Le Centre national de recherche agronomique (Cnra) redonne espoir aux paysans de la région du Moyen Cavally et de l’ouest montagneux. Ses nouvelles variétés culturales offrent de bonnes perspectives au monde rural.
Albert Yéo vit une retraite dorée. Ce planteur d’hévéa dans le département de Guiglo touche plus de 3 millions de Fcfa par mois. Marié et père d’une dizaine d’enfants dont la moitié dans les grandes écoles et universités d’Abidjan, M. Yéo est aujourd’hui à l’abri des difficultés financières malgré ses lourdes charges familiales. Cet ancien ouvrier agricole du Centre national de recherche agronomique (Cnra) à la station de Zro-Troya, non loin de Guiglo, est propriétaire de 33 hectares de caoutchouc. Il possède 8 camions de ramassage de produits agricoles, une résidence et divers autres biens. A côté de lui, Anderson Taha, propriétaire de 4 hectares d’hévéa, dit être à l’abri des problèmes financiers.
Ces nouveaux riches !
«Depuis que mon champ a commencé à saigner, je suis devenu financièrement autonome. Avec mes trois femmes et mes huit enfants, nous vivons à l’aise. Chaque fin de mois, je me rends à Guiglo pour faire des opérations bancaires en vue de satisfaire les besoins de ma famille. En outre, il faut dire que mon salaire d’ouvrier agricole au Cnra m’est d’un grand apport», se réjouit le jeune planteur. Visiblement heureux sur sa grosse moto. Le bonheur se lit également sur le visage d’André Oulaï. Ce vigoureux planteur d’environ 40 ans est appelé par ses collègues, «le bourgeois». Pour illustrer justement son impressionnante réussite dans la production du caoutchouc. «M. Oulaï a tout eu dans l’hévéa. Il va au champ à bord d’une Mercedes. Et, il est en train de construire un château dans sa ville natale (Guiglo). Il est également propriétaire de plusieurs camions», révèle un chef de village qui a requis l’anonymat. Tout comme ces planteurs, ils se comptent désormais par dizaine ces personnes devenues riches en pratiquant la culture d’hévéa dans la région. Le maître d’œuvre de la réussite de ces différents projets n’est autre que le Cnra à travers sa trouvaille dénommée champs-écoles. A travers cette initiative, cette structure forme les paysans aux nouvelles méthodes et techniques agricoles. Une fois cette formation terminée, ces nouvelles compétences sont utilisées dans les grandes plantations appartenant au centre. En réalité, tout est parti en 1989 où il a été décidé d’expérimenter un projet hévéicole dans la région. Ceux qui y ont cru, vivent aujourd’hui pour la plupart dans l’opulence. Une visite à la station du centre de recherche à Zro permet à l’équipe de reportage de mieux découvrir cette grande richesse qu’est le caoutchouc. Pour y arriver, il va falloir parcourir au moins 40 kilomètres de pistes poussiéreuses sur l’axe Guiglo-Taï. Là, les visiteurs débouchent sur une vaste plantation d’hévéa de 390 hectares. L’une des particularités de ces champs, ce sont les nouvelles variétés de cultures qui y sont expérimentées. «Nous disposons, ici, de 900 hectares de parcelles mises à notre disposition depuis 1971. Des individus ont tenté de faire des intrusions sur nos parcelles. Ce qui nous a amenés à créer des champs-écoles. C’est le cas des plantations d’hévéa, résultat des meilleurs clones dont nous disposons », explique Jules Kéli Zagbahi, directeur régional du Cnra. Il s’agit, selon lui, de l’Irca 41, de l’Irca 230, de Pb 217 et 260. (Irca : Institut de recherche sur le caoutchouc / Pb : Prangue bezard). «Ces variétés produisent beaucoup et résistent aux maladies qu’on connaît aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Ces clones produisent deux à trois tonnes de caoutchouc sec par hectare et par an», précise-t-il. C’est ainsi que dans le Moyen-Cavally, une centaine de personnes a été formée au métier de pépiniériste, de greffeur et de saigneur.
La diversification en difficulté
Les villages riverains de la station ont gracieusement reçu chacun 30 hectares d’hévéa. Toutes ces actions ont permis de réduire la pauvreté chez certains jeunes en proie à l’oisiveté. Pascal Koui est pépiniériste. En plus de son salaire d’ouvrier, il parvient à arrondir ses fins de mois avec la vente de pépinières. «Je vends le plant d’hévéa à 200 Fcfa. Et pour un hectare, il faut 600 pieds. Ce qui me fait un gain total de 120.000 Fcfa par hectare de pépinières vendues», révèle-t-il. L’ambition du Cnra est de diversifier les cultures avec la promotion d’autres nouvelles variétés. Objectif : offrir de nombreuses opportunités de revenus aux masses rurales. Outre l’hévéa, le centre a mis en œuvre le cacao Mercédès, à haut rendement et qui produit à partir de 18 mois avec deux à trois tonnes par hectare et par saison. Hormis les cultures pérennes, il y a aussi le vivrier. Et le Cnra qui dispose de 6 hectares de champs semenciers à Man et à Touba, tente tant bien que mal de promouvoir le riz irrigué en vue d’assurer l’autosuffisance alimentaire. Mais en réalité, l’action du centre se trouve être contrarié par l’occupation de la quasi-totalité des parcelles pour la culture d’hévéa. Certains planteurs vont jusqu’à détruire les plantations de café pour les remplacer par l’hévéa. Or, les chercheurs conseillent plutôt la diversification des cultures et non la substitution. Pour le directeur régional, «le planteur de cacao disposant d’au moins un hectare de cacaoyers touche entre 1 et 1,5 million de Fcfa par saison. Celui qui a au moins un hectare d’hévéa peut se permettre de se comporter comme un fonctionnaire». L’hévéaculture constitue, aujourd’hui, une source de revenu véritable dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Les spéculations vont bon train. L’engouement suscité par cette nouvelle culture n’altère en rien les conditions d’achat dont le prix varie entre 600 et 750 Fcfa le kilogramme. La demande demeure forte par apport à l’offre. De quoi satisfaire les producteurs dont le nombre ne cesse de s’accroître au fil des mois et des années. Il faut aussi relever que l’hévéaculture a un impact environnemental positif. Etant un arbre, l’hévéa facilite le recyclage de l’eau. Quand l’arbre vieillit, il peut être utilisé dans la fabrication des meubles ou du charbon de bois. Ses fruits peuvent être valorisés dans le cadre de la mise en place des pépinières, la fabrication d’huile ou de savon. C’est donc un arbre utile, conclut le directeur régional.
Kindo Ousseny envoyé spécial dans le Moyen Cavally
Albert Yéo vit une retraite dorée. Ce planteur d’hévéa dans le département de Guiglo touche plus de 3 millions de Fcfa par mois. Marié et père d’une dizaine d’enfants dont la moitié dans les grandes écoles et universités d’Abidjan, M. Yéo est aujourd’hui à l’abri des difficultés financières malgré ses lourdes charges familiales. Cet ancien ouvrier agricole du Centre national de recherche agronomique (Cnra) à la station de Zro-Troya, non loin de Guiglo, est propriétaire de 33 hectares de caoutchouc. Il possède 8 camions de ramassage de produits agricoles, une résidence et divers autres biens. A côté de lui, Anderson Taha, propriétaire de 4 hectares d’hévéa, dit être à l’abri des problèmes financiers.
Ces nouveaux riches !
«Depuis que mon champ a commencé à saigner, je suis devenu financièrement autonome. Avec mes trois femmes et mes huit enfants, nous vivons à l’aise. Chaque fin de mois, je me rends à Guiglo pour faire des opérations bancaires en vue de satisfaire les besoins de ma famille. En outre, il faut dire que mon salaire d’ouvrier agricole au Cnra m’est d’un grand apport», se réjouit le jeune planteur. Visiblement heureux sur sa grosse moto. Le bonheur se lit également sur le visage d’André Oulaï. Ce vigoureux planteur d’environ 40 ans est appelé par ses collègues, «le bourgeois». Pour illustrer justement son impressionnante réussite dans la production du caoutchouc. «M. Oulaï a tout eu dans l’hévéa. Il va au champ à bord d’une Mercedes. Et, il est en train de construire un château dans sa ville natale (Guiglo). Il est également propriétaire de plusieurs camions», révèle un chef de village qui a requis l’anonymat. Tout comme ces planteurs, ils se comptent désormais par dizaine ces personnes devenues riches en pratiquant la culture d’hévéa dans la région. Le maître d’œuvre de la réussite de ces différents projets n’est autre que le Cnra à travers sa trouvaille dénommée champs-écoles. A travers cette initiative, cette structure forme les paysans aux nouvelles méthodes et techniques agricoles. Une fois cette formation terminée, ces nouvelles compétences sont utilisées dans les grandes plantations appartenant au centre. En réalité, tout est parti en 1989 où il a été décidé d’expérimenter un projet hévéicole dans la région. Ceux qui y ont cru, vivent aujourd’hui pour la plupart dans l’opulence. Une visite à la station du centre de recherche à Zro permet à l’équipe de reportage de mieux découvrir cette grande richesse qu’est le caoutchouc. Pour y arriver, il va falloir parcourir au moins 40 kilomètres de pistes poussiéreuses sur l’axe Guiglo-Taï. Là, les visiteurs débouchent sur une vaste plantation d’hévéa de 390 hectares. L’une des particularités de ces champs, ce sont les nouvelles variétés de cultures qui y sont expérimentées. «Nous disposons, ici, de 900 hectares de parcelles mises à notre disposition depuis 1971. Des individus ont tenté de faire des intrusions sur nos parcelles. Ce qui nous a amenés à créer des champs-écoles. C’est le cas des plantations d’hévéa, résultat des meilleurs clones dont nous disposons », explique Jules Kéli Zagbahi, directeur régional du Cnra. Il s’agit, selon lui, de l’Irca 41, de l’Irca 230, de Pb 217 et 260. (Irca : Institut de recherche sur le caoutchouc / Pb : Prangue bezard). «Ces variétés produisent beaucoup et résistent aux maladies qu’on connaît aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Ces clones produisent deux à trois tonnes de caoutchouc sec par hectare et par an», précise-t-il. C’est ainsi que dans le Moyen-Cavally, une centaine de personnes a été formée au métier de pépiniériste, de greffeur et de saigneur.
La diversification en difficulté
Les villages riverains de la station ont gracieusement reçu chacun 30 hectares d’hévéa. Toutes ces actions ont permis de réduire la pauvreté chez certains jeunes en proie à l’oisiveté. Pascal Koui est pépiniériste. En plus de son salaire d’ouvrier, il parvient à arrondir ses fins de mois avec la vente de pépinières. «Je vends le plant d’hévéa à 200 Fcfa. Et pour un hectare, il faut 600 pieds. Ce qui me fait un gain total de 120.000 Fcfa par hectare de pépinières vendues», révèle-t-il. L’ambition du Cnra est de diversifier les cultures avec la promotion d’autres nouvelles variétés. Objectif : offrir de nombreuses opportunités de revenus aux masses rurales. Outre l’hévéa, le centre a mis en œuvre le cacao Mercédès, à haut rendement et qui produit à partir de 18 mois avec deux à trois tonnes par hectare et par saison. Hormis les cultures pérennes, il y a aussi le vivrier. Et le Cnra qui dispose de 6 hectares de champs semenciers à Man et à Touba, tente tant bien que mal de promouvoir le riz irrigué en vue d’assurer l’autosuffisance alimentaire. Mais en réalité, l’action du centre se trouve être contrarié par l’occupation de la quasi-totalité des parcelles pour la culture d’hévéa. Certains planteurs vont jusqu’à détruire les plantations de café pour les remplacer par l’hévéa. Or, les chercheurs conseillent plutôt la diversification des cultures et non la substitution. Pour le directeur régional, «le planteur de cacao disposant d’au moins un hectare de cacaoyers touche entre 1 et 1,5 million de Fcfa par saison. Celui qui a au moins un hectare d’hévéa peut se permettre de se comporter comme un fonctionnaire». L’hévéaculture constitue, aujourd’hui, une source de revenu véritable dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Les spéculations vont bon train. L’engouement suscité par cette nouvelle culture n’altère en rien les conditions d’achat dont le prix varie entre 600 et 750 Fcfa le kilogramme. La demande demeure forte par apport à l’offre. De quoi satisfaire les producteurs dont le nombre ne cesse de s’accroître au fil des mois et des années. Il faut aussi relever que l’hévéaculture a un impact environnemental positif. Etant un arbre, l’hévéa facilite le recyclage de l’eau. Quand l’arbre vieillit, il peut être utilisé dans la fabrication des meubles ou du charbon de bois. Ses fruits peuvent être valorisés dans le cadre de la mise en place des pépinières, la fabrication d’huile ou de savon. C’est donc un arbre utile, conclut le directeur régional.
Kindo Ousseny envoyé spécial dans le Moyen Cavally