Voilà une pièce qui tombe à pic dans cette Côte d’Ivoire qui appelle de tous ses vœux la réconciliation ! Samedi soir, pour la grande première de sa pièce « On se chamaille pour un siège », écrite par Hyacinthe Kakou, dans une mise en scène de Lucie Dagry, à la salle Christian Lattier du Palais de la culture de Treichville, la compagnie N’Zrama a plongé le public dans un contexte qui ne lui est absolument étranger. Celui des élections, avec ce tout ce que cela comporte comme tensions, crises et parfois affrontements. Dans un petit village de l’ouest de la Côte d’Ivoire, précisément en pays Dan, la vie, naguère paisible, est désormais rythmée par l’élection à la députation. Trois candidats, aux desseins divers, convoitent avec une forte envie, et aussi une ambition démesurée pour certains, le très convoité et unique siège de député de cette circonscription. D’abord, le bouillant Djinan, ancien combattant, qui pense avoir plus de droits que devoirs dans ce village. Ensuite, le très ambitieux député sortant, Boka, qui ne veut pour rien au monde lâche son fauteuil. Enfin, la jeune citadine, Tinanoh, qui ose affronter, dans une société où la phallocratie est encore de mise dans les esprits, ces deux hommes dont l’un, Djinan, n’est autre que son père. Dans une scénographie assez simpliste, juste quelques chaises, un tronc d’arbre, pour rappeler la forêt, et des feuilles de palme, pour davantage symboliser le monde rural, les trois protagonistes, dans une ambiance cocasse où l’humour titille la satire. Les discours s’entrechoquent, frisent même l’affrontement, avant de céder à l’apaisement. C’est là que réside tout l’intérêt de cette pièce. En acceptant leur défaite, Djinan et Boka, font certes preuve un esprit de fair-play, qui n’est pas toujours évident en période postélectorale, mais surtout donnent une leçon de démocratie aux hommes politiques et aux Ivoiriens, en général. Ce qu’ils veulent surtout qu’on retienne, c’est après une défaite aux élections, il y a une vie ! Ce n’est donc pas la fin du monde. Cette pièce va même plus loin, avec la scène de fin, une sorte de « happy end », où on voit les trois candidats se donnent fraternellement la main, histoire de symboliser leur union et leur réconciliation, après cette joute électorale. De toute évidence, c’est un appel à la cohésion sociale, après les terribles moments vécus par le pays, que lancent, aux Ivoiriens, les comédiens Blaise Kouadio, Gbessi Adji, Mourad Ben Ousmane, Aboudramane Gueu…qui composent la distribution de cette pièce. Si eux se chamaillent pour un siège, les Ivoiriens doivent désormais se chamailler pour la paix. On notait à cette représentation, la présence de M. Dembélé Fausseni, Directeur de cabinet du ministre de la Culture et de la Francophonie, qui a réitéré la volonté de son département de faire 2012, l’année de la culture en Côte d’Ivoire.
Y. Sangaré
Y. Sangaré