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Politique Publié le samedi 25 février 2012 |

Retour au passé : comment la France (socialiste) a manoeuvré en 2000 pour installer Gbagbo

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Deux célèbres avocats français, l`ancien ministre socialiste des Affaires étrangères Roland Dumas et Jacques Vergès, ont annoncé jeudi qu`ils allaient défendre le President Gbagbo
6 octobre 2000 :

Les heureux gagnants du concours "Qui peut être candidat à la présidence ?" sont … Robert Gueï, Laurent Gbagbo, Théodore Mel Eg, Nicolas Dioulo, Francis Wodié. Cherchez Ouattara. Cherchez aussi un candidat du PDCI. Bédié s’était déclaré candidat et avait, comme Ouattara, fait déposer un dossier.retenus par la Cour suprême.

Le lendemain, les Etats-Unis suspendent leur aide à la préparation des élections en raison de la décision de la Cour suprême d'exclure 14 des 19 candidats. A contrario, la France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, estime que « l'élection à venir est légale car elle est conforme à la Constitution ivoirienne ».

Tellement « légale » que la junte avait dû instaurer le couvre-feu pour annoncer le nom des heureux gagnants de cette parodie d’élection à venir.
Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, fait dire qu’il « déplore vivement les restrictions ainsi portées au libre choix des électeurs ivoiriens ».

19 octobre 2000 :
Gueï assure qu'il reconnaîtra sa défaite s'il est vaincu et remettra le pouvoir.

20 octobre 2000 :
Laurent Gbagbo prévient qu'il fera descendre ses militants dans la rue si le scrutin est truqué.

Dimanche 22 octobre 2000 :
l’élection présidentielle se déroule sans incident majeur. Le RDR et le PDCI avaient appelé au boycott.

Lundi 23 octobre 2000 :
décrété férié par Gueï. Ses partisans et ceux de Gbagbo crient victoire.

Mardi 24 octobre 2000 :
Le ministère de l'Intérieur annonce la dissolution de la Commission nationale électorale (CNE) et la victoire du général Gueï. Laurent Gbagbo se déclare "chef de l'Etat" et appelle ses militants à descendre dans la rue.
Gueï se proclame « premier président de la deuxième République » ivoirienne et décrète un couvre feu et l'état d'urgence du mardi 24 au jeudi 26. Il remercie le peuple de l’avoir élu avec ces mots : « Dans un grand élan de maturité et de solidarité, vous venez d'accomplir votre devoir de citoyens dont le résultat fait de ma modeste personne, le premier président de la deuxième République ».
Paris lui lance une sévère mise en garde. Il s’agit pour la France, de toute évidence, de mettre en scelle son poulain Laurent Gbagbo, et tant pis si l’élection ne fut qu’une mascarade. Déjà neuf morts à Abidjan parmi les manifestants qui contestent la victoire de Guei.

Mercredi 25 octobre 2000 :
La junte cède, Gbagbo passe en force.
Brève déclaration de Gbagbo à la radio et à la télévision nationales, présenté comme le « premier président de la deuxième République de Côte d'Ivoire ». Un Gbagbo qui remercie les Ivoiriens d'avoir répondu à son « appel à la résistance au coup d'Etat électoral » du général Robert Gueï.
Le chef de la garde présidentielle, le lieutenant Laurent Boka Yapi, annonce avoir demandé à ses hommes de « cesser le combat ». Le chef d'état-major de l'armée appelle les militaires à « regagner immédiatement les casernes ».
Le RDR de Ouattara qualifie « d'illégitime » cette élection et réclame un nouveau scrutin « avec la participation de tous les candidats ». C’est alors que plusieurs milliers de partisans de Ouattara commencent eux aussi à manifester dans Abidjan, dans les quartiers de Treichville, Cocody, Abobo et Marcory, scandant "ADO, président".

26 octobre 2000 :
Ouattara demande la tenue de « nouvelles élections présidentielles » vers le 27 novembre, qualifiant le scrutin de « hold-up » électoral. Des affrontements entre ses partisans et des gendarmes qui tirent des coups de feu en direction de sa résidence l’amène à se réfugier dans la résidence de l'ambassadrice d'Allemagne qui jouxte son domicile.
Pour entériner rapidement la victoire de Gbagbo, Paris demande déjà la tenue rapide d’élections législatives, considérant ainsi que la "page présidentielle" est tournée.
L’AFP titre une de ses dépêches ainsi : « L'affrontement politique vire à la guerre ethnico-religieuse »
Alors que le sort du général Gueï, dont la junte était tombée la veille, restait toujours inconnu, les rues de Côte d'Ivoire ont été le théâtre d'affrontements meurtriers entre partisans du FPI, sûrs de leur victoire, et ceux du Rassemblement des républicains (RDR), choqués de voir M. Gbagbo tirer aussi facilement les marrons du feu. Les militants du RDR entendaient demander l'organisation d'un nouveau scrutin, leur candidat ayant été exclu du dernier vote par la cour suprême, acquise à la junte.
Le président sud-africain, Thabo Mbeki avait dès mercredi fait la même requête. Il a été suivi, jeudi, par le président en exercice de l'Organisation de l'unité africain (OUA) le Togolais Gnassingbé Eyadéma, doyen des chefs d'Etat du continent.
La France, ancienne puissance coloniale, a, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, demandé l'organisation d'élections législatives, semblant se satisfaire d'une présidence attribuée à Laurent Gbagbo, membre de l'Internationale socialiste et proche du parti socialiste français qui gouverne à Paris.
Les partisans de M. Ouattara estiment que l'élection de M. Gbagbo est « illégitime », du fait de l'exclusion de leur candidat et puisqu'elle n'a été acquise qu'au prix d'un taux d'abstention de l'ordre de 65 %.
Descendus dans les rues jeudi, à Abidjan comme dans plusieurs grandes villes du pays, ils ont été la cible des militants du FPI, auxquels s'étaient ralliées les forces de gendarmerie.
Des coups de feu ont été tirés sur la résidence de M. Ouattara, dans le quartier résidentiel huppé de Cocody à Abidjan. Il a dû se réfugier chez sa voisine, l'ambassadeur d'Allemagne.
A la même heure, le conseil national islamique -CNI principale organisation représentative des musulmans de Côte d'Ivoire- faisait état d'une quinzaine de morts -par balles et par bastonnade- et de l'attaque de plusieurs mosquées à Abobo, un faubourg populaire d'Abidjan. »

Las, ce jeudi 26 octobre 2000, Gbagbo est proclamé président de la République ivoirienne par le président de la chambre constitutionnelle de la cour suprême, Tia Koné, lors d'une cérémonie au Palais présidentiel, retransmise en direct par la radio nationale. Laurent Gbagbo pourra se targuer d'avoir été "élu" avec 59,36 % des suffrages exprimés, mais les chiffres parlent d'eux-mêmes : sur 5.475.143 d'électeurs inscrits, Gbagbo n'a obtenu que 1.065.597 voix. A peine 20 % des électeurs inscrits ! Le soir, les Etats-Unis se prononcent pour de nouvelles élections : « La tenue d'élections libres, justes et générales sera nécessaire pour restaurer pleinement la légitimité du gouvernement de Côte d'Ivoire et rétablir la démocratie », déclare le porte-parole adjoint du département d'Etat, Philip Reeker.

27 octobre 2000 :
Lionel Jospin, le Premier ministre socialiste français donne l’onction. « Il y a eu une élection dans un contexte particulier puisque certains candidats ont été écartés, mais elle s'est produite et les résultats semblent montrer que celui qui l'a emporté (Gbagbo) l'a emporté largement et a recueilli une légitimité », déclare-t-il.
Fort de ce soutien majeur, Gbagbo peut alors nommer son Premier ministre, Affi NGuessan, qui était son directeur de campagne électorale.

Source Lebanco.net)
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