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Économie Publié le jeudi 19 janvier 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Zone industrielle de Vridi / Faillite à la société DAFCI : La BNI et le Comité de gestion de la filière café-cacao indexés

Troisième plus grande société de Côte d’Ivoire après la Société ivoirienne de raffinage (SIR) et la Petroci, l’usine Dafci, située au sein de la zone industrielle de Vridi, est actuellement au bord de la faillite. Pour connaître les mobiles de cette banqueroute, l’IA a enquêté plusieurs jours dans les locaux de l’entreprise et a découvert que cette société spécialisée dans l’usinage et l’exportation du cacao a aujourd’hui plus que jamais besoin d’un énorme coup de pouce pour redémarrer ses activités. Enquête.

Etat des lieux et origine du malaise

Créée en 1946, Dafci ou ‘’Daniel, Anselme et Fils Côte d’Ivoire’’, spécialisée dans l’achat, le conditionnement et l’exportation du cacao, est à l’origine une société de famille. Elle deviendra plus tard une multinationale à travers la société Unidaf basée en France. Quand Unidaf traverse des difficultés en 1999, la société est vendue à 1 franc symbolique à Bolloré et Dafci tombe alors dans l’escarcelle du géant français dont elle deviendra une filiale à la faveur de la libéralisation de la filière café-cacao. Mais Bolloré cèdera la société à un consortium ivoirien dénommé Cofimap (Compagnie et financement des matières premières) suite à la crise militaro-politique de septembre 2002. Un consortium composé de la Bni (Banque nationale d’investissement : 32%), du Fonds de régulation de la filière café-cacao (FRC : 46%) et du Fonds de garantie de la filière (Fgcc : 22%). «Le Fonds de gestion avait un intérêt à être dans le capital parce qu’il finançait les coopératives et donc par ricochet, Dafci devait être en mesure de faire rentrer l’argent du Fgcc à travers les coopératives. ‘’En tout cas, pour nous employés, quand on a vu le consortium, on s’est dit que les problèmes de la société étaient réglés», témoigne un employé. Pourtant en 2009, le Fgcc va demander à se faire désintéresser compte tenu des difficultés rencontrées à la suite des chamboulements qu’il y a eus dans la filière. La Bni prend alors la part du capital appartenant au Fgcc et porte sa part à 54%.

De 3 actionnaires au départ, il n’en restera plus que 2 :

La Bni avec 54% et le FRC qui disparaîtra plus tard au profit du Comité de gestion de la filière café-cacao et dont le pourcentage d’actions est demeuré à 46%. Société anonyme avec Conseil d’Administration au capital de 2 613 590 000 Francs CFA, Dafci était jusqu’en 2004 la 3ème plus grande société de Côte d’Ivoire après la Sir (Société ivoirienne de raffinage) et la Petroci. L’usine de Vridi, d’une superficie de 23 000 m2, a été construite pour faire 150 000 tonnes par an. Pour faire face à ses engagements et faire du volume, la société va créer des établissements à San-Pedro (celui de San-Pedro est bâti sur une surface d’environ 27 000 m2), Duékoué, Man, Oumé, Adzopé, etc. Dans ses périodes de vaches grasses, le taux d’usinage et d’exportation du cacao par Dafci peut atteindre 120 000 à 160 000 tonnes de cacao par an. Ce qui faisait de la société le leader dans le milieu du cacao avec un chiffre d’affaires d’environ 128 milliards FCFA en 2002. En 2003, le chiffre d’affaires de la société commence à chuter. C’est l’heure de la dégringolade. On relève 84 milliards FCFA sur le compteur cette année et 36 milliards FCFA en 2004. Le départ du Groupe Bolloré se fait fortement ressentir et l’entreprise peine à se maintenir. «Nous n’avons pas pu travailler lors de la campagne principale de 2004 quand Bolloré a cédé la société. Donc on n’a pas pu faire de volume», tente d’expliquer notre informateur. Mais les déboires de la société ne s’arrêteront pas. Les ennuis de Dafci vont s’empirer en 2008 et la société finit par faire des pertes énormes sur le marché à terme. On évalue les pertes à plus de 2 milliards FCFA. «Quand une société fait des pertes et que celles-ci cumulées dépassent le double du capital, il est tout à fait normal que le Commissaire aux comptes demande aux administrateurs de se réunir et de décider à poursuivre les activités. Les administrateurs n’ont pas pu se réunir pour le faire. A cause de ce fait, la société n’a pas pu obtenir d’agrément pour être exportatrice de café-cacao alors que c’est le Comité de gestion qui est l’un de nos actionnaires qui octroie l’agrément à travers l’Arcc (Autorité de régulation des coopératives du café-cacao) dissoute par le Président Alassane Ouattara en octobre dernier», déplore-t-il. Dans le même temps, la Bni, actionnaire majoritaire de Dafci avec 54%, décide de ne plus y injecter de l’argent. Faute de financement, la société ne fait actuellement que de l’usinage pour tiers et se trouve parfois obligée de faire la courbette à certains de ses clients pour avoir encore quelques créances. Il s’agit aujourd’hui d’une usine surendettée avec près de 10 milliards FCFA de dettes dont 9 milliards appartenant à la Bni.


Dafci : une société malade de son actionnariat ?

L’actionnariat quasi-étatique de Dafci constitue pour la société un handicap majeur. La Bni, structure de l’Etat de Côte d’Ivoire, est actionnaire majoritaire à 54% quand le Comité de gestion qui est la structure étatique chargée de gérer la filière, détient lui aussi 46% de Dafci. Et pourtant, la société semble ne plus être au centre des priorités de ses actionnaires. «Alors que dans les textes du Commerce en Côte d’Ivoire, une banque ne peut pas être actionnaire dans une société commerciale à plus de 25%, la Bni détient 54% des parts de Dafci. Ce qui fait que Dafci est handicapée par son actionnariat. D’un côté, le Comité de gestion de la filière café-cacao et de l’autre, la Bni. Donc aucune banque ne veut financer une société détenue en majorité par une autre banque concurrente. Une société comme Dafci est obligée de lever des capitaux pour pouvoir faire des achats et pourtant elle a une banque derrière elle. Il est donc difficile que les autres banques veuillent lui donner de l’argent. Donc on ne peut pas faire du volume. Or la société a des charges fixes à honorer. Le Comité de gestion, en tant qu’arbitre, ne peut pas être juge et partie. Voilà nos difficultés», explique notre interlocuteur. Le problème de Dafci est d’abord financier certes, mais est aussi et surtout d’ordre organisationnel. C’est que, depuis un moment, l’entreprise n’a plus d’interlocuteur. Pis, elle est l’une des rares sociétés qui fonctionne actuellement sans Conseil d’Administration véritable alors qu’elle est régie par les règles de l’Ohada (Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires). «Pourquoi depuis que M. Amoukou Eugène n’est plus Dg de la Bni, il est difficile de réunir un Conseil d’Administration pour le remplacer et composer un nouveau Conseil afin de statuer sur l’avenir de la société ? Il faut que les propriétaires de Dafci (Bni et Comité de gestion de la filière café-cacao) désignent parmi eux leurs représentants. En ce moment-là, il y a un interlocuteur et s’il y a d’éventuels acquéreurs, ceux-là peuvent discuter avec les nouveaux représentants», souhaite notre informateur. En fait, le Directeur général adjoint de la Bni est d’office le Président du Conseil d’Administration (PCA) de Dafci. Cela est une façon pour l’actionnaire majoritaire de montrer l’intérêt qu’il avait pour Dafci. Le premier PCA, lorsque la société est tombée entre les mains de Cofimap, était Georges Armand Akobé. Le deuxième, Amonkou Ossey Eugène, est devenu Directeur général de la Bni après la démission lors de la crise postélectorale du PDG Victor Nembelessini. Mais sa régence sera de courte durée puisque limogé dès la prise du pouvoir par le président Alassane Ouattara et remplacé par Kassi N’Da, alors Directeur des affaires financières (DAF) qui assure l’intérim actuelle de la Direction générale de la BNI. Tuo Touré, alors Directeur de la Trésorerie, est aujourd’hui le Directeur général adjoint de la Bni. Conformément à la tradition, c’est Tuo Touré qui devait être le Pca actuel de Dafci mais jusque-là, aucun acte n’a encore été pris pour que M. Touré soit d’abord administrateur de Dafci avant d’être Pca par la suite. En outre, le Comité de gestion de la filière café-cacao dont les dirigeants ont aussi changé, peine toujours à désigner ses nouveaux représentants au Conseil d’Administration de Dafci. «La société est actuellement dans une situation où les gens qui sont officiellement les administrateurs ne sont plus représentatifs puisqu’ils ne représentent plus les structures actionnaires. M. Amonkou Eugène n’étant plus à la Bni ne peut plus valablement la représenter dans la société et se prévaloir du titre de Pca. C’est pareil pour Léa Claudine Yapobi qui n’est plus au Comité de gestion», a révélé une source proche du dossier. De 4 administrateurs normalement, il ne reste actuellement plus que 2, à savoir Tanoh Kouamé Léa pour le compte de la Bni et Khourat Koffi Eric pour le Comité de gestion. N’atteignant donc pas le quorum, ces derniers ne peuvent pas valablement se réunir et décider de la vie de la société. D’où l’appel de cet autre employé: «Il urge aujourd’hui que la Bni et le Comité de gestion se réunissent afin de désigner leurs nouveaux représentants à Dafci. C’est en ce moment que le quorum sera atteint et les administrateurs pourront se réunir et décider du nouveau président du Conseil d’Administration. Et puisque les actionnaires sont dans une logique de vente de Dafci, c’est le nouveau PCA qui sera habilité à signer les actes de cession de la société. Sans ça, Dafci risque de mourir de sa plus belle mort et avec elle, plus d’une centaine d’emplois se trouveront menacés actuellement», a-t-il averti.


10 milliards FCFA de pertes par an pour l’Etat

Au regard des infrastructures dont elle dispose, des emplois qu’elle offre et des ressources qu’elle rapporte à l’Etat de Côte d’Ivoire, Dafci ne mérite pas de mourir. C’est l’une des rares sociétés avec Sifcacoop qui opère dans le milieu du café-cacao et qui appartient exclusivement aux Ivoiriens. Toutes les autres sociétés étant soit des intérêts suisses ou français, soit des intérêts américains. «C’est la seule structure qui a l’expérience, les infrastructures, les matériels et les ressources humaines nécessaires pour compétir avec les multinationales», soutient notre informateur. Sur 30 000 tonnes de cacao vendues à l’extérieur du pays, c’est au minimum 6 600 000 000 FCFA que l’Etat de Côte d’Ivoire reçoit par an de la part de Dafci en termes de Dus (Droit unique de sortie) dont le taux s’élevait à l’époque à 220 FCFA. A cela s’ajoutent les taxes d’enregistrement, les impôts sur salaires (IPS), les droits versés à la CNPS (Caisse nationale de prévoyance sociale), etc. Le tout mis ensemble donnait un bon pactole d’environ 10 milliards FCFA par an à l’Etat. «Aujourd’hui, ce n’est plus rentable pour une société de faire ce que nous faisons (conditionnement et exportation). Toutes les grandes sociétés sont en train de passer à la phase de broyage du cacao. Cela fait partie des projets initiaux de la Dafci. Mais faute d’investissements, la société est obligée de faire du surplace», se désole l’employé. A la question de savoir que faut-il actuellement pour sauver Dafci, notre interlocuteur répond qu’il faille principalement de l’argent et surtout une bonne organisation. Par ailleurs, propose-t-il également, il faut que ceux qui n’ont pas pour métier le cacao, ‘’quittent’’ le secteur. «Il en est de même pour ceux qui jouent le rôle d’arbitres. Si les démembrements de l’Etat (allusion faite aux 2 principaux actionnaires) ne peuvent pas gérer une société comme Dafci, il faut que des nationaux qui se connaissent dans le commerce puissent prendre les devants de cette société. Il faut des acquéreurs capables de restructurer la société et de passer à une phase de transformation du cacao. Si on réussit à faire cela, la Dafci va rebondir», soutient notre interlocuteur. Pour qui, il est important que le président Alassane Ouattara puisse accorder une attention particulière au dossier Dafci. « La BNI ne peut pas injecter de l’argent qui peut faire le capital de 5 banques; perdre ça et ne pas être inquiète… c’est tout de même l’argent de l’Etat. Nous appelons le Président Alassane Ouattara à se pencher sur cette situation et il faut faire savoir aux gens que lorsqu’on les a mandatés pour représenter l’Etat dans une structure, ces derniers doivent la représenter effectivement et correctement. Le président de la République ne peut pas aller chaque fois à la recherche de financements pour la Côte d’Ivoire tandis qu’il y a des personnes qui sabotent son travail. Il est allé chercher 82 milliards la dernière fois à Bruxelles alors que la société Dafci seule peut faire tourner ici même (NDLR : en Côte d’Ivoire) 90 à 100 milliards FCFA pendant la campagne du cacao», confie-t-il. Sollicitée à plusieurs reprises pour avoir sa réaction sur la question, la BNI, actionnaire majoritaire de Dafci, n’a jamais pu nous recevoir, prétextant chaque fois que la situation ne se prête pas pour un rendez-vous avec la Direction générale de la banque. Les colonnes de l’IA restent, cependant, toujours ouvertes à la Banque nationale d’investissement.

Enquête réalisée par David Yala
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