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Société Publié le lundi 26 mars 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Hermann Aboa, ancien présentateur de l’émission «Raison d’Etat», se confesse : ‘’Des gens veulent prouver que je suis un pyromane’’

© L’intelligent d’Abidjan Par Prisca
Médias d`Etat: RTI 1, la nouvelle télévision ivoirienne sur les ondes
Mardi 9 aout 2011. Abidjan. Maison de la télévision, à Cocody. Mise en marche du nouvel équipement acquis par l`Etat ivoirien à coups de milliards de nos francs
L’ancien présentateur vedette de l’émission télévisée « Raison d’Etat », Hermann Aboa, s’est à nouveau ouvert au ‘’Quotidien dont vous avez rêvé’’. Dans cette interview, le désormais ex-journaliste de la RTI (Radiodiffusion télévision ivoirienne) revient sur son licenciement de la ‘’maison bleue’’ de Cocody, parle de sa vie après la prison et son vœu de réaliser un jour une interview avec le président Alassane Ouattara.
Deux semaines après votre sortie de prison, vous avez été viré des effectifs de la RTI. Et cela fait aujourd’hui deux mois que ça dure. Vous attendiez-vous à une telle décision ?
En prison, je lisais dans certains journaux que j’avais été radié de l’effectif de la RTI, mais je ne pouvais pas le croire puisque l’on ne m’avait rien notifié. Je veux parler de l’administration, surtout la direction des ressources humaines. Donc dès que je suis sorti de prison le 30 décembre 2011, je me suis rendu 48 heures après à la RTI pour faire acte de présence. Aux ressources humaines, l’on m’a orienté au département chargé de la gestion du personnel. C’est là que mon interlocuteur m’a fait savoir qu’il me recontacterait après avoir fait monter ma démarche aux supérieurs hiérarchiques. Etant sans nouvelle une semaine après, mon conseil d’avocats m’a demandé de m’y rendre à nouveau pour en savoir davantage. Ce que je fis le 08 janvier 2012. Et là, tenez-vous bien, j’ai été empêché d’accès sur le site de la RTI et escorté sur la voie manu militari. Je suis donc parti et j’ai rendu compte à mon avocat. Quatre jours après, j’ai été enfin contacté et c’est ainsi que l’on m’a notifié cette décision du directeur général (NDLR : Aka Sayé Lazare) me licenciant au motif d’abandon de poste.

Les raisons évoquées pour votre licenciement vous paraissent-elles convaincantes ?
A vrai dire, je n’ai pas envie de faire de commentaires sur cette décision. Je veux juste faire remarquer avec vous qu’à la date du 29 novembre 2011, date du constat effectué par voie d’huissier, telle qu’indiquée dans la note de licenciement, j’étais bel et bien à la Maca (NDLR : Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan). Je voudrais ici profiter de vos colonnes pour éclairer l’opinion sur un élément important. Lorsque je suis revenu d’exil le 13 juin 2011, avec l’approbation du directeur général d’alors, l’aîné Brou Aka Pascal, j’avais repris le travail et je pointais présent aux conférences de rédaction jusqu’à ce que je me rende moi-même à la cellule spéciale d’enquête sur la crise postélectorale pour la procédure de dégel de mes avoirs bancaires bloqués depuis le 08 juin 2011 par décision du Procureur de la République. C’est à la suite de cela que j’ai été arrêté. Je me suis donc moi-même rendu de façon libre à la cellule spéciale. Je n’ai pas abandonné mon poste. Si j’avais voulu l’abandonner, je ne serais pas revenu d’exil pour répondre à l’appel de reprise lancé par le DG, Brou Aka Pascal. Je n’aurais pas pris autant de risques pour revenir. Beaucoup d’Ivoiriens sont encore en exil. C’est leur choix, je le respecte. Mais moi, j’ai préféré revenir. Et Dieu seul sait combien était grande la pression pour prendre cette décision. Mais je suis là et je ne regrette pas d’être revenu.

Vous avez perçu 626 000FCFA comme droits après votre licenciement, vous attendiez-vous à une telle somme?
Je trouve que c’est ridicule. La décision de mon licenciement a été prise le 12 janvier 2012. Cependant depuis fin juin 2011, mon salaire est suspendu. Au départ, l’on m’a fait croire que c’était dû au fait que mes avoirs étaient gelés. Et puis après, on m’a fait savoir que je ne peux pas percevoir des impayés. Parce qu’en fait, de juillet 2011 à janvier 2012, ce sont des impayés de salaires. Et on me tend un chèque de 626.000 FCFA en guise de mes droits. C’est tout simplement ridicule. D’ailleurs, je me suis bien renseigné auprès de mon Conseil et de juristes avant de récupérer ce chèque en attendant que la situation se règle.

Et si cette situation demeurait telle ou s’empirait?
D’abord, j’estime que la décision de mon licenciement n’a pas été inspirée par le politique. Parce qu’un politicien ne ferait pas autant d’erreur dans la procédure. Le politicien calcule tout pour ne pas que quoi que ce soit vienne entacher sa décision. En tout cas, il fait en sorte que moins d’eau coule sous le pont. Donc je ne crois pas que c’est une volonté du membre de gouvernement, encore moins du Président de la République. Je pense que les dirigeants du pays ont mieux à faire que de chercher à ce que Hermann Aboa soit licencié. Et c’est pour cela que j’ai choisi la voie de la médiation et de la conciliation pour que la situation se règle. J’ai mis en ‘’stand by’’ une saisine du tribunal du travail pour me voir payer mes droits. Donc je rencontre beaucoup de gens pour évoquer ma situation et j’espère que les autorités entendront ma voix. Les gens veulent forcément prouver aux autorités que je suis un ennemi. C’est à moi de rectifier. Je n’ai rien contre le régime du Président Ouattara comme je n’avais rien contre le régime du Président Gbagbo. Je n’étais qu’un simple agent de la RTI, journaliste, à qui étaient confiées des tâches par les supérieurs hiérarchiques, garants de l’institution, un média d’Etat.

Où en est-on présentement avec la procédure judiciaire qui vous avait conduit en prison ?
Après mon audition intervenue quelques semaines après ma sortie de prison, je suis toujours en liberté provisoire. Et je sais que le juge chargé de l’instruction du dossier travaille à la manifestation de la vérité. C’est lui seul qui peut situer sur les prochaines étapes dans la procédure judiciaire. Pour l’heure, je veux jouir de cette liberté recouvrée avec ma famille, avec mes proches et amis. Profiter aussi pour voir régulariser ma situation.

Concernant votre situation, des journaux ont fait récemment écho de ce que vous dormiez dans une église et votre famille, dans le salon d’une bonne volonté. Hermann Aboa est-il devenu un cas social au point de n’avoir plus de domicile ?
A quelques détails près, ce qu’a révélé le confrère est ma nouvelle réalité. Mais je n’aurais pas aimé que cela soit dévoilé ainsi au grand public. Mais c’est déjà fait, j’assume. C’est vrai que c’est dur car sans emploi, sans revenus, j’ai aussi ma responsabilité de père de famille à assumer. Mais comme je le dis souvent, les oiseaux du monde ne sèment ni ne moissonnent mais ne meurent pas de faim et je crois que le Dieu de Jésus-Christ que je prie, veille sur moi. Je ne manquerai de rien. Toute peine est pour moi un délice. Dieu merci, je viens à peine de rassembler à nouveau ma petite famille sous le même toit. Dieu fera en sorte que je trouve les ressources nécessaires pour les charges, le loyer, etc. Il ne m’abandonnera pas.

Est-ce que les organisations professionnelles qui ont œuvré pour votre mise en liberté continuent-elles de vous apporter leur soutien ?
Lutter pour m’obtenir la liberté, je crois que c’est l’essentiel et ces organisations ont beaucoup fait. Je veux d’ailleurs profiter de vos pages pour remercier à nouveau ces organisations. Je pense notamment à Rsf, Cpj, Cipj et toutes ces institutions et particuliers ayant œuvré à cette issue heureuse. Il faut le savoir, ces organisations sont surtout des structures de lutte pour la défense des droits et des libertés. Elles ne sont pas des organisations caritatives. Je sais que quand j’ai été arrêté en juillet 2011, Rsf m’avait alloué une bourse de 850 Euros qui ont aidé aussi aux honoraires de l’avocat ainsi qu’à la prise en charge des besoins de ma femme qui venait d’accoucher. Mais solliciter ces organisations pour des questions financières n’est pas une idée raisonnable. Je préfère m’en garder, malgré les difficultés.

Le 11 avril prochain marquera le 1er anniversaire de l’arrestation du président Laurent Gbagbo et votre départ pour l’exil. Quel souvenir gardez-vous de ces moments ?
Je préfère ne pas faire de commentaires sur cette période. Mes confidences sur cette période traversée par les Ivoiriens, je l’ai prévue dans mon livre qui sera publié à un moment donné. Pour l’heure, je préfère conseiller à tous les Ivoiriens de faire en sorte que chacun à son humble niveau, que cela n’advienne plus jamais dans ce pays.

Avez-vous des regrets?
Oui et non. Non parce que j’estime avoir fait mon travail à moi confié par les patrons. Oui parce que beaucoup de personnes m’ont pris pour un acteur de par ce rôle et aussi des Ivoiriens ont perdu la vie car la passion a pris le dessus sur la raison dans le débat ivoirien. On est d’une manière ou d’une autre tous autant que nous sommes responsables de ce qui est arrivé à notre pays.

En prison, vous aviez émis le vœu d’interviewer le Président Alassane Ouattara un jour. Ce vœu vous tient-il toujours à cœur ?
Je pense que tout journaliste rêve d’interviewer un chef d’Etat au moins une fois dans sa vie. Et croyez-moi, il y a tellement de choses à demander au Président de la République que ce serait avec un grand plaisir que j’espère que ce rêve va se réaliser. J’ai envie de lui poser une question qui pourrait paraître banale qui est celle-ci : « Craignez-vous par moments d’être victime du « syndrome Laurent Gbagbo ? ». Il me demandera certainement ce que c’est que ce syndrome avant de me donner sa réponse. C’est forcément avec joie et honneur que je le ferai si j’en ai l’occasion.

Réalisée par David Yala
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