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Politique Publié le samedi 25 février 2012 |

Grande interview / Bamba Médji (maire de Gagnoa) : " Dano Djédjé avait donné l`ordre de tuer les opposants à Gagnoa"

© Par DR
Communes: Bamba Médji, maire de Gagnoa
Photo: Bamba Médji, maire de Gagnoa
De Dignan Bailly, Capri Djédjé, Kragbé Gnagbé à Laurent Gbagbo, Gagnoa a toujours gardé sa tradition de ville d'opposants farouches. Pour exorciser cette tradition qui empêche le véritable développement de la cité du Fromager, l'actuel maire, Bamba Médji, que nous avons rencontré au cours de l'ouverture du championnat national des rallyes de Côte d'Ivoire avec le Rallye du Fromager, donne dans cette interview accordée à lebanco.net, sa recette. Mais avant, il fait l'état des lieux en matière de sports, santé, éducation, économie, politique, la crise postélectorale et la réconciliation nationale.


Monsieur Bamba Médji, vous êtes le responsable municipal de la commune de Gagnoa, nous voulons parler un peu de la vie de cette ville qui la ville natale de l'ancien chef de l'Etat, M. Laurent Gbagbo. Mais somme toute nous allons commencer par le sport qui nous a réunis ce weekend à Gagnoa, c'est-à-dire le Rallye Mairie de Gagnoa qui est devenu une tradition. Est-ce votre première expérience en matière de rallye ?

C'est vrai que le rallye de Gagnoa qui est à sa 23ème édition est une tradition, mails il faut dire que je ne suis pas à ma première expérience concernant ce rallye, puisque je suis élu municipal ici à Gagnoa depuis 1996. Donc cela fait maintenant 16 ans que je suis à la mairie de Gagnoa. Et je sais par exemple que la population de Gagnoa a adopté ce rallye. Si bien qu'à chaque édition, vous constatez un réel engouement de la population. Et ce rallye est pour nous, aujourd'hui, un facteur de rassemblement, un facteur d'union.

Alors avec les 16 ans de municipalité et sans doute d'organisation du rallye ; pouvez-vous faire une comparaison entre les éditions précédentes et la 23ème édition de 2012 ?

Il faut dire que le sport de façon générale et surtout les sports mécaniques avaient pris un coup en Côte d'Ivoire à cause de la situation sociopolitique. Donc, aujourd'hui, nous pouvons dire que nous sommes dans une phase de redémarrage. Mais après la crise, pour cette première édition, nous pouvons quand même saluer les organisateurs pour le succès et l'engouement que nous avons constatés.

Cependant, la municipalité a toujours été aux côtés des organisateurs. A quel niveau se situe la contribution de la mairie ?

Comme vous voyez sur les affiches, c'est le Rallye-mairie de Gagnoa. En fait, le maître d'oeuvre c'est la mairie. Depuis le début, nous affectons une subvention au Rallye Club de Gagnoa (RCG) pour l'organisation de cette compétition qui est une fête annuelle du sport à Gagnoa. Malheureusement pour 2011, il n'y a pas eu de subvention à cause de la crise. Mais nous nous attelons à corriger cela dans le budget primitif 2012.

Mais au-delà de l'automobile, il y avait la moto qui était en jeu.
Effectivement, les sports mécaniques ont droit de cité à Gagnoa. Les motocyclistes ont fait une compétition, il n'y a pas longtemps. De façon générale, tous les sports sont facteurs de rassemblement et d'union. Alors la municipalité, en phase avec la population, entretient cet engouement de la population envers les sports.

Alors Monsieur le maire, il y a que Gagnoa, en matière de sport, a connu de grands instants, surtout avec le Sporting Club, en football. Malheureusement ce club est depuis longtemps presqu'inexistant. Que se passe-t-il avec le Sporting ?

Bien, vous savez que le Sporting a connu des moments difficiles, parce que des gens avaient introduit certaines valeurs non sportives comme le tribalisme. Ce qui a fait que certaines personnes qui pouvaient redorer son blason au Sporting Club se sont écartées. Vous savez aussi que les bons moments du Sporting, c'était sous le mandat de Mankan Kéita. Et depuis que le vieux est parti, nous constatons un recul. Mais avec le jeune président, Diabaté, vous allez voir que, par la grâce de Dieu, nous allons accéder à la première division l'année prochaine. Il a fait un recrutement de qualité et nous sommes certains qu'il va atteindre l'objectif qui lui a été fixé par le Conseil municipal. C'est-à-dire, faire en sorte d'être parmi l'élite de Côte d'Ivoire.

Mankan Kéita est le père de Kader Kéita des Eléphants de Côte d'Ivoire. Quand vous l'avez vu au cours de cette dernière CAN, quelle impression avez-vous eu ?

Il n'a pas eu l'occasion de s'exprimer. Vous savez que c'est un garçon qui a un potentiel énorme, mais l'entraîneur avait son plan et nous n'allons pas nous substituer à lui. Cependant, nous pensons, nous ici à Gagnoa, que Kader Kéité pouvait toujours apporter le plus qui manquait à ses coéquipiers.

Parler de sport, ce n'est pas forcément le football et les sports mécaniques, il y a les autres disciplines. Est-ce qu'elles existent ici sous le Fromager ?

Sous le Fromager, nous avons par exemple les fonctionnaires qui sont organisés en club de maracana. Et l'édition nationale du championnat de maracana se déroulera cette année ici à Gagnoa au mois de mai, au collège Saint Jean. Et puis, dans nos différents établissements, il y a des clubs de Handball, de Volleyball et bien d'autres sports. Mais la mairie n'arrive pas vraiment à encadrer tous ces clubs. Mais nous pensons que si nous avons suffisamment de moyens, nous allons les encourager parce que le sport est un facteur de développement. Donc nous allons soutenir toutes les disciplines sportives pour qu'en retour, Gagnoa puisse bénéficier des retombées du sport. Parce que Gagnoa est une ville sportive. En matière de football, la meilleure équipe de football en matière de palmarès revient au Sporting de Gagnoa. Nous avons été champion de Côte d'Ivoire, nous avons remporté plusieurs fois la coupe nationale de Côte d'Ivoire. Et Gagnoa est une référence en la matière.

Monsieur le maire, nous allons aborder d'autres aspects de la ville de Gagnoa, après le sport. Parlons de la vie sociopolitique et économique. Alors, au plan social, après la crise, comment se déroule la réconciliation des populations?

Ici à Gagnoa, nous faisons l'effort de mettre en place un cadre réel et un cadre sincère de réconciliation. Depuis que je suis arrivé à la mairie, j'ai pris le soin d'aller vers les différents chefs de villages et de communautés. Je suis allé trouver les chefs de village dans leur village, je me suis présenté à eux. C'est vrai que je suis originaire du nord, mais Gagnoa c'est la Côte d'Ivoire donc je suis chez moi, mon épouse est d'ici, elle est Bété de Barouhio. Et je leur expliqué l'intérêt du "vire ensemble". Il y a comme moi, des gens dont les parents sont venus d'ailleurs et qui ont pris des femmes d'ici depuis plus de 60 ans. Avant les gens ne se posaient pas de questions. Ce qui a favorisé le brassage avec des mariages entre Bété et Baoulé, entre Dioula et Bété et leurs enfants se sont comportés sans distinction ethnique. Aujourd'hui, avec la discrimination ethnique, ça peut nous amener où réellement nous n'avons pas envie d'aller. Donc je leur expliqué ce sont des choses artificielles dont il ne faut pas tenir compte. Parce qu'en réalité, quand on prend Gagnoa, on se rend compte que les gens ont toujours vécu ensemble et vraiment dans la paix et la concorde. Les chefs de village m'ont compris. A mon bureau ici, chaque fois qu'ils viennent faire des courses en ville, ils viennent me faire leurs civilités. C'est la preuve qu'ils ont compris qu'il était nécessaire de vivre ensemble. Il est vrai qu'en toute chose, il y a des extrémistes. Mais pour la plus part, les habitants de Gagnoa sont prêts à aller à la réconciliation. Et nous ouvrons à cela.

Il y a certainement eu des moments difficiles après la crise qui a été à son paroxysme. Et vous, après l'arrestation de Laurent Gbagbo et son transfèrement à la CPI, comment l'avez-vous vécu ?

Ça a été difficile pour les populations, c'est vrai. Puisque déjà, les populations autochtones s'étaient réfugiées en brousse. Je pense qu'ils avaient reçu des mots d'ordre pour se réfugier en brousse. Et quand ils ont appris le 11 avril que le Président Laurent Gbagbo avait été arrêté, c'était la consternation. Mais après ce premier moment où on peut dire qu'ils étaient grogui, il y en a qui se sont dit que la vie ne doit pas s'arrêter là. Ils ont cherché à comprendre. Parce qu'il ne faut pas oublier que de façon générale la population Bété vivait dans une bulle. On leur faisait croire des choses qui n'étaient pas. C'est pour cela que des gens ont des difficultés à comprendre ce qu'on leur dit. Puisque les informations qu'ils avaient ne concordaient pas avec ce qu'on leur dit aujourd'hui. Donc nous essayons de leur expliquer qu'il y a eu des choses difficiles. Ils se disent victimes. Il y a un sentiment de victimisation qui a été orchestré par certains cadres de la région. Pourtant, ici à Gagnoa, il y a un jeune Baoulé qui a été cramé dont tout le monde a vu le corps calciné à la morgue du CHR. Mais nous expliquons aux populations malgré toutes les atrocités vécues, qu'il faut tourner la page et chercher à développer ensemble notre ville et notre pays.

Alors, si on s'imagine, avec la relaxe du Président Gbagbo, cela pourrait-il permettre aux uns et autres de vivre plus tranquillement ensemble, se parler et se côtoyer?

C'est une question qui me dépasse. Je suis de ceux qui pensent que tant que nous ne sortons pas de l'impunité, on ne pourra jamais avoir de justice. Ça, c'est ma conception personnelle. Maintenant, il y a des actes politiques qui peuvent être des actes salvateurs. Si c'est le cas, c'est tant mieux. Mais je dis qu'il faut que les gens prennent conscience de ce qui s'est passé réellement. Tant que chacun ne fait pas son examen de conscience au vue des faits, même si aujourd'hui, les gens sortent le président Gbagbo, ce n'est pas sûr que les populations comprennent ce qui s'est passé réellement. Je peux vous le dire, moi-même qui suis devant vous, en 2001 on a tiré sur nous et c'était le garde du corps du ministre Dano Djédjé qui lui-même avait donné l'ordre de tuer les opposants en réunion avec le pouvoir d'alors, à la préfecture de Gagnoa, après avoir fait sortir les responsables du FPI et après avoir coupé l'électricité. Ça, je le dis, ce n'est pas une accusation que je lance en l'air. Il faut donc qu'on sorte de l'impunité et vivre comme au temps d'Houphouët où il y avait des opposants dont les vies n'étaient pas aussi menacées comme sous l'ère Gbagbo.

Monsieur Médji Bamba, maire de Gagnoa, à côté du sport, du social et du politique, il y a sans doute l'économie de la cité du Fromager. Comment se porte l'économie à Gagnoa ?

Gagnoa est une cité-carrefour. Et la terre à Gagnoa est arable. Si bien qu'aujourd'hui, vous allez constater que tous les grands producteurs de café, d'hévéa et de cacao, même du vivrier sont autour de Gagnoa. Quand on enlève la quote-part de Gagnoa dans la production nationale, le reste de la production tient difficilement. Tout le problème d'ici, c'est qu'on n'arrive pas à impliquer totalement les autochtones dans ces productions. Nous sommes en train de mener des campagnes pour que, les jeunes, au lieu de paresser, rester oisif en ville, puisqu'ils sont propriétaires terriens, ils ont la terre qui la chose la plus difficile à avoir en matière d'agriculture, nous les aidons à avoir les intrants, les pépinières pour qu'ils puissent rentrer dans le processus de production nationale. C'est ce que nous essayons de faire. Et puis, en matière d'économie, vous constatez que le premier siège des super marchés SOCOCE était à Gagnoa. Le premier siège de Jean Abil Gall était aussi à Gagnoa. C'est la preuve que Gagnoa est une ville productrice de beaucoup de richesses, surtout en matière d'agriculture.

Nous allons terminer avec l'école, la santé. Comment se portent ces autres aspects de la vie à Gagnoa ?

Mais, c'est à l'image de la Côte d'Ivoire. Toutes les infrastructures dans les domaines de la santé et de l'école ont besoin de réhabilitation. Vous savez que depuis 1967, il n'y a pas eu de construction d'une nouvelle école secondaire publique à Gagnoa. Le lycée moderne de Gagnoa, c'est depuis 1967. Et quand on fait la comparaison entre 1960 et aujourd'hui, ce qu'était la population de Gagnoa et 2012, c'est le jour et la nuit. Et là, c'est le gros problème. Les classes sont extrêmement surchargées. A ce niveau donc, le gouvernement a beaucoup d'effort à faire à Gagnoa. On a construit beaucoup d'écoles primaires. Et pour aller en 6ème, nous avons un goulot d'étranglement. Il faut donc remédier à cela. Maintenant pour la santé, Gagnoa a eu une grande chance, nous avons bénéficié de la coopération chinoise qui nous a construit un grand hôpital qu'on appelle affectueusement l'hôpital chinois qui est situé dans le quartier Babré. Cet hôpital est des plus modernes en Côte d'Ivoire. Je pense que des gens viendront de partout pour faire des examens ici. L'ouverture a été faite en présence de la ministre de la Santé qui est venue ici. Donc Gagnoa est impatient de voir véritablement l'hôpital s'ouvrir aux patients, aux malades pour que toute le sous région (Soubré, San Pedro, Daloa, Man et bien d'autre villes) puisse bénéficier des soins très pointilleux qu'on pourra donner dans cet hôpital.

L'accès à Gagnoa n'est pas aussi facile. Il n'y a pas d'aéroport.

Oui mais, Gagnoa n'est pas loin d'Abidjan. Si l'Etat arrange la route depuis N'douci jusqu'à Divo, en temps normal, sans faire du rallye sur la route, en 2h30, vous êtes à Gagnoa. Cependant, nous avons un aérodrome ici. Pendant la campagne présidentielle, il y a eu des candidats qui ont atterri à l'aérodrome. Il s'agira, puisque la Côte d'Ivoire est en reconstruction, de donner un soin particulier à cet aérodrome pour que les avions puissent atterrir normalement. Mais comme Gagnoa n'est pas loin d'Abidjan, ça parait plus coûteux de venir en avion qu'en voiture. En 2H30 voire 3H, vous pouvez venir régler un problème à Gagnoa et retourner sur Abidjan. Et j'espère que le Président de la République pensera à Gagnoa, parce que cette ville représente un point très important dans le processus de réconciliation nationale. Si on réussit la réconciliation à Gagnoa, ça veut dire que tout le reste du pays va suivre ; puisque c'est la région d'origine de l'ancien Président Laurent Gbagbo. Mais en plus, Gagnoa a une tradition d'opposant. Depuis les Dignan Bailly, Capri Djédjé jusqu'à maintenant. Donc pour exorciser tout cela, Gagnoa a besoin d'un soin tout particulier de la part du pouvoir Ouattara.

Interview réalisée à Gagnoa par GUY TRESSIA
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