«Je serai le président de tous les Ivoiriens», ne cessait de répéter le candidat Alassane Ouattara au cours de sa campagne électorale. Avril 2012, cela fait plus d’un an que le docteur Alassane Ouattara est à la tête de la Côte d’Ivoire. Lorsqu’il a pris l’effectivité du pouvoir en cette même époque, l’année dernière, le président de la République avait, pour sa première visite, choisi la région des montagnes. Mais par deux fois, la visite a été reportée. Non pas pour des raisons de sécurité, comme aiment à le dire certains. Mais pour des raisons de commodité. Ouattara avait promis de redonner à l’Ouest un visage plus humain et plus reluisant. Aujourd’hui, c’est chose quasi faite. Les machines, les tracteurs et autres pelleteuses ont pris la route de l’Ouest pour lui donner fière allure. L’ancienne région des montagnes, on le sait, a payé le plus lourd tribut à la décennie de folie qu’a traversée la Côte d’Ivoire. Non seulement les plus graves atrocités y ont été perpétrées, mais les dégâts matériels dans cette partie de la Côte d’Ivoire ont été plus grands. Du fait des pillages systématiques que les villes de Man, de Guiglo, Duékoué, Danané, Bangolo, Biankouma, Toulépleu, Bloléquin, Zouan-Houyé, pour ne citer que celles-là, ont connus. On voit encore, comme si c’était hier, les hordes de mercenaires et de miliciens venus du Liberia voisin au plus fort de la crise, s’acharner sur les édifices publics et les résidences des particuliers et tout emporter. «Pay yourself» (paie-toi, toi-même) était leur devise. Meubles, tôles, effets vestimentaires, matériels et équipements de travail constituaient leur butin de guerre. Tout était emporté au Liberia ou dans d’autres villes pour y être bradés. Si bien qu’aujourd’hui, des joyaux tels que le CAFOP et le lycée professionnel de Man n’existent que de nom. Les écoles, lycées et collèges n’ont pas été épargnés par la rapacité des chiens de guerre envoyés, malheureusement, par certains des fils de la région. Quant aux centres de santé, leurs équipements ont tout simplement disparu. Tout a été détruit et emporté. La voirie qui faisait également la fierté de cette région s’est effritée comme peau de chagrin. Le constat est aujourd’hui désolant. La région Ouest est une zone sinistrée au sens propre du terme. Une région qui a véritablement besoin d’un plan Marshall, un plan de développement d’envergure. En sus de cela, le «far west» de la Côte d’Ivoire a besoin de plus d’attention et de commisération. Les séquelles et autres stigmates de la guerre sont encore perceptibles partout dans cette partie de la Côte d’Ivoire. Des villages entiers ont été rayés de la carte. Des populations vivent encore loin de leur lieu de résidence. Beaucoup de personnes sont toujours en exil et ont peur du retour. Parce que profondément traumatisées et encore sous le choc de la crise post-électorale. A l’Ouest, les populations ont besoin plus qu’ailleurs, d’être rassurées et réconfortées. Puisque là-bas, certains cadres et fils de la région continuent d’agiter le spectre de la guerre. C’est le seul moyen qu’ils ont trouvé pour maintenir en otage, des populations qu’ils ont instrumentalisées jusqu’à la mort. Le véritable sens de la visite du chef de l’Etat est donc d’abord de rassurer les populations wê, wobè et dan. Contrairement aux dires de certains des leurs, leur rappeler qu’il n’est pas leur ennemi, et n’est pas là pour les spolier de leurs terres au profit des hommes du Nord. Ensuite, le président Ouattara va à l’Ouest pour pleurer avec les populations et leur dire qu’il est temps d’aller, malgré tout, de l’avant. Il va pour aider ses frères et sœurs à sécher leurs larmes. C’est la raison pour laquelle il n’a pas voulu effectuer ce voyage avant la réalisation de tous les projets prévenus pour cette région dans le cadre du plan présidentiel d’urgence. Ouattara veut aller avec du concret à l’Ouest pour dire à ses parents: «Je ne vous ai pas abandonnés ni oubliés. Au contraire, je nourris pour vous de grands projets. Voici ce que j’ai commencé à faire. Je compte continuer jusqu’à la réalisation de toutes les promesses que je vous ai faites lors de ma venue ici dans le cadre de la campagne électorale. Maintenant, je vous demande de pardonner, comme moi j’ai pardonné et d’aller à la réconciliation». En gros, Ouattara va à l’Ouest pour apporter l’espoir et la paix. Gages d’un développement durable. Pour le bonheur des peuples de l’Ouest. C’est pourquoi, il est fort à parier que les populations qui aspirent, au plus profond d’elles-mêmes, à la quiétude désormais, ne manqueront pas d’accorder un accueil chaleureux au nouvel apôtre de la paix.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly