L’on se souvient de la «colère» apparente du président de la République au lendemain des tueries de Vavoua les 17 et 18 décembre 2011, lors desquelles cinq personnes avaient été massacrées par l’armée régulière créée par ordonnance par M. Ouattara, plus connue sous l’acronyme FRCI (forces républicaines de Côte d’Ivoire).
Le lendemain, à grand renfort de tapage médiatique, Alassane Ouattara avait exprimé son dégoût face aux dérives et exactions commises par ses soldats et convoqué une réunion d’urgence à l’issue de laquelle le ministre délégué à la Défense, monsieur Paul Koffi Koffi, avait annoncé les mesures suivantes : «Poursuite judiciaire à l’encontre de ces 7 éléments. Retour immédiat des anciens Chefs d’unité dans leurs bases d’origine pour procéder à l’encadrement et au désarmement de leurs éléments, avant d’éventuels regroupements. Création d’une Police militaire pour procéder sous 48 heures à l’inspection et à la traque dans les rues d’éléments incontrôlés et de tous véhicules et motos estampillés Frci inconnus dans les fichiers du parc automobile de l’Armée afin que ces voitures et motos ne circulent plus.» Selon le ministre délégué à la Défense, le président de la République a exigé, au cours de la rencontre, «la tolérance zéro» en matière d’inconduite vis-à-vis de la discipline militaire. En tout état de cause, le Chef de l'Etat «fortement écœuré par ce qui vient de se passer », a enjoint tous les Chefs militaires et les différents ministres en charge de la défense et de la sécurité, de prendre toutes leurs responsabilités «afin que de tels actes ne se reproduisent plus.» Quel n’est donc pas notre ahurissement d’entendre, exactement deux mois après ces tragiques incidents et quelques jours après un énième dérapage des FRCI ayant à nouveau causé mort d’hommes, cette fois à Arrah, dans l’Est du pays, la communication suivante de monsieur Bruno Koné, porte-parole du Gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres du 15 février 2012 : «Les Frci, c’est l’armée régulière de Côte d’Ivoire. Il est important que notre armée soit respectée. L’armée représente la souveraineté du peuple ivoirien. Il n’y a pas de raison que ce soit les populations qui décident ou pas d’avoir l’armée sur un territoire. Nous sommes tous à un âge où nous avons vu les Fanci et les Fds. Je crois qu’il faut qu’on revienne au principe de base du civisme. C'est-à-dire le respect de nos institutions. Dans le respect des institutions, il y a le respect de l’armée. L’armée de Côte d’Ivoire a eu à mener des opérations de sécurité publique tout simplement parce que la police et la gendarmerie n’étaient plus opérationnelles. Il a fallu attendre plusieurs mois avant que les commissariats ne soient regarnis et il a aussi fallu attendre plusieurs mois avant que les policiers ne soient dotés d’armes et de munitions. Pendant ce temps, les militaires ont eu à les suppléer. A partir du moment où nous sommes arrivés progressivement à une situation normale, il leur a été demandé de se retirer de ces activités pour que la police et la gendarmerie prennent le relais. Mais cela n’est pas fait partout, d’une part. D’autre part, même si la police et la gendarmerie sont de retour, rien n’interdit que les militaires soient apportés en renfort à tel ou tel endroit. C’est une décision du commandement militaire. (…) Quand on parle de cantonnement, j’ai l’impression que pour les Ivoiriens cela veut dire qu’il faut que les militaires disparaissent du paysage. (…) Les Frci, c’est plusieurs milliers de personnes. Donc il peut arriver qu’un élément des Frci ait un problème avec un élément civil, cela peut arriver partout, il peut y avoir des cas d’indiscipline, il peut y avoir des agressions contre les uns et contre les Frci. Mais de grâce, ne transformons pas tout en conflit ethnique ou intercommunautaire. S’il y a des erreurs de la part des Frci, ils peuvent être sanctionnés par leur hiérarchie.» La différence de réaction de Ouattara viendrait-elle du fait que les victimes de Vavoua étaient Malinké et celles d’Arrah pas ? Ceci serait cohérent avec les paroles qu’il a prononcées lors d’une interview accordée en janvier 2012 à l’hebdomadaire français L’Express, revendiquant fièrement son statut de président des vainqueurs, président des nordistes, président des musulmans, président de 40% des Ivoiriens, en mission de rattrapage ethnique. En effet, interrogé au sujet de la nomination de nordistes aux postes clefs, Alassane Ouattara avait répondu en toute sérénité : «Il s'agit d'un simple rattrapage. Sous Gbagbo, les communautés du Nord, soit 40 % de la population, étaient exclues des postes de responsabilité.» Le souffle coupé par tant d’esprit de haine et revanche habitant celui qui est de censé travailler d’arrache-pied à la réconciliation d’une nation qu’il a fortement et constamment contribué à diviser, il convient de conclure sur cet extrait du rapport N°83 de l'organisation non gouvernementale International Crisis Group (ICG), publié la veille des tueries de Vavoua le 16 décembre 2011 et qui est plus que jamais d’actualité : «Les principales menaces sécuritaires qui pèsent sur le régime actuel ne proviennent plus des pro-Gbagbo, qui ne disposent pas des moyens militaires nécessaires à un coup de force, mais de l’appareil de sécurité issu du conflit postélectoral. Le président n’a qu’un très faible contrôle sur une armée dont il est formellement le chef suprême. (...) L’état actuel de l’appareil de défense et de sécurité implique, pour son régime et pour le pays, une série de menaces à court terme mais aussi à moyen terme.» Ce rapport ajoutait : «La hiérarchie militaire n’est pas toujours respectée au sein d’un appareil de sécurité qui est traversé par plusieurs chaînes de commandement.» Ainsi donc, Alassane Ouattara exige que les Ivoiriens respectent une «institution» par laquelle lui-même n’arrive pas à se faire respecter… On aura décidément tout vu et tout entendu sur les bords de la lagune Ebrié.
Mamadou Koulibaly
Le lendemain, à grand renfort de tapage médiatique, Alassane Ouattara avait exprimé son dégoût face aux dérives et exactions commises par ses soldats et convoqué une réunion d’urgence à l’issue de laquelle le ministre délégué à la Défense, monsieur Paul Koffi Koffi, avait annoncé les mesures suivantes : «Poursuite judiciaire à l’encontre de ces 7 éléments. Retour immédiat des anciens Chefs d’unité dans leurs bases d’origine pour procéder à l’encadrement et au désarmement de leurs éléments, avant d’éventuels regroupements. Création d’une Police militaire pour procéder sous 48 heures à l’inspection et à la traque dans les rues d’éléments incontrôlés et de tous véhicules et motos estampillés Frci inconnus dans les fichiers du parc automobile de l’Armée afin que ces voitures et motos ne circulent plus.» Selon le ministre délégué à la Défense, le président de la République a exigé, au cours de la rencontre, «la tolérance zéro» en matière d’inconduite vis-à-vis de la discipline militaire. En tout état de cause, le Chef de l'Etat «fortement écœuré par ce qui vient de se passer », a enjoint tous les Chefs militaires et les différents ministres en charge de la défense et de la sécurité, de prendre toutes leurs responsabilités «afin que de tels actes ne se reproduisent plus.» Quel n’est donc pas notre ahurissement d’entendre, exactement deux mois après ces tragiques incidents et quelques jours après un énième dérapage des FRCI ayant à nouveau causé mort d’hommes, cette fois à Arrah, dans l’Est du pays, la communication suivante de monsieur Bruno Koné, porte-parole du Gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres du 15 février 2012 : «Les Frci, c’est l’armée régulière de Côte d’Ivoire. Il est important que notre armée soit respectée. L’armée représente la souveraineté du peuple ivoirien. Il n’y a pas de raison que ce soit les populations qui décident ou pas d’avoir l’armée sur un territoire. Nous sommes tous à un âge où nous avons vu les Fanci et les Fds. Je crois qu’il faut qu’on revienne au principe de base du civisme. C'est-à-dire le respect de nos institutions. Dans le respect des institutions, il y a le respect de l’armée. L’armée de Côte d’Ivoire a eu à mener des opérations de sécurité publique tout simplement parce que la police et la gendarmerie n’étaient plus opérationnelles. Il a fallu attendre plusieurs mois avant que les commissariats ne soient regarnis et il a aussi fallu attendre plusieurs mois avant que les policiers ne soient dotés d’armes et de munitions. Pendant ce temps, les militaires ont eu à les suppléer. A partir du moment où nous sommes arrivés progressivement à une situation normale, il leur a été demandé de se retirer de ces activités pour que la police et la gendarmerie prennent le relais. Mais cela n’est pas fait partout, d’une part. D’autre part, même si la police et la gendarmerie sont de retour, rien n’interdit que les militaires soient apportés en renfort à tel ou tel endroit. C’est une décision du commandement militaire. (…) Quand on parle de cantonnement, j’ai l’impression que pour les Ivoiriens cela veut dire qu’il faut que les militaires disparaissent du paysage. (…) Les Frci, c’est plusieurs milliers de personnes. Donc il peut arriver qu’un élément des Frci ait un problème avec un élément civil, cela peut arriver partout, il peut y avoir des cas d’indiscipline, il peut y avoir des agressions contre les uns et contre les Frci. Mais de grâce, ne transformons pas tout en conflit ethnique ou intercommunautaire. S’il y a des erreurs de la part des Frci, ils peuvent être sanctionnés par leur hiérarchie.» La différence de réaction de Ouattara viendrait-elle du fait que les victimes de Vavoua étaient Malinké et celles d’Arrah pas ? Ceci serait cohérent avec les paroles qu’il a prononcées lors d’une interview accordée en janvier 2012 à l’hebdomadaire français L’Express, revendiquant fièrement son statut de président des vainqueurs, président des nordistes, président des musulmans, président de 40% des Ivoiriens, en mission de rattrapage ethnique. En effet, interrogé au sujet de la nomination de nordistes aux postes clefs, Alassane Ouattara avait répondu en toute sérénité : «Il s'agit d'un simple rattrapage. Sous Gbagbo, les communautés du Nord, soit 40 % de la population, étaient exclues des postes de responsabilité.» Le souffle coupé par tant d’esprit de haine et revanche habitant celui qui est de censé travailler d’arrache-pied à la réconciliation d’une nation qu’il a fortement et constamment contribué à diviser, il convient de conclure sur cet extrait du rapport N°83 de l'organisation non gouvernementale International Crisis Group (ICG), publié la veille des tueries de Vavoua le 16 décembre 2011 et qui est plus que jamais d’actualité : «Les principales menaces sécuritaires qui pèsent sur le régime actuel ne proviennent plus des pro-Gbagbo, qui ne disposent pas des moyens militaires nécessaires à un coup de force, mais de l’appareil de sécurité issu du conflit postélectoral. Le président n’a qu’un très faible contrôle sur une armée dont il est formellement le chef suprême. (...) L’état actuel de l’appareil de défense et de sécurité implique, pour son régime et pour le pays, une série de menaces à court terme mais aussi à moyen terme.» Ce rapport ajoutait : «La hiérarchie militaire n’est pas toujours respectée au sein d’un appareil de sécurité qui est traversé par plusieurs chaînes de commandement.» Ainsi donc, Alassane Ouattara exige que les Ivoiriens respectent une «institution» par laquelle lui-même n’arrive pas à se faire respecter… On aura décidément tout vu et tout entendu sur les bords de la lagune Ebrié.
Mamadou Koulibaly