Les élections présidentielles et législatives terminées, une nouvelle commission électorale indépendante (CEI) s’impose, comme l’attestent les textes juridiques et politiques qui encadrent le processus électoral en Côte d’Ivoire.
En 2000, dans un souci de bonne gouvernance politique, le constituant ivoirien a institué une Commission électorale indépendante. En effet, l’article 32 in fine de la loi fondamentale dispose : « l’organisation et la supervision du referendum et des élections sont assurées par une commission indépendante dans les conditions prévues par la loi». En 2001, précisément le 09 octobre, s’inspirant de la constitution, le parlement vote la loi portant composition, organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante.
En janvier 2003, dans la tentative de résolution de la crise ivoirienne, née cinq mois plutôt, est signé entre les parties ivoiriennes, un accord dénommé « accord de Linas Marcoussis». Le point II-2 de cet accord stipule «…le gouvernement de réconciliation nationale proposera plusieurs amendements à la loi n° 2001-634 du 9 octobre 2001, dans le sens d’une meilleure représentation des parties prenantes de la table ronde au sein de la commission centrale de la commission électorale indépendante, y compris au sein du bureau».
Dans cette optique, une nouvelle loi, modifiant celle du 9 octobre 2001, est votée le 14 décembre 2004, relativement à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante. En son article 5 (nouveau), elle dispose : «…les membres de la commission centrale sont : un représentant du président de la république ; un représentant du président de l’ Assemblée Nationale ; un représentant du président du conseil économique et social , deux magistrats désignés par le conseil supérieur de la magistrature ; deux avocats désignés par le barreau ; un représentant du ministre chargé de l’administration du territoire ; un représentant du ministre chargé de la sécurité ; un représentant du ministre chargé de la défense ; un représentant du ministre chargé de l’économie et des finances ; deux représentants de chaque parti ou groupement politique ayant au moins un député à l’Assemblée Nationale ou ayant remporté au moins une élection municipale, de conseil régional ; de conseil général ou de district ; à titre exceptionnel ; les mouvements ayant revendiqué la rébellion armée….» Le 06 avril 2005, l’accord de Pretoria, reprend les termes de la loi du 14 décembre 2004, et apporte une innovation importante, relativement à la durée du mandat des membres de la commission centrale. En effet, en son point 9 in fine, il stipule que « le mandat des membres de la commission centrale prend fin à l’issue des élections générales ». Dans le vocabulaire électoral, les élections générales renvoient à l’élection du président de la république et de celle des députés, au regard du caractère national de leur mandat, par opposition aux élections locales que sont les municipales, les régionales ; les cantonales etc. Cependant, l’accord de Pretoria demeure une simple recommandation dépourvue de toute valeur juridique, donc, non contraignante. C’est pourquoi, pour rendre cet accord obligatoire, le chef de l’Etat, conformément à l’article 48 de la constitution, prend une décision, qui juridiquement, a une valeur supra légale, pour modifier l’article 53 de la loi du 14 décembre 2004, en ces termes : « le mandat des membres de la nouvelle commission électorale indépendante prend fin à l’issue des prochaines élections générales »
De ce qui précède, le 26 février 2012 marque symboliquement la fin de la crise ivoirienne, qui aura durée dix ans, et juridiquement, l’avènement d’une nouvelle Commission Electorale indépendante, montrant ainsi notre attachement aux respects des lois que nous nous sommes librement données. Sur le plan purement administratif, la nouvelle Commission Electorale Indépendante, avant le grand défi de l’élection présidentielle de 2015, s’exercera utilement avec les élections municipales et régionales des mois prochains. Au niveau politique, la nouvelle Commission Electorale Indépendante, mettra un terme à la « partitocratie » qui a caractérisé la C.E.I et qui de façon délétère a contribué à son dysfonctionnant à des périodes cruciales. Si les contingences politiques l’exigeaient à l’époque, une C.E.I gérée et dirigée par les forces politiques ne s’impose plus. En outre, les critères de sélection des membres de la commission centrale ont énormément évolué. En effet, les Forces nouvelles n’existent plus, des partis politiques tels le FPI, l’UDCY, le PIT ne sont plus représentés à l’Assemblée Nationale, de nouveaux partis y sont maintenant. Ce sont là des critères objectifs qui militent en faveur de l’avènement d’une nouvelle C.E.I. Les membres de la nouvelle Commission Electorale Indépendante, doivent bénéficier d’un nouveau statut, relativement à leur mode de désignation, qui doit être moins la nomination que l’élection. Il y va de la bonne gouvernance politique. La Commission Electorale Indépendante, en effet, est une institution,qui prend valeur d’arbitre du jeu politique, en ce qu’elle régule la légitimité des gouvernants, le consentement des gouvernés et l’alternance politique.
De ce qui précède, sauf à cultiver l’autisme politique et le mépris de l’Histoire comme mode de gouvernance, les membres de la CEI ne peuvent plus être valablement nommés par l’exécutif. A toutes fins utiles, et pour rappel, la CEI est née en réaction contre la partialité électorale de l’administration que ne cessait de dénoncer l’opposition. Or, selon l’article 46 de la constitution, le patron de l’exécutif est le chef de l’administration. L’exécutif, c’est l’administration. Donner compétence au chef de l’Etat de nommer les membres de la CEI, c’est mettre l’institution électorale sous les ordres de l’administration. Dans l’hypothèse d’une élection présidentielle, le nommé peut-il se détacher, intellectuellement, politiquement et moralement du nommant ? Notre éducation politique, idéologique et intellectuelle, ne nous permettent pas encore de cultiver à satiété et à bien, le devoir d’ingratitude. Il ne faut pas commencer ce qu’on ne peut pas terminer. Les affinités contreversées entre les différentes institutions ont toujours plongé les peuples dans des abimes mortifères. Novembre 2010 est une date mémorable même pour des peuples amnésiques. Dans une démocratie, il y a moins de mérite à être nommé qu’à être élu. A l’analyse, la désignation des membres de la nouvelle commission électorale, après le 26 février 2012, doit se faire au suffrage universel, donc par voie d’élection. Plus précisément au suffrage universel indirect. Ce serait par exemple, une des nouvelles prérogatives de la présente Assemblée nationale. Un appel à candidatures reposant sur des critères objectifs d’éligibilité, cumulant les valeurs intellectuelles et morales. Les membres des partis politiques exclus. La Côte d’Ivoire regorge d’une kyrielle de cadres et d’intelligences à équidistance idéologique des partis politiques. Elus par le parlement, les commissaires de la CEI auront une légitimité qui construira à ne point douter, leur indépendance vis-à-vis des acteurs politiques, surtout de l’exécutif. Cette réflexion peut être aussi valable pour le Conseil Constitutionnel.
Geoffroy-Julien KOUAO
Juriste-politiste
Julien.kouao@yahoo.fr
En 2000, dans un souci de bonne gouvernance politique, le constituant ivoirien a institué une Commission électorale indépendante. En effet, l’article 32 in fine de la loi fondamentale dispose : « l’organisation et la supervision du referendum et des élections sont assurées par une commission indépendante dans les conditions prévues par la loi». En 2001, précisément le 09 octobre, s’inspirant de la constitution, le parlement vote la loi portant composition, organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante.
En janvier 2003, dans la tentative de résolution de la crise ivoirienne, née cinq mois plutôt, est signé entre les parties ivoiriennes, un accord dénommé « accord de Linas Marcoussis». Le point II-2 de cet accord stipule «…le gouvernement de réconciliation nationale proposera plusieurs amendements à la loi n° 2001-634 du 9 octobre 2001, dans le sens d’une meilleure représentation des parties prenantes de la table ronde au sein de la commission centrale de la commission électorale indépendante, y compris au sein du bureau».
Dans cette optique, une nouvelle loi, modifiant celle du 9 octobre 2001, est votée le 14 décembre 2004, relativement à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante. En son article 5 (nouveau), elle dispose : «…les membres de la commission centrale sont : un représentant du président de la république ; un représentant du président de l’ Assemblée Nationale ; un représentant du président du conseil économique et social , deux magistrats désignés par le conseil supérieur de la magistrature ; deux avocats désignés par le barreau ; un représentant du ministre chargé de l’administration du territoire ; un représentant du ministre chargé de la sécurité ; un représentant du ministre chargé de la défense ; un représentant du ministre chargé de l’économie et des finances ; deux représentants de chaque parti ou groupement politique ayant au moins un député à l’Assemblée Nationale ou ayant remporté au moins une élection municipale, de conseil régional ; de conseil général ou de district ; à titre exceptionnel ; les mouvements ayant revendiqué la rébellion armée….» Le 06 avril 2005, l’accord de Pretoria, reprend les termes de la loi du 14 décembre 2004, et apporte une innovation importante, relativement à la durée du mandat des membres de la commission centrale. En effet, en son point 9 in fine, il stipule que « le mandat des membres de la commission centrale prend fin à l’issue des élections générales ». Dans le vocabulaire électoral, les élections générales renvoient à l’élection du président de la république et de celle des députés, au regard du caractère national de leur mandat, par opposition aux élections locales que sont les municipales, les régionales ; les cantonales etc. Cependant, l’accord de Pretoria demeure une simple recommandation dépourvue de toute valeur juridique, donc, non contraignante. C’est pourquoi, pour rendre cet accord obligatoire, le chef de l’Etat, conformément à l’article 48 de la constitution, prend une décision, qui juridiquement, a une valeur supra légale, pour modifier l’article 53 de la loi du 14 décembre 2004, en ces termes : « le mandat des membres de la nouvelle commission électorale indépendante prend fin à l’issue des prochaines élections générales »
De ce qui précède, le 26 février 2012 marque symboliquement la fin de la crise ivoirienne, qui aura durée dix ans, et juridiquement, l’avènement d’une nouvelle Commission Electorale indépendante, montrant ainsi notre attachement aux respects des lois que nous nous sommes librement données. Sur le plan purement administratif, la nouvelle Commission Electorale Indépendante, avant le grand défi de l’élection présidentielle de 2015, s’exercera utilement avec les élections municipales et régionales des mois prochains. Au niveau politique, la nouvelle Commission Electorale Indépendante, mettra un terme à la « partitocratie » qui a caractérisé la C.E.I et qui de façon délétère a contribué à son dysfonctionnant à des périodes cruciales. Si les contingences politiques l’exigeaient à l’époque, une C.E.I gérée et dirigée par les forces politiques ne s’impose plus. En outre, les critères de sélection des membres de la commission centrale ont énormément évolué. En effet, les Forces nouvelles n’existent plus, des partis politiques tels le FPI, l’UDCY, le PIT ne sont plus représentés à l’Assemblée Nationale, de nouveaux partis y sont maintenant. Ce sont là des critères objectifs qui militent en faveur de l’avènement d’une nouvelle C.E.I. Les membres de la nouvelle Commission Electorale Indépendante, doivent bénéficier d’un nouveau statut, relativement à leur mode de désignation, qui doit être moins la nomination que l’élection. Il y va de la bonne gouvernance politique. La Commission Electorale Indépendante, en effet, est une institution,qui prend valeur d’arbitre du jeu politique, en ce qu’elle régule la légitimité des gouvernants, le consentement des gouvernés et l’alternance politique.
De ce qui précède, sauf à cultiver l’autisme politique et le mépris de l’Histoire comme mode de gouvernance, les membres de la CEI ne peuvent plus être valablement nommés par l’exécutif. A toutes fins utiles, et pour rappel, la CEI est née en réaction contre la partialité électorale de l’administration que ne cessait de dénoncer l’opposition. Or, selon l’article 46 de la constitution, le patron de l’exécutif est le chef de l’administration. L’exécutif, c’est l’administration. Donner compétence au chef de l’Etat de nommer les membres de la CEI, c’est mettre l’institution électorale sous les ordres de l’administration. Dans l’hypothèse d’une élection présidentielle, le nommé peut-il se détacher, intellectuellement, politiquement et moralement du nommant ? Notre éducation politique, idéologique et intellectuelle, ne nous permettent pas encore de cultiver à satiété et à bien, le devoir d’ingratitude. Il ne faut pas commencer ce qu’on ne peut pas terminer. Les affinités contreversées entre les différentes institutions ont toujours plongé les peuples dans des abimes mortifères. Novembre 2010 est une date mémorable même pour des peuples amnésiques. Dans une démocratie, il y a moins de mérite à être nommé qu’à être élu. A l’analyse, la désignation des membres de la nouvelle commission électorale, après le 26 février 2012, doit se faire au suffrage universel, donc par voie d’élection. Plus précisément au suffrage universel indirect. Ce serait par exemple, une des nouvelles prérogatives de la présente Assemblée nationale. Un appel à candidatures reposant sur des critères objectifs d’éligibilité, cumulant les valeurs intellectuelles et morales. Les membres des partis politiques exclus. La Côte d’Ivoire regorge d’une kyrielle de cadres et d’intelligences à équidistance idéologique des partis politiques. Elus par le parlement, les commissaires de la CEI auront une légitimité qui construira à ne point douter, leur indépendance vis-à-vis des acteurs politiques, surtout de l’exécutif. Cette réflexion peut être aussi valable pour le Conseil Constitutionnel.
Geoffroy-Julien KOUAO
Juriste-politiste
Julien.kouao@yahoo.fr