x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le samedi 7 janvier 2012 | Le Patriote

Reportage/ Une semaine après les affrontements de Sikensi : La paix revient, mais des efforts restent à faire

© Le Patriote
Crise post-électorale : Les supporters pro-Alassane brûlent des pneus dans les rues
Après la pluie, le beau temps. Sikensi reprend goût à la vie après les affrontements meurtriers qui ont opposé la semaine dernier les populations autochtones aux allogènes et aux FRCI. Le Patriote est retourné sur le théâtre des violences interethniques qui ont secoué cette bourgade, pendant le week-end de la Noël. Notre reportage.
Katadji, localité située dans la commune de Sikensi, au niveau de l’usine Adam Afrique. Deux taxis brousse nous accueillent. Plus loin, c’est un groupe d’élèves en provenance du Lycée de Sikensi que nous rencontrons. Les machines de l’usine tournent et laissent entendre leur ronronnement. La gare routière située à l’entrée de la vile grouille de monde.

Sur les bancs, les passagers attendent d’embarquer dans un car pour Abidjan. «Depuis les évènements, c’est aujourd’hui que je vais sur Abidjan», raconte Mlle Ange K. Juste à quelques mètres, les taxis-ville et taxis-brousse attendent des clients. Plus loin, soit au rond-point de la ville, chacun vaque à ses occupations. Ici, le portail de l’hôtel qui faisait office de QG des FRCI est hermétiquement clos. «Ils sont partis depuis le lundi 26 décembre dernier», indique une jeune vendeuse de fruits. Notre progression nous conduit jusqu’au centre-ville. De part et d’autre, certains magasins sont ouverts, quand d’autres restent encore fermés ou portent encore les stigmates des affrontements. «Mon voisin a fait l’objet de pillage. Son magasin est donc resté fermé pour le moment», nous renseigne sous le couvert de l’anonymat un commerçant. Du centre-ville jusqu’à la gendarmerie, située à l’autre bout de la ville, commerces, banques, maquis et bars ouverts offrent leur service aux clients. Situé au quartier Sikensi A, « Sikensi Gasoil », le bar par lequel le scandale est arrivé, est également ouvert. Les tables sont occupées par des jeunes garçons et filles à peine sortis de la puberté. «On n’a même ouvert le 31», témoigne l’une des employées des lieux. Au quartier Sikensi B, assis par groupe de 3, 4 ou 6 de jeunes Abidji, entre deux gorgées de bandji blanc, commentent les évènements douloureux. «Dieu merci, nous sommes tous en train d’oublier ce qui nous est arrivé. Je pense qu’avec le temps, les choses vont rentrer dans l’ordre», indique N’Guessan P, l’un des jeunes rencontrés sur les lieux. Contiguë à cet espace, la préfecture de la ville. Le préfet Yéo Oumar et le personnel sont à la tâche. Le locataire des lieux qui nous reçoit ne cache pas sa joie de voir la paix revenir. «La paix est de retour. La preuve, le commerce, le transport ont repris, les banques ont ouvert. En un mot, toutes les activités économiques ont repris», indique-t-il. Toutefois, précise-t-il, il reste à consolider cette paix.

De la consolidation de la paix

Pour y arriver, en plus des efforts entrepris par le préfet, il faut noter l’implication des chefs traditionnels, des religieux, mais surtout des jeunes. «Nous nous sommes rendus à l’évidence que la gestion de la crise dépassaient les adultes. Nous avons décidé d’impliquer les jeunes, principaux acteurs de cette crise», précise le préfet. Selon lui, sans leur implication, on en serait encore à courir après la paix. Dirigé par Pascal N’Guessan de Bécédi, le comité de médiation, selon son président, composé de deux personnes de Sikensi A, un de Sikensi B, deux Malinké, dont un de Katadji, s’est mis à la tâche. «J’avais vraiment peur de conduire la médiation. Les tensions étaient encore vives au moment où nous entamions nos rencontres. Par exemple, il a fallu une seconde réunion pour ramener les jeunes de Sikensi B à la raison », se souvient-il. Avant d’ajouter : «Au quartier Dioulabougou où on avait commencé, je tremblais presque sur mes jambes avant de prendre la parole. Mais j’ai eu confiance, lorsque dans le déroulement de ma pensée, les jeunes qui étaient en nombre important ont commencé à m’applaudir». A l’occasion, N’Guessan Pascal dit avoir rappelé l’histoire des conditions de vie entre les deux comités. « J’ai rappelé que les premiers Malinké, les membres de la famille Diaby sont arrivés ici en 1917 », a-t-il expliqué. Depuis près d’un siècle, nous vivons, insiste-t-il, en harmonie. «Dans les deux camps, personne ne comprend pourquoi l’autre l’a attaqué», poursuit-il. C’est pourquoi, les deux camps ont décidé d’enterrer la hache de guerre. Pour consacrer ce retour à la paix, la place publique de Sikensi B a servi, selon Aboh Faustin, maire de la ville de lieu pour une libation spéciale, faite par la famille Agbénu devant tous les chefs du peuple Abidji. Une libation pour dire que tout est fini. De leur côté, la communauté malinké n’est pas restée les bras croisés. Au domicile du doyen Mandjou Touré, les réunions de sensibilisation se multiplient de jour comme de nuit. A notre passage, justement sous le coup de 16h, se tenait une réunion. Faisant office de porte-parole, l’imam central de Sikensi, Diaby Moustapha s’est réjoui du retour à la paix. «Nous avons apaisé la tension entre les jeunes gens. Nous avons fait beaucoup de médiation. Et la paix est revenue», précise-t-il. Avant de terminer en ces termes : « Comme nos autres interlocuteurs, lui également dit être en train de travailler pour la consolidation de la paix. Il y a longtemps que nous vivons en symbiose ici. Ce qui est arrivé est une parenthèse qu’il faut très vite refermer ». Malgré cette bonne volonté, quelques obstacles restent, cependant, à franchir pour le retour définitif de la paix.

Le cas du marché, du cimetière et des plantations

En premier, il faudra que le marché central retrouve son ambiance d’antan. Lieu de brassage des peuples, le marché central de Sikensi est pour l’instant aux mains des Malinkés et autres allogènes. Les autres vendeurs se sont retirés dans leur quartier. Un marché est actuellement tenu à Sikensi A et un autre à Sikensi B. Selon le préfet, très bientôt cette situation deviendra normale. «Nous n’avons pas encore parlé aux femmes. Je pense que, dès qu’elles seront sensibilisées, elles retourneront au marché», soutien Yeo Oumar. A côté du marché, il y le problème du cimetière municipal et des plantations qui restent en suspens. Selon le maire, des interdictions ont été faites aux Malinké d’ensevelir leurs corps et d’aller au champ. Pour ce qui est de l’ensevelissement, le maire indique que le sol ayant été profané, il faut une cérémonie de purification avant tout ensevelissement. Une cérémonie qui devrait être faite ce jeudi, selon le préfet et le maire. Pour ce qui est d’interdire les allogènes d’aller au champ, il s’agit toujours selon le maire, d’une décision sécuritaire. «La paix est encore fragile et nous pensons que des esprits malins pouvaient dans un camp comme l’autre commettre des forfaits qui pourraient porter un coup au processus de paix», soutient-il. L’autre souci majeur reste la gestion des rumeurs. Tapis dans l’ombre, des fauteurs de troubles qui voudraient voir la crise perdurer ne manquent pas d’occasion pour colporter des rumeurs, déplore le préfet. Chaque jour qui passe, ils annoncent la découverte d’un cadavre ou un plan du camp adverse visant à attaquer l’autre.

Fort heureusement, la raison est en train de gagner les Abidji et Malinké qui vivent en symbiose depuis plusieurs années.

Thiery Latt
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ