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Politique Publié le mercredi 4 avril 2012 | Le Patriote

Un an après les événements de Duékoué: L’histoire secrète des massacres

© Le Patriote Par CICR
Affrontements inter-ethniques: la Croix-Rouge au secours des populations de Duékoué
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Croix-Rouge de Côte d`Ivoire ont soigné près de 80 personnes blessées lors de violents affrontements à Duékoué, dans l`ouest du pays, et continuent d`y assister les personnes déplacées, dont le nombre atteint environ 12 000
Avant la crise post-électorale, elle était une ville comme il en existe bien d’autres en Côte d’Ivoire. Depuis les événements de triste mémoire qui ont fait des centaines de morts, elle est devenue une cité dont le nom a dépaasé les frontières ivoiriennes. Et comment? Les affrontements dans cette boucle du cacao entre les éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire et les miliciens ivoiriens appuyés par des mercenaires libériens, les 28 et 29 mars 2011, ont fait des centaines de victimes. Qui sont les auteurs de ces tueries et massacres à grande échelle qui ont ému et continuent d’émouvoir l’opinion nationale et internationale? Notre Enquête.
Les crimes qui ont eu lieu les 28 et 29 mars de l’année dernière pour le contrôle de la ville de Duékoué, étaient prévisibles. Bien avant la crise, la ville était devenue un nid de mercenaires libériens et de miliciens ivoiriens, tous suscités financés et entretenus par des responsables locaux de l’ancien parti au pouvoir déchu, originaires de l’ouest du pays. Ces ‘’chiens de guerre’’ étaient logés chez leur chef spirituel et préparateur mystique, le vieux Banao Gabriel, un ancien combattant de l’armée française. Quant à Monpého Julien alias Colombo, il était chef du Front pour la résistance du Grand Ouest (Frgo). Pour la petite histoire, cette structure qui a fait parler d’elle dans toute la région, est un attelage de toutes les milices qui ont poussé à l’ouest comme des champignons et qui ont pour noms: l’Alliance des Patriotes Wê, (AP Wê), l’Union des patriotes pour la résistance du grand Ouest (Uprgo), le Front de libération du grand Ouest (Flgo), le Mouvement ivoirien pour la libération de l’Ouest de la Côte d’Ivoire (Miloci), les Forces Spéciales Lima (FS Lima), l’unité des Libériens. Colombo n’est pas un inconnu dans la région de l’ouest. Il était chargé de la logistique. Il s’occupait aussi de repérer les cibles à attaquer. C’est lui qui avait également pour tâche, la paie des mercenaires et autres miliciens. Ces tueurs ont vite fait parler d’eux, bien avant les affrontements des 28 et 29 avril dernier entre les soldats des FRCI et ceux restés fidèles à l’ex-régime de la Refondation pour le contrôle de la ville. Pour rappel, ils avaient brûlé plus de 100 maisons appartenant aux allogènes et allochtones du village de Niambly, situé à 5 kilomètres de commune de Duékoué, le 23 mars 2011, tuant 11 personnes au passage. Sans compter des actes de grand banditisme qu’ils commettaient au quotidien. Ils ont même tué dans cette période, le MDL Aka dit Américain de la Brigade de la gendarmerie de Duékoué, qu’ils considéraient comme un ennemi de la République. Comme on le constate, miliciens et mercenaires faisaient la pluie et le beau temps dans la ville. Et ce, avec la caution et la bénédiction des autorités d’alors qui ne lésinaient sur aucun moyen pour les payer rubis sur ongle. Devenus intouchables grâce à leurs parrains, ils régnaient en maitres incontestés et incontestables, au sens propre de l’expression, dans Duékoué.

A la recherche de ‘’Colombo’’ qui doit payer leur ‘’salaire’’…

C’est ainsi que le vendredi 25 Mars 2011, nos sources soutiennent que Colombo a reçu la somme de 30 millions de F CFA, qui devrait servir à payer les mercenaires et d’autres miliciens pour les encourager dans leurs actes. Ce dernier d’ailleurs, ne cachait pas sa joie d’avoir cette importante somme d’argent en sa possession et le faisait savoir à tout le monde. Mao Glofiéhi pour sa part, devrait rentrer le dimanche 27 mars à Guiglo avec armes et argent pour lancer miliciens et mercenaires libériens à la reconquête des zones perdues. Vu l’importance de cette cérémonie, une équipe de la RTI, aux dires de nos informateurs, a été même envoyée pour couvrir la cérémonie. Cette équipe est arrivée à Guiglo aux environs de 22 heures. Mais Mao Glofiéhi n’arrivera pas cette nuit-là. Les FRCI, dans leur progression ayant lancé l’offensive pour prendre la ville de Duékoué aux premières heures le lundi 28 mars 2011. Les libériens qui ont reçu la nouvelle selon laquelle Colombo était en possession de leur paie, résistent. Ils ne veulent en aucune manière, rater une si importante somme d’argent. Ils reçoivent même un renfort de 80 autres basés à Guiglo à 28 kilomètres de Duékoué. Quelques soldats des FDS qui croient encore en des chances de reprise de la ville, sont parmi les renforts. Appuyés de deux chars, ces ‘’chiens de guerre de Gbagbo’’, réussiront à repousser l’attaque des FRCI. Ils renforcent leur dispositif jusqu’au quartier Kokoma. Ils tuent au passage l’imam Konaté, le vieux Samassi dont l’épouse était enceinte. Avant d’être assassiné par les Libériens, celui-ci parlait guéré avec les mercenaires libériens. C’est alors qu’un milicien ivoirien, qui le connaissait bien a dit aux mercenaires que, bien que parlant guéré, l’imam n’était pas de cette région et qu’il était un ennemi. Sans autre forme de procès, il a été abattu devant sa femme par les mercenaires qui ont aussi tué un ressortissant Sénégalais. Les secondes, minutes et heures passent et les mercenaires ont toujours une emprise sur la quasi-totalité des quartiers de la ville de Duékoué. L’on assiste à une véritable scène de guerre. Plusieurs obus sont lancés en direction des quartiers considérés favorables au RHDP, tuant 13 personnes. C’est dans cette atmosphère qu’enfin, le renfort des FRCI arrive vers 14 heures. Ils mettent en déroute les mercenaires aux foulards rouges. Vu la détermination des ‘’libérateurs’’ des FDS annoncent le repli. Mais les libériens refusent de partir. Pas question pour eux de se tirer sans leur argent. Ils se replient alors dans leur base du quartier Carrefour à la recherche de Colombo qui est en possession de leur ‘’salaire’’. Guidés par des miliciens, ils réussiront à dénicher le fameux Colombo dans un petit campement derrière l’usine DAF-CI.

… Les mercenaires libériens massacrent les populations

Mais celui-ci maitrisant mieux le terrain, s’échappe à la faveur de la nuit. Les mercenaires sont désorientés. Ils reviennent sur leurs pas, précisément au Carrefour. Le mardi 29 mars matin, ils incendient la maison de Colombo et tirent dans tous les sens. Des FRCI qui pensaient être en terrain conquis tombent sous leurs balles. Ils perdent, selon un des leurs qui a accepté de nous parler sous le couvert de l‘anonymat, au moins 45 éléments. Certains mercenaires positionnés sur le pont de la rivière Guémon tuent les hommes fuyant le quartier une fois la nuit tombée. Des témoins interrogés, racontent que le massacre a été commis par des hommes parlant anglais qui ont promis tuer tout le monde si les populations ne les aident pas à retrouver Colombo. Une dame encore sous le choc, nous raconte ce qu’elle a vécu: «Ils parlaient anglais et avaient des traducteurs. Ils ont tué mon fils car celui-ci a dit ne pas connaitre Colombo. On était caché dans la maison lorsque des soldats des FRCI nous ont demandés de sortir pour partir à la mission catholique.» Ils prennent plusieurs personnes en otage, puis localisent Colombo dans les environs du village Pinhou. Les Libériens et leurs complices se retirent avec des otages. Colombo est arrêté par leur chef, le lieutenant de Bob Marley, (NDLR : en détention actuellement au Liberia, son pays), le nommé Thimoty James.

Douleur

Il est conduit vers la frontière libérienne. Les FRCI occupées à préparer l’offensive de Guiglo, découvriront le matin du 30 mars, tout comme les habitants, des corps de plusieurs dizaines de personnes dans les rues du quartier Carrefour autrefois QG des mercenaires. Ces derniers, avant leur départ, ont tué et jeté plusieurs corps dans le puits de leur QG. C’est l’horreur dans toute sa nudité. Des corps d’enfants, de jeunes, de femmes et d’hommes jonchent les rues du quartier Carrefour, présentant, du coup l’aspect lugubre d’un champ de ruine. Une vraie apocalypse. Après leur massacre et après avoir perdu le contrôle de la ville, les mercenaires se sont volatilisés, laissant les populations de Duékoué dans un cimetière à ciel ouvert. Affolées, celles-ci en larmes, cherchent parmi les centaines de tués qui un fils, qui une connaissance. Afin d’éviter tout risque de contagion, des fosses communes ont été creusées après une grande réunion à la Mission catholique entre des humanitaires et les responsables des FRCI pour débarrasser la ville des corps en putréfaction. «Les enterrements se sont déroulés en présence du père Cyprien de la Mission Catholique de Duékoué, d’un infirmier légiste et de la presse. Les corps ont été ramassés à tous les endroits de la ville pour être enterrés dans lesdites fosses communes. Personne ne peut dire qui est dans ces fosses,» témoigne un habitant, rencontré lors de notre séjour au quartier Carrefour, arrêté juste à côté d’une des fosses en plein cœur de ce quartier martyr

Yves-M. ABIET, Envoyé à Duékoué
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