchère et la mauvaise foi. Malgré tout, il faut discuter avec l’autre camp. Histoire de préserver le consensus républicain. Car il ne faut pas l’oublier, l’absence de dialogue fait toujours le lit des extrémistes. Et comme on n’est jamais suffisamment fort pour être toujours le plus fort, on ne perd rien à négocier avec son adversaire pour en faire, rien que ce peu, un partenaire. Lao Tseu disait : « Parle-moi, je t’écouterai sans doute. Ordonne, j’exécuterai peut-être. Mais implique-moi, je te suivrai certainement ». Il ne faudrait donc pas se laisser griser par le pouvoir au point de perdre le sens de toute réalité. L’exemple du FPI est encore frais dans les esprits pour rappeler à tout le monde que trop de suffisance conduit nécessaire à des erreurs d’appréciation. « L’orgueil précède la chute. Mais l’humilité, la gloire », déclarent les Saintes Ecritures. Il est vrai qu’en politique, on ne fait pas la passe à l’adversaire. Mais il est aussi vrai que la politique, comme aimait à le répéter le président Félix Houphouët-Boigny, est la saine appréciation des réalités du moment. Et les réalités du moment est qu’au RDR, on n’est pas en ce moment assez fort pour se passer. Les dernières élections législatives sont là pour l’attester. Certes, la majorité absolue à l’hémicycle est acquise. Mais, les conditions dans lesquelles elle a été acquise, montrent qu’il faut gouverner en tenant de l’opposition et même de ses alliés comme le PDCI-RDA. Le RDR, il est vrai, doit gérer son pouvoir chèrement acquis dans le sang de ses martyrs. Mais le RDR ne doit pas oublier qu’il n’est pas seul. Au risque de s’isoler, voire se fragiliser. Le danger serait de passer pour un parti sectaire et régionaliste. Car, il faut le rappeler pour ceux qui ont tendance à l’oublier, que la Côte d’Ivoire a toujours fonctionné sur un modèle que le père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne, le président Félix Houphouët-Boigny, à léguer aux Ivoiriens : associer tous les fils et les filles de la Côte d’Ivoire, quelles que soient leurs régions et leurs religions, à la gestion de la «Res Publica» (la chose publique). Certains appellent cela de géopolitique, tandis d’autres parlent de gestion intelligente de toutes les forces vives de la Nation. Dès son accession au pouvoir, le chef de l’Etat a fait de grands efforts dans ce sens. Cependant, beaucoup rester encore à faire. Dans le camp du FPI aujourd’hui, certains dirigeants appellent au dialogue républicain. Il est temps de les prendre au mot. C’est tout le monde qui y gagnerait. La parenthèse malheureuse du FPI a suffisamment montré qu’on ne dirige pas la Côte d’Ivoire en ayant en esprit qu’on peut se passer des autres. A bon entendeur…
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly