Le chef d’état-major général des Forces républicaines de Côte d’Ivoire ( Frci), Soumaïla Bakayoko, a perdu son équilibre dans son fauteuil, face à la montée en puissance de la délinquance militaire depuis quelques jours. Il ne se passe plus de jours sans qu’une bavure, voire une tuerie plus ou moins gratuite dans laquelle est impliquée un ou plusieurs éléments des Frci ne soit enregistrée. Le jeudi 1er mars 2012, des supplétifs des Frci se sont encore tristement illustrés, tuant 3 personnes, notamment, à Séguéla et à Abobo, dans une commune d’Abidjan. Dans le dernier cas, il s’est agi d’une tentative de racket qui a mal tourné. Les populations écœurées s’en sont pris, avec une violence inouïe, à la caserne des Frci qu’elles ont saccagée. Quatre mois après les tueries de Vavoua, qui avaient amené le chef de l’Etat, Alassane Ouattara à prendre des mesures d’urgence, avec, en point de mire, la mise sur pied d’une police militaire, la situation n’a guère évolué dans le sens de l’amélioration. Bien au contraire, les choses vont de mal en pis. Aujourd’hui, le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, chef suprême des armées et sa hiérarchie militaire sont une situation bien pénible. Le président de la République, transit de colère face aux dérives et exactions des Frci, avait convoqué une réunion d’urgence à l’issue de laquelle des chefs militaires devraient immédiatement retourner dans leurs bases d’origine pour procéder à l’encadrement et au désarmement de leurs éléments, avant d’éventuels regroupements. Il avait élégamment décidé de la création d’une Police militaire pour procéder sous 48 heures à l’inspection et à la traque dans les rues d’éléments incontrôlés et de tous véhicules et motos estampillés Frci inconnus dans les fichiers du parc automobile de l’Armée afin que ces voitures et motos ne circulent plus». Selon le ministre délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi, le président de la République avait exigé «la tolérance zéro» en matière d’inconduite vis-à-vis de la discipline militaire. Le chef de l'Etat, avait, par ailleurs, enjoint tous les chefs militaires et les différents ministres en charge de la défense et de la sécurité, de prendre toutes leurs responsabilités «afin que de tels actes ne se reproduisent plus». Ces mesures prises sur le vif, suite aux tueries de Vavoua, les 17 et 18 décembre 2012, au cours desquelles 5 personnes avaient trouver la mort, se révèlent aujourd’hui, comme de simples placebos. De fait, la tolérance « zéro » a fait place une « licence » de la délinquance militaire. Les faits d’Arrah, où il y a eu des morts sont là pour mettre en difficulté la hiérarchie militaire qui a de plus en plus du mal à faire respecter l’ordonnance du chef de l’Etat. Le regroupement sur des sites d’accueil a donné lieu, ces derniers jours, à une crise larvée entre les chefs d’unité. Ainsi, a-t-on frôlé un affrontement, en début de semaine à Yopougon Km 17. Avant-hier, jeudi à Abengourou, un gang appartenant à un élément des Frci a été démantelé. Le phénomène des coupeurs de routes a repris de plus bel, avec un réseau bien armé des éléments des Frci. S’il est vrai que quelquefois des accusations injustes ou infondées circulent sur le compte des Frci, il reste que 90% des faits portés à leurs charges sont vrais. Une situation qui met Alassane Ouattara dans une posture embarrassante et qui lui donne du tournis. La Côte d’Ivoire, après la crise post-électorale, connaît une autre tragédie, qui se nomme « Frci ». Comment mettre un holà à cette délinquance militaire ? Devant la faillite de la hiérarchie à mettre de l’ordre dans les rangs des éléments des Frci, va-t-il, comme il l’a promis « mettre de l’ordre au niveau de la hiérarchie militaire » ? D’ailleurs le rapport N°83 de l'organisation non gouvernementale International Crisis Group (ICG), publié la veille des tueries de Vavoua le 16 décembre 2011, dépeint cette triste réalité : «Les principales menaces sécuritaires qui pèsent sur le régime actuel ne proviennent plus des pro-Gbagbo, qui ne disposent pas des moyens militaires nécessaires à un coup de force, mais de l’appareil de sécurité issu du conflit postélectoral. Le président n’a qu’un très faible contrôle sur une armée dont il est formellement le chef suprême. (...) L’état actuel de l’appareil de défense et de sécurité implique, pour son régime et pour le pays, une série de menaces à court terme mais aussi à moyen terme ». Ce rapport ajoutait : « La hiérarchie militaire n’est pas toujours respectée au sein d’un appareil de sécurité qui est traversé par plusieurs chaînes de commandement ». Le chef de l’Etat devrait prendre le taureau par les cornes pour mettre au pas toutes ces brebis galeuses qui ternissent l’image de la grande muette.
Armand B. DEPEYLA
Armand B. DEPEYLA