M. Donatien Robé est le président de ''Orphelins Secours'', une Ong qui milite pour l’accès pour tous aux soins. Il est également l’auteur d’un livre intitulé « Financement de la santé en Afrique : le choix de l’assurance maladie obligatoire » paru aux éditions du panthéon à Paris. Dans cet entretien, il donne sa vision de la politique de gratuité des soins en Côte d'Ivoire.
Pourquoi dans votre livre, faites vous le choix de l'assurance maladie obligatoire (AMO) pour financer la santé en Afrique?
Je fais le choix de l’assurance maladie obligatoire d’abord par opposition à l’assurance maladie volontaire introduite en Afrique à travers la micro-assurance. L’assurance volontaire a été un échec en Afrique en termes d’accessibilité aux soins. L’assurance maladie obligatoire s’oppose aussi au paiement-direct qui a appauvri les Africains et les a éloignés des centres de santé. Ensuite, partout dans le monde où l’AMO existe, la protection sociale en matière de santé est de bonne qualité. Aussi, l’AMO, avec ses mutations liées essentiellement au financement qui est désormais diversifié, associant l’impôt indirect aux cotisations sociales, pourrait convenir techniquement à la structure de l’économie africaine dominée par le secteur informel. C’est donc un choix de forme et de fond.
Justement, le secteur informel et la pauvreté ne sont-ils pas un frein à l'AMO en Afrique?
Je ne crois pas car l’assurance maladie obligatoire a évolué. Il y a aujourd’hui, en plus des cotisations sociales, des contributions par le biais de la taxe que j’appelle d’ailleurs dans mon livre « la taxe santé » qui pourrait s’appliquer sur certains produits. C'est le but de la TVA sociale qui existe dans de nombreux pays et qui permet à tous, à travers la consommation de contribuer. Concernant les pauvres, il faudra revoir les critères en ajoutant aux critères de ressources financières, ceux de l’état physique, psychique et de l’âge. Pour moi, toute personne dont l’état physique, psychique et l’âge n’empêchent pas de travailler ne devra pas être considérée comme pauvre. L’Afrique, pour avancer doit éviter tout assistanat et politique angélique. Avec cette conception, le nombre de personnes dites « pauvres » sera considérablement réduit facilitant leur prise en charge. Les autres devront payer leurs cotisations en effectuant par exemple un travail social pour l’état, les collectivités locales, des entreprises comme cela se fait dans certains pays. Nous militons pour l'accès aux soins mais dans la responsabilisation de chacun de nous.
Que pensez-vous de la gratuité ciblée des soins actuellement en cours en Côte d'Ivoire?
Notre organisation a déjà fait, par ma voix, plusieurs déclarations sur la gratuité des soins. Elle était nécessaire car les ivoiriens sortaient d’une grave crise. Mais il est temps de passer à un système contributif moderne avec des conditions que tout le monde saura. On ne pourra pas pérenniser l’accès aux soins par une politique financée essentiellement par des aides internationales. Si demain ces aides font défaut, que feront les malades? Le directeur exécutif de l’ONUSIDA, de passage en Côte d’Ivoire dénonçait le fait que 90% des malades du sida dépendent de l’aide extérieure. Il a encouragé les autorités à trouver des mécanismes internes de financement. Cette vision est non seulement vraie, mais elle est valable pour toutes les maladies. L’Etat non plus ne peut pas indéfiniment supporter cette gratuité quand on sait que d’autres charges existent. A l’annonce de la gratuité générale des soins, même si elle était nécessaire, nous doutions de son financement et redoutions le risque moral que toute gratuité engendre, les populations ayant tendance à en abuser. Tous les économistes de la santé vous le diront. L’option de la gratuité ciblée, dont le financement posera aussi problème, nous donne raison. Nous avons soutenu l’AMU parce que c’est une assurance maladie obligatoire et parce qu’elle avait un caractère contributif. Nous sommes dans notre logique.
La gratuité des soins est donc un mauvais choix pour vous?
Tant que ce choix est provisoire, il est bon. Mais si le provisoire devient définitif, ce sera un mauvais choix. Et comme aucun calendrier officiel pour la mise en œuvre de la couverture médicale universelle annoncée pour début 2012 n’est disponible, nous sommes légitimement inquiets. Cependant, j’avoue que j’ai été heureux à l’annonce de cette gratuité des soins. C’est dommage que les Ivoiriens ne retiennent que ses aspects négatifs. Probablement, cela doit être dû au fait que sa promotion ait été confiée exclusivement au ministère de la santé qui n’utilise pas des arguments liés à la politique sociale pour convaincre les Ivoiriens. Je constate que la ministre de la Santé est dynamique et volontaire mais elle n’utilise que des arguments liés à l’organisation des soins. De mon point de vue, le ministère des Affaires sociales a un rôle à jouer parce que la gratuité des soins est avant tout une politique sociale majeure.
Réalisé par Bertrand Gueu
Pourquoi dans votre livre, faites vous le choix de l'assurance maladie obligatoire (AMO) pour financer la santé en Afrique?
Je fais le choix de l’assurance maladie obligatoire d’abord par opposition à l’assurance maladie volontaire introduite en Afrique à travers la micro-assurance. L’assurance volontaire a été un échec en Afrique en termes d’accessibilité aux soins. L’assurance maladie obligatoire s’oppose aussi au paiement-direct qui a appauvri les Africains et les a éloignés des centres de santé. Ensuite, partout dans le monde où l’AMO existe, la protection sociale en matière de santé est de bonne qualité. Aussi, l’AMO, avec ses mutations liées essentiellement au financement qui est désormais diversifié, associant l’impôt indirect aux cotisations sociales, pourrait convenir techniquement à la structure de l’économie africaine dominée par le secteur informel. C’est donc un choix de forme et de fond.
Justement, le secteur informel et la pauvreté ne sont-ils pas un frein à l'AMO en Afrique?
Je ne crois pas car l’assurance maladie obligatoire a évolué. Il y a aujourd’hui, en plus des cotisations sociales, des contributions par le biais de la taxe que j’appelle d’ailleurs dans mon livre « la taxe santé » qui pourrait s’appliquer sur certains produits. C'est le but de la TVA sociale qui existe dans de nombreux pays et qui permet à tous, à travers la consommation de contribuer. Concernant les pauvres, il faudra revoir les critères en ajoutant aux critères de ressources financières, ceux de l’état physique, psychique et de l’âge. Pour moi, toute personne dont l’état physique, psychique et l’âge n’empêchent pas de travailler ne devra pas être considérée comme pauvre. L’Afrique, pour avancer doit éviter tout assistanat et politique angélique. Avec cette conception, le nombre de personnes dites « pauvres » sera considérablement réduit facilitant leur prise en charge. Les autres devront payer leurs cotisations en effectuant par exemple un travail social pour l’état, les collectivités locales, des entreprises comme cela se fait dans certains pays. Nous militons pour l'accès aux soins mais dans la responsabilisation de chacun de nous.
Que pensez-vous de la gratuité ciblée des soins actuellement en cours en Côte d'Ivoire?
Notre organisation a déjà fait, par ma voix, plusieurs déclarations sur la gratuité des soins. Elle était nécessaire car les ivoiriens sortaient d’une grave crise. Mais il est temps de passer à un système contributif moderne avec des conditions que tout le monde saura. On ne pourra pas pérenniser l’accès aux soins par une politique financée essentiellement par des aides internationales. Si demain ces aides font défaut, que feront les malades? Le directeur exécutif de l’ONUSIDA, de passage en Côte d’Ivoire dénonçait le fait que 90% des malades du sida dépendent de l’aide extérieure. Il a encouragé les autorités à trouver des mécanismes internes de financement. Cette vision est non seulement vraie, mais elle est valable pour toutes les maladies. L’Etat non plus ne peut pas indéfiniment supporter cette gratuité quand on sait que d’autres charges existent. A l’annonce de la gratuité générale des soins, même si elle était nécessaire, nous doutions de son financement et redoutions le risque moral que toute gratuité engendre, les populations ayant tendance à en abuser. Tous les économistes de la santé vous le diront. L’option de la gratuité ciblée, dont le financement posera aussi problème, nous donne raison. Nous avons soutenu l’AMU parce que c’est une assurance maladie obligatoire et parce qu’elle avait un caractère contributif. Nous sommes dans notre logique.
La gratuité des soins est donc un mauvais choix pour vous?
Tant que ce choix est provisoire, il est bon. Mais si le provisoire devient définitif, ce sera un mauvais choix. Et comme aucun calendrier officiel pour la mise en œuvre de la couverture médicale universelle annoncée pour début 2012 n’est disponible, nous sommes légitimement inquiets. Cependant, j’avoue que j’ai été heureux à l’annonce de cette gratuité des soins. C’est dommage que les Ivoiriens ne retiennent que ses aspects négatifs. Probablement, cela doit être dû au fait que sa promotion ait été confiée exclusivement au ministère de la santé qui n’utilise pas des arguments liés à la politique sociale pour convaincre les Ivoiriens. Je constate que la ministre de la Santé est dynamique et volontaire mais elle n’utilise que des arguments liés à l’organisation des soins. De mon point de vue, le ministère des Affaires sociales a un rôle à jouer parce que la gratuité des soins est avant tout une politique sociale majeure.
Réalisé par Bertrand Gueu