Au moment où le gouvernement s’apprête à procéder à une augmentation des prix du carburant et de l’électricité, en application des récentes recommandations du Fonds monétaire international (FMI), les consommateurs crient à la trahison. Pour la voix du président de la fédération des associations des communicateurs actifs de Côte d’Ivoire (Facaci), Marius Comoé Brou, ils interpellent les pouvoirs publics sur leur propension à œuvrer contre leur bien-être.
Récemment le premier ministre a annoncé une série d’actions avant l’échéance des trois mois qu’il a demandés. Quel constat faites-vous ?
Le constat, c’est que la vie est toujours chère, les prix des produits visés par les mesures gouvernementales sont toujours à la hausse. Nous constatons avec beaucoup d’amertume que les commerçants dans leur grande majorité jouent au chat et à la souris avec le gouvernement. Ils font en sorte que les mesures prises par le gouvernement ne soient pas appliquées. Ils défient les décisions étatiques. Il y a un certain incivisme qui règne dans le secteur du commerce en Côte d’Ivoire au point que les acteurs de ce secteur, principalement les commerçants et les détaillants n’ont cure de toutes les décisions arrêtées de commun accord avec les pouvoirs publics. De plus en plus, il y a une défiance de l’autorité de l’Etat. Selon les commerçants, l’Etat est faible alors, ils n’ont rien à cirer avec la signature des accords ou encore les décisions prises avec l’Etat. C’est donc avec amertume que nous constatons toutes ces dérives et c’est pourquoi nous appelons de tous nos vœux le réveil des pouvoirs publics, les promesses faites lors des campagnes électorales par le chef de l’Etat.
A vous entendre, on a l’impression que les commerçants sont les seuls responsables de la flambée des prix. Le gouvernement, lui, a pris de bonnes mesures. Récemment, vous avez pourtant soutenu qu’il fallait baisser les taxes pour arriver à un résultat probant. Avez-vous changé d’avis ?
Non. Absolument pas. L’Etat est devenu faible. En réalité quand nous parlons d’Etat faible, c’est pour dire que les commerçants ne sont pas les seuls responsables de la non application des mesures et décisions prises par le gouvernement. En effet, dans la faiblesse de l’Etat, il y a le problème lié au recrutement du personnel au niveau du ministère du Commerce. Il n’y a à ce jour que 50 agents contrôleurs de prix sur toute l’étendue du territoire national. Avec cet effectif, comment peuvent-ils veiller au fonctionnement de l’activité commerciale en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas suffisant pour un pays d’une superficie de 322 462 Km2. Voilà la réalité. Il y a également le problème lié au fait que l’Etat, en prenant ces mesures et en signant ce protocole d’accord avec les commerçants, n’a pas voulu octroyer aux importateurs, grossistes et autres, un certain nombre d’allègements fiscaux. A partir du moment où ce sont des opérateurs privés qui vont sur le marché international pour se procurer du riz ou autres articles avec leurs propres moyens et qui reviennent pour le dédouaner à nos ports ou aéroports, pour certains produits, une fois ces produits sur le marché, ils fixent les prix selon leurs intérêts eu égard aux investissements qu’ils ont engagés depuis l’achat jusqu’au convoyage, au dédouanement du produit jusqu’à sa mise en vente sur le marché. L’Etat a été défaillant en ne faisant pas d’allègement sur les taxes, en plus du fait qu’il ne dispose pas de personnel suffisant pour faire le contrôle.
On peut dire donc que la tendance à la hausse des prix se maintient. Est-ce qu’on ne peut pas parler de fatalité. Les prix pourront-ils baisser un jour ?
Ce n’est point une fatalité, ce d’autant plus que partout où il y a eu flambée de prix, nous avons l’expérience de la Mauritanie, du Cameroun, etc., les gouvernants ont pris des dispositions pour permettre à leurs populations d’avoir accès à un certain nombre de produits de grande consommation à des prix très réduits. Ce n’est pas une fatalité en ce sens que si nos gouvernants veulent dans une action concertée faire en sorte que les prix des produits baissent, eh bien, ces prix baisseront. Pourquoi le carburant a le même prix sur l’ensemble du territoire national et pas le riz. Par exemple, le gaz ou le carburant sont des produits dont les prix sont homologués. Nous n’arrivons pas à comprendre pourquoi cela. Il y a un problème de responsabilisation de l’appareil étatique. Il y a un problème pour assurer le contrôle sur les marchés. Ce n’est pas une fatalité, ce d’autant plus que le programme de gouvernement proposé par le chef de l’Etat lors des campagnes électorales dans sa mise en œuvre effective devrait pouvoir nous emmener à sortir de cette situation. A titre d’exemple, il n’y a pas de Commission de la concurrence dans un pays où le commerce est libre, dans un pays où la liberté de concurrence a été instaurée dans les années 90 par monsieur Alassane Dramane Ouattara avec la loi de 1991. La loi de 1991 relative à la concurrence instaurait la liberté des prix. Mais dans l’application de ce texte de loi, on n’a pas pensé à mettre des balises ; de sorte que le commerce aujourd’hui est pratiqué au détriment du consommateur. La Commission de la concurrence devrait être l’instance de régulation et de contrôle aujourd’hui. Lors de la campagne présidentielle, monsieur Ouattara aujourd’hui chef de l’Etat avait promis, une fois au pouvoir, de créer une commission de la concurrence avec un accent sur la lutte contre la vie chère. Elle devrait donc devenir la commission de la concurrence et de lutte contre la vie chère. Un an après sa prise de fonction, cette commission n’existe toujours pas. Donc qui va réguler, qui va contrôler le commerce, qui va faire en sorte que la concurrence soit loyale et qu’elle soit une réalité ? Nous avons approché le ministre du Commerce, en notre qualité d’organisation de défense des droits des consommateurs pour en savoir plus sur la mise en place des membres de cette commission. Il nous a confié que les dossiers liés à la mise en place de cette commission ont été transmis au secrétariat général du gouvernement depuis novembre 2011. Tout cela constitue des dysfonctionnements qu’il faut corriger en urgence.
Tout à l’heure vous parliez du carburant et de l’électricité qui sont servis à tout le monde au même prix sur le territoire national. Justement sur recommandation du FMI, le gouvernement s’apprête à procéder à l’augmentation des prix de ces deux produits de grande consommation. Qu’est-ce que vous pensez de ces mesures ?
Je vous dis tout de suite que ça serait une mesure suicidaire pour le gouvernement de s’engager dans cette voie. Sous le régime précédent, il y a eu en 2008 des augmentations des prix du pétrole et des produits dérivés. L’opposition d’alors, aujourd’hui aux affaires, avait soutenu que ces augmentations ne se justifiaient pas et qu’une fois arrivée au pouvoir, le prix du carburant et de ses produits dérivés allait connaitre une baisse. Nous attendons cette baisse depuis la prise de fonction de monsieur Ouattara. Si en lieu et place de cela, on vient nous parler d’augmentation, il est évident que cela s’apparente à une trahison. Les calculs des experts du régime en place alors qu’ils étaient dans l’opposition - publiés dans des journaux que nous détenons encore -démontrent que le prix du carburant tel que fixé sous le régime précédent était un vol planifié. Aujourd’hui au pouvoir, nous attendons cette baisse et non le contraire comme cela se présage. Nous n’accepterons point une quelconque augmentation des prix et du carburant et de l’électricité qui viendraient amoindrir davantage le pouvoir d’achat des ménages et asphyxier les ménages. L’action que nous menons et l’action du gouvernement sont des actions qui sont dirigées vers l’amélioration des conditions de vie des populations. Rappelons-nous les déclarations des sieurs Djédjé Mady, Salif N’Diaye, Kandia Camara et autres en 2008 face aux manifestations contre la vie chère. Aujourd’hui au pouvoir, surtout qu’on ne nous parle pas d’augmentation du prix du carburant et de l’électricité. Parce que cela revient à opérer une augmentation sur l’ensemble des produits de grande consommation déjà à un niveau insoutenable. Une telle augmentation est même de nature à annihiler totalement les efforts du gouvernement pour maitriser la flambée des prix. Toute augmentation du prix du carburant ou de l’électricité aura une incidence réelle sur tous les produits y compris ceux indexés par les mesures gouvernementales arrêtées tout dernièrement dans le cadre de la lutte contre la vie chère.
Face à cette décision qui ressemble à un plan d’ajustement structurel alors qu’on nous parle de PPTE, qui suppose un allègement de la dette, donc une hausse des revenus par habitant, est-ce qu’il est possible de revenir sur ce point ?
Qu’on ne se méprenne pas sur la force de mobilisation et de rassemblement de la fédération des consommateurs. Nous l’avons démontré en 2008 en lançant les Ivoiriens dans les rues contre la vie chère. Quand la vie est chère, elle n’est pas chère pour le FPI et ses militants. Quand la vie est chère elle n’est pas chère pour le RDR et ses militants. Quand la vie est chère elle n’est chère pour l’UDPCI, le PDCI et autres et leurs militants. Quand la vie est chère en mot, elle l’est pour tous les Ivoiriens sans distinction d’ethnie, de race, de religion ou d’obédience politique. Cela dit, si les gouvernants s’hasardent à appliquer à la lettre les recommandations du FMI tendant à augmenter le prix du carburant et de l’électricité, ils verront que les militants du RDR, de l’UDPCI, et donc du RHDP ainsi que ceux de l’opposition se retrouveront tous dans la rue pour dire NON. Il n’y aura pas un seul Ivoirien qui l’acceptera, cette situation. Monsieur Ouattara, dans son programme de gouvernement et de ce qu’il a eu à nous proposer lors de la campagne électorale, a des solutions à nos problèmes. Mais qu’on vienne nous servir des malheurs en lieu et place des Solutions, eh bien, nous allons nous faire entendre. Et nous savons comment nous faire entendre en tant qu’organisation de la société civile par excellence.
Généralement les mesures de ce type-là ne sont vraiment pas suivies sur le terrain ! Qu’est-ce qui vous fait dire que les consommateurs, le grand public, va se mobiliser pour respecter votre mot d’ordre ?
Ecoutez, nous savons de quoi nous parlons. La fédération des consommateurs actifs que dirige Marius Comoé Brou est représentative des intérêts des consommateurs sur l’ensemble du territoire national. Nous savons que les Ivoiriens portent en nous beaucoup d’espoir. Et ils savent que nous ne pouvons jamais trahir le combat pour satisfaire nos attentes personnelles. Les Ivoiriens, croyez-moi, répondront massivement à notre appel chaque fois que la situation le nécessitera. Chaque fois que nous avons appelé nos membres à une quelconque mobilisation, ils ont répondu présent. Et, croyez-moi, contre la vie chère et surtout contre l’augmentation du prix du carburant et de l’électricité, vous verrez de quoi est capable le mouvement consommateur en Côte d’Ivoire. Ce combat doit être celui de tous les Ivoiriens et nous sommes confiants quant à notre capacité à lutter pour le respect de nos droits.
Mais cette mesure connait déjà un début d’application avec les entreprises qui doivent payer dès la fin du mois de mai pour les factures qu’elles recevront le coût à la hausse de 10% du prix de l’électricité. Ne craignez-vous pas que cette augmentation soit répercutée sur les prix ?
Nous ne savons pas sur quelle base l’Etat a discuté avec la confédération générale des grandes entreprises de Côte d’Ivoire. Nous ne savons ce qu’ils ont arrêté pour ne pas qu’il y ait de répercussion parce qu’on n’a pas été associé à ce genre de débats s’il y a eu débats. Mais nous contrôlons le marché, nous suivons tous les produits qui sont sur le marché et croyez-moi une quelconque augmentation du prix de quelque produit que ce soit va provoquer le courroux des consommateurs. Nos bases sur l’ensemble du territoire national sont attentives et nous allons décider de la conduite à tenir au cours d’une Assemblée générale que nous allons convoquer incessamment.
Mais quoi qu’il en soit, toute augmentation du prix de l’électricité quant à la consommation des grandes entreprises aura a dans les jours, semaines et mois à venir, à n’en point douter, des répercussions sur les produits mis sur le marché par ces entreprises. L’Etat est en train de jouer avec le feu. Rien ne pourra amener les consommateurs à reculer. Pour ça, nous sommes prêts à aller en prison si telle est la volonté des décideurs de mettre tous ceux qui se plaignent dans la rue contre la vie chère. Pour des gens qui ont faim, qui veulent exprimer leur colère, qui ne sont pas d’accord, si on doit les mettre en prison, nous serons les premiers à aller en prison.
Vous avez dit que les consommateurs sont prêts pour le combat. Comment se porte la FACACI ?
Mais la FACACI n’a jamais été plus unie que depuis que nous sommes sortis du congrès de juillet 2011. Donc aujourd’hui, la FACACI a une représentation effective sur l’ensemble du territoire national. Nous continuons encore de recevoir des demandes d’adhésion à la FACACI de certaines de certaines associations de la société civile ivoirienne. Et de plus en plus, nous sommes appelés à participer à des séminaires, ateliers, conférences au niveau national et international. En tout cas la FACACI se porte mieux et elle est capable de démontrer qu’elle se porte mieux toutefois que les intérêts de ses membres seront menacés.
Réalisée par Emmanuel Akani
Récemment le premier ministre a annoncé une série d’actions avant l’échéance des trois mois qu’il a demandés. Quel constat faites-vous ?
Le constat, c’est que la vie est toujours chère, les prix des produits visés par les mesures gouvernementales sont toujours à la hausse. Nous constatons avec beaucoup d’amertume que les commerçants dans leur grande majorité jouent au chat et à la souris avec le gouvernement. Ils font en sorte que les mesures prises par le gouvernement ne soient pas appliquées. Ils défient les décisions étatiques. Il y a un certain incivisme qui règne dans le secteur du commerce en Côte d’Ivoire au point que les acteurs de ce secteur, principalement les commerçants et les détaillants n’ont cure de toutes les décisions arrêtées de commun accord avec les pouvoirs publics. De plus en plus, il y a une défiance de l’autorité de l’Etat. Selon les commerçants, l’Etat est faible alors, ils n’ont rien à cirer avec la signature des accords ou encore les décisions prises avec l’Etat. C’est donc avec amertume que nous constatons toutes ces dérives et c’est pourquoi nous appelons de tous nos vœux le réveil des pouvoirs publics, les promesses faites lors des campagnes électorales par le chef de l’Etat.
A vous entendre, on a l’impression que les commerçants sont les seuls responsables de la flambée des prix. Le gouvernement, lui, a pris de bonnes mesures. Récemment, vous avez pourtant soutenu qu’il fallait baisser les taxes pour arriver à un résultat probant. Avez-vous changé d’avis ?
Non. Absolument pas. L’Etat est devenu faible. En réalité quand nous parlons d’Etat faible, c’est pour dire que les commerçants ne sont pas les seuls responsables de la non application des mesures et décisions prises par le gouvernement. En effet, dans la faiblesse de l’Etat, il y a le problème lié au recrutement du personnel au niveau du ministère du Commerce. Il n’y a à ce jour que 50 agents contrôleurs de prix sur toute l’étendue du territoire national. Avec cet effectif, comment peuvent-ils veiller au fonctionnement de l’activité commerciale en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas suffisant pour un pays d’une superficie de 322 462 Km2. Voilà la réalité. Il y a également le problème lié au fait que l’Etat, en prenant ces mesures et en signant ce protocole d’accord avec les commerçants, n’a pas voulu octroyer aux importateurs, grossistes et autres, un certain nombre d’allègements fiscaux. A partir du moment où ce sont des opérateurs privés qui vont sur le marché international pour se procurer du riz ou autres articles avec leurs propres moyens et qui reviennent pour le dédouaner à nos ports ou aéroports, pour certains produits, une fois ces produits sur le marché, ils fixent les prix selon leurs intérêts eu égard aux investissements qu’ils ont engagés depuis l’achat jusqu’au convoyage, au dédouanement du produit jusqu’à sa mise en vente sur le marché. L’Etat a été défaillant en ne faisant pas d’allègement sur les taxes, en plus du fait qu’il ne dispose pas de personnel suffisant pour faire le contrôle.
On peut dire donc que la tendance à la hausse des prix se maintient. Est-ce qu’on ne peut pas parler de fatalité. Les prix pourront-ils baisser un jour ?
Ce n’est point une fatalité, ce d’autant plus que partout où il y a eu flambée de prix, nous avons l’expérience de la Mauritanie, du Cameroun, etc., les gouvernants ont pris des dispositions pour permettre à leurs populations d’avoir accès à un certain nombre de produits de grande consommation à des prix très réduits. Ce n’est pas une fatalité en ce sens que si nos gouvernants veulent dans une action concertée faire en sorte que les prix des produits baissent, eh bien, ces prix baisseront. Pourquoi le carburant a le même prix sur l’ensemble du territoire national et pas le riz. Par exemple, le gaz ou le carburant sont des produits dont les prix sont homologués. Nous n’arrivons pas à comprendre pourquoi cela. Il y a un problème de responsabilisation de l’appareil étatique. Il y a un problème pour assurer le contrôle sur les marchés. Ce n’est pas une fatalité, ce d’autant plus que le programme de gouvernement proposé par le chef de l’Etat lors des campagnes électorales dans sa mise en œuvre effective devrait pouvoir nous emmener à sortir de cette situation. A titre d’exemple, il n’y a pas de Commission de la concurrence dans un pays où le commerce est libre, dans un pays où la liberté de concurrence a été instaurée dans les années 90 par monsieur Alassane Dramane Ouattara avec la loi de 1991. La loi de 1991 relative à la concurrence instaurait la liberté des prix. Mais dans l’application de ce texte de loi, on n’a pas pensé à mettre des balises ; de sorte que le commerce aujourd’hui est pratiqué au détriment du consommateur. La Commission de la concurrence devrait être l’instance de régulation et de contrôle aujourd’hui. Lors de la campagne présidentielle, monsieur Ouattara aujourd’hui chef de l’Etat avait promis, une fois au pouvoir, de créer une commission de la concurrence avec un accent sur la lutte contre la vie chère. Elle devrait donc devenir la commission de la concurrence et de lutte contre la vie chère. Un an après sa prise de fonction, cette commission n’existe toujours pas. Donc qui va réguler, qui va contrôler le commerce, qui va faire en sorte que la concurrence soit loyale et qu’elle soit une réalité ? Nous avons approché le ministre du Commerce, en notre qualité d’organisation de défense des droits des consommateurs pour en savoir plus sur la mise en place des membres de cette commission. Il nous a confié que les dossiers liés à la mise en place de cette commission ont été transmis au secrétariat général du gouvernement depuis novembre 2011. Tout cela constitue des dysfonctionnements qu’il faut corriger en urgence.
Tout à l’heure vous parliez du carburant et de l’électricité qui sont servis à tout le monde au même prix sur le territoire national. Justement sur recommandation du FMI, le gouvernement s’apprête à procéder à l’augmentation des prix de ces deux produits de grande consommation. Qu’est-ce que vous pensez de ces mesures ?
Je vous dis tout de suite que ça serait une mesure suicidaire pour le gouvernement de s’engager dans cette voie. Sous le régime précédent, il y a eu en 2008 des augmentations des prix du pétrole et des produits dérivés. L’opposition d’alors, aujourd’hui aux affaires, avait soutenu que ces augmentations ne se justifiaient pas et qu’une fois arrivée au pouvoir, le prix du carburant et de ses produits dérivés allait connaitre une baisse. Nous attendons cette baisse depuis la prise de fonction de monsieur Ouattara. Si en lieu et place de cela, on vient nous parler d’augmentation, il est évident que cela s’apparente à une trahison. Les calculs des experts du régime en place alors qu’ils étaient dans l’opposition - publiés dans des journaux que nous détenons encore -démontrent que le prix du carburant tel que fixé sous le régime précédent était un vol planifié. Aujourd’hui au pouvoir, nous attendons cette baisse et non le contraire comme cela se présage. Nous n’accepterons point une quelconque augmentation des prix et du carburant et de l’électricité qui viendraient amoindrir davantage le pouvoir d’achat des ménages et asphyxier les ménages. L’action que nous menons et l’action du gouvernement sont des actions qui sont dirigées vers l’amélioration des conditions de vie des populations. Rappelons-nous les déclarations des sieurs Djédjé Mady, Salif N’Diaye, Kandia Camara et autres en 2008 face aux manifestations contre la vie chère. Aujourd’hui au pouvoir, surtout qu’on ne nous parle pas d’augmentation du prix du carburant et de l’électricité. Parce que cela revient à opérer une augmentation sur l’ensemble des produits de grande consommation déjà à un niveau insoutenable. Une telle augmentation est même de nature à annihiler totalement les efforts du gouvernement pour maitriser la flambée des prix. Toute augmentation du prix du carburant ou de l’électricité aura une incidence réelle sur tous les produits y compris ceux indexés par les mesures gouvernementales arrêtées tout dernièrement dans le cadre de la lutte contre la vie chère.
Face à cette décision qui ressemble à un plan d’ajustement structurel alors qu’on nous parle de PPTE, qui suppose un allègement de la dette, donc une hausse des revenus par habitant, est-ce qu’il est possible de revenir sur ce point ?
Qu’on ne se méprenne pas sur la force de mobilisation et de rassemblement de la fédération des consommateurs. Nous l’avons démontré en 2008 en lançant les Ivoiriens dans les rues contre la vie chère. Quand la vie est chère, elle n’est pas chère pour le FPI et ses militants. Quand la vie est chère elle n’est pas chère pour le RDR et ses militants. Quand la vie est chère elle n’est chère pour l’UDPCI, le PDCI et autres et leurs militants. Quand la vie est chère en mot, elle l’est pour tous les Ivoiriens sans distinction d’ethnie, de race, de religion ou d’obédience politique. Cela dit, si les gouvernants s’hasardent à appliquer à la lettre les recommandations du FMI tendant à augmenter le prix du carburant et de l’électricité, ils verront que les militants du RDR, de l’UDPCI, et donc du RHDP ainsi que ceux de l’opposition se retrouveront tous dans la rue pour dire NON. Il n’y aura pas un seul Ivoirien qui l’acceptera, cette situation. Monsieur Ouattara, dans son programme de gouvernement et de ce qu’il a eu à nous proposer lors de la campagne électorale, a des solutions à nos problèmes. Mais qu’on vienne nous servir des malheurs en lieu et place des Solutions, eh bien, nous allons nous faire entendre. Et nous savons comment nous faire entendre en tant qu’organisation de la société civile par excellence.
Généralement les mesures de ce type-là ne sont vraiment pas suivies sur le terrain ! Qu’est-ce qui vous fait dire que les consommateurs, le grand public, va se mobiliser pour respecter votre mot d’ordre ?
Ecoutez, nous savons de quoi nous parlons. La fédération des consommateurs actifs que dirige Marius Comoé Brou est représentative des intérêts des consommateurs sur l’ensemble du territoire national. Nous savons que les Ivoiriens portent en nous beaucoup d’espoir. Et ils savent que nous ne pouvons jamais trahir le combat pour satisfaire nos attentes personnelles. Les Ivoiriens, croyez-moi, répondront massivement à notre appel chaque fois que la situation le nécessitera. Chaque fois que nous avons appelé nos membres à une quelconque mobilisation, ils ont répondu présent. Et, croyez-moi, contre la vie chère et surtout contre l’augmentation du prix du carburant et de l’électricité, vous verrez de quoi est capable le mouvement consommateur en Côte d’Ivoire. Ce combat doit être celui de tous les Ivoiriens et nous sommes confiants quant à notre capacité à lutter pour le respect de nos droits.
Mais cette mesure connait déjà un début d’application avec les entreprises qui doivent payer dès la fin du mois de mai pour les factures qu’elles recevront le coût à la hausse de 10% du prix de l’électricité. Ne craignez-vous pas que cette augmentation soit répercutée sur les prix ?
Nous ne savons pas sur quelle base l’Etat a discuté avec la confédération générale des grandes entreprises de Côte d’Ivoire. Nous ne savons ce qu’ils ont arrêté pour ne pas qu’il y ait de répercussion parce qu’on n’a pas été associé à ce genre de débats s’il y a eu débats. Mais nous contrôlons le marché, nous suivons tous les produits qui sont sur le marché et croyez-moi une quelconque augmentation du prix de quelque produit que ce soit va provoquer le courroux des consommateurs. Nos bases sur l’ensemble du territoire national sont attentives et nous allons décider de la conduite à tenir au cours d’une Assemblée générale que nous allons convoquer incessamment.
Mais quoi qu’il en soit, toute augmentation du prix de l’électricité quant à la consommation des grandes entreprises aura a dans les jours, semaines et mois à venir, à n’en point douter, des répercussions sur les produits mis sur le marché par ces entreprises. L’Etat est en train de jouer avec le feu. Rien ne pourra amener les consommateurs à reculer. Pour ça, nous sommes prêts à aller en prison si telle est la volonté des décideurs de mettre tous ceux qui se plaignent dans la rue contre la vie chère. Pour des gens qui ont faim, qui veulent exprimer leur colère, qui ne sont pas d’accord, si on doit les mettre en prison, nous serons les premiers à aller en prison.
Vous avez dit que les consommateurs sont prêts pour le combat. Comment se porte la FACACI ?
Mais la FACACI n’a jamais été plus unie que depuis que nous sommes sortis du congrès de juillet 2011. Donc aujourd’hui, la FACACI a une représentation effective sur l’ensemble du territoire national. Nous continuons encore de recevoir des demandes d’adhésion à la FACACI de certaines de certaines associations de la société civile ivoirienne. Et de plus en plus, nous sommes appelés à participer à des séminaires, ateliers, conférences au niveau national et international. En tout cas la FACACI se porte mieux et elle est capable de démontrer qu’elle se porte mieux toutefois que les intérêts de ses membres seront menacés.
Réalisée par Emmanuel Akani