Il aurait bien fait de se taire. Mais le bourreau voulant sûrement vanter les bienfaits de sa guillotine, a finalement enfoncé tout le monde, à commencer par ses maîtres. Dans «Le patriote» n°3756 du samedi 26 au lundi 28 mai, Fofié Kouakou, le chef de guerre qui régente la région de Korhogo a cru bien faire en parlant de la détention du Président Gbagbo dans cette ville, après le 11 avril 2011. Et il n’a pas manqué de le traiter «d’ingrat». En fait, on ne pouvait attendre mieux de lui. Il n’y a que ce qu’il pouvait dire dans ces moments de grandes tempêtes qui menacent le palais de son maître. A la question du confrère qui lui demande si Gbagbo a été maltraité comme le confirment ses avocats, voici sa réaction. «Pas du tout. Il faut laisser l’homme avec sa conscience. S’il a été mal traité ? Laissons les choses se passer normalement. Mais si les autorités qui nous l’ont confié savent qu’il n’a pas eu de maltraitance, on s’en tient à cela. Mais, je n’ai fait que mon devoir. C’est un ex-Président, il fallait le traiter comme tel. Et je crois qu’il ne pourra pas dire le contraire. (…) Oui il a eu les honneurs qu’il fallait. On dit que l’homme le plus reconnaissant est celui qui devient ingrat». Ainsi parle l’homme qui a droit de vie ou de mort sur les populations de Korhogo. Pure contrevérité sur toute la ligne. C’est par éducation et pour le respect des lecteurs qu’on ne dira pas qu’il ment. A Korhogo, Gbagbo était parmi ses bourreaux. Depuis quand le bourreau a été tendre avec sa victime ? En fait Fofié Kouakou n’a pas fait que dire des contrevérités dans cette situation presque historique. D’abord sur la question de la détention du Président Gbagbo. C’est là que commence toute la mascarade. Le pouvoir a fait croire au monde entier que le Président Gbagbo était logé dans la résidence des chefs d’Etat. C’est même ce qui a été dit au groupe des Elders qui est allé lui rendre visite dans cette ville. Il s’agit d’une organisation composée de personnalités comme Koffi Annan, Desmond Tutu... Alors que la vérité était tout autre. En réalité, Gbagbo était logé dans une maison de fortune. Une «3 pièce» appartenant à Soro Guillaume. C’est dans cette bicoque que l’homme a été contraint de loger avec son médecin. Une maison qui manque de tout. Même les commodités primaires. «Ouattara voulait humilier Gbagbo et le pousser jusqu’au bout. C’est ce qu’il a fait. Mais comme il y a un Dieu pour les justes, il n’est pas arrivé à ses fins», explique un cadre de Korhogo. C’est de là-bas que Fofié Kouakou et sa bande armée partaient régulièrement le prendre et le conduire à la résidence de l’Etat, chaque fois qu’il devait recevoir une visite importante. Il était régulièrement enfermé dans cette maison sans voir le soleil sur plusieurs jours. Une attitude complètement inhumaine et dégradante. Et le Président Gbagbo l’a clairement dit lors de son audition à La Haye. «Ici, je suis traité comme un être humain», avait-il lâché au monde entier. Voila qui est bien clair. Ainsi se dévoile le vrai visage du pouvoir Ouattara. Mais il n’y a pas que l’isolement dont il a été victime pendant sa détention dans ce goulag horrible. Fofié Kouakou qui règne sur Korhogo appliquait à la lettre les recommandations souterraines du pouvoir. En dehors des personnalités onusiennes, Gbagbo ne pouvait recevoir la moindre visite d’un quelconque parent ou ami. Personne ne pouvait lui rendre visite. Même ses avocats avaient toutes les peines du monde pour le voir. On se rappelle qu’un pôle de ses avocats qui voulaient le rencontrer à Korhogo est parti d’Abid jan avec l’autorisation du Procureur de la République. Mais arrivé sur les lieux, ce même Fofié Kouakou s’y est carrément opposé. Empêchant ainsi le Président Gbagbo qu’il traite «avec tous les honneurs du à son rang», de voir et discuter avec son conseil. Drôle quand même. Si Gbagbo est bien traité, pourquoi Fofié l’empêcherait-il de voir ses avocats et discuter avec eux ? Grande question laquelle il devra répondre plus tard, face à la justice de l’Histoire. A la vérité, l’homme qui n’est qu’au service du système, appliquait avec un merveilleux zèle, les consignes du pouvoir qui ne voulait pas que le Président Gbagbo rencontre ses avocats. Ce qui a été fait comme voulu par Abidjan. Sinon, Fofié Kouakou ne peut par lui-même, s’opposer à une décision de justice s’il n’a pas le soutien de ses parrains. Pour le moment, le dieu de Korhogo est en plein dans le pouvoir. C’est pourquoi il peut se permettre de traiter un homme de la trempe de Gbagbo «d’ingrat».
Guehi Brence
Guehi Brence