C’est désormais effectif ! La Côte d’Ivoire vient d’obtenir le point d’achèvement de l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés). Après les examens de passage à Washington (Etats Unis) le lundi dernier, devant le conseil d’administration du FMI (Fonds monétaire international) et hier, devant le Conseil d’administration de la Banque mondiale, les institutions de Bretton Woods viennent de donner leur accord à la Côte d’Ivoire. Mais que de chemins parcourus pour en arriver là.
L'initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) est un mécanisme qui vise à assister les pays les plus pauvres du monde en rendant leurs dettes internationales « soutenables ». En 1996, la Banque mondiale et le FMI ont lancé l'initiative en faveur des PPTE pour créer un cadre dans lequel tous les créanciers, y compris les institutions multilatérales, peuvent alléger la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés au monde afin d’assurer la viabilité de leur dette et de réduire ainsi la charge que le surendettement fait peser sur leur croissance économique et leur lutte contre la pauvreté.
Il y a fondamentalement quatre critères d’éligibilité. A savoir, n'être éligible qu'à une assistance concessionnelle de la part du FMI et de la Banque mondiale, faire face à un niveau d'endettement insoutenable, avoir parfaitement mis en ?uvre des réformes et de saines politiques économiques dans le cadre de programmes soutenus par le FMI et la Banque mondiale, avoir formulé un document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP).
Comment en sommes-nous arrivés-là ?
C’est en 1998 que la Côte d’Ivoire a obtenu son éligibilité au programme PPTE, conditionnée par la libéralisation complète du secteur du café pour la période 1998-1999. Mais le coup d’Etat de 1999 vient desservir la Côte d’Ivoire qui n’a pu atteindre le point de décision en mars 2001. A partir de cette date, la Côte d’Ivoire repart encore à l’assaut avec l’espoir d’obtenir le point de décision en 2002. Mais la crise militaro-politique de septembre se dresse encore comme un obstacle. Ne dit-on pas que découragement n’est pas ivoirien ? Les autorités de l’époque, après la stabilisation de la situation, enclenchent alors de nouvelles reformes et repartent à l’abordage. Cela débouche en 2007 sur un nouvel accord avec le FMI et la Banque mondiale qui se matérialise par l’apurement des arriérés vis-à-vis des créanciers multilatéraux et l’élaboration d’un Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). Toute chose qui a permis l’atteinte du point de décision de l’initiative PPTE en mars 2009. Cela permet à la Côte d’Ivoire de bénéficier d’un allègement intérimaire du service de sa dette exigible. Ainsi, ce 27 mars 2009, le Conseil d’administration du FMI adopte un programme économique et financier sur la période 2009-2011 soutenu par la facilité élargie de crédits (FEC) assorti de l’obtention du point de décision de l’Initiative PPTE en faveur de la Côte d’Ivoire le 31 mars 2009. Ce nouveau programme économique et financier triennal ouvre la voie à la Côte d’Ivoire pour engager les négociations avec ses créanciers extérieurs en vue de l’allégement de sa dette. Ainsi, les négociations avec les pays créanciers membres du Club de Paris aboutissent à la signature d’un procès verbal agréé le 15 mai 2009 préconisant le traitement de la dette selon les termes de Cologne et l’annulation de stock lorsque le pays aura atteint le point d’achèvement de l’Initiative PPTE. Ces résultats jugés satisfaisants par le gouvernement ivoirien portent sur une annulation immédiate de dette de 845 millions de dollars EU (422,5 milliards de FCFA) ; l’allégement du service de la dette de 4 692 millions de dollars EU (2 346 milliards de FCFA) à 391 millions de dollars EU (195,5 milliards de FCFA) et le rééchelonnement du stock résiduel à moyen et long termes. Le Gouvernement ivoirien ne lâche pas prise et poursuit les reformes. Après la crise post-électorale aiguë qui dure de novembre 2010 à avril 2011 et qui affecte négativement sa situation économique et financière, la Côte d’Ivoire repart de l’avant. Le second semestre 2011 est marqué par la stabilisation de la situation politique et la reprise de l’activité économique. Les perspectives de développement s’avèrent prometteuses avec une croissance prévue supérieure à 8% en 2012. Les performances économiques s’inscrivent dans un cadre macro-économique solide appuyé par le FMI. Un accord intervient avec le Club de Paris le 15 Novembre 2011. Il fait suite à l’adoption par le FMI d’un nouveau programme économique et financier pour la période 2012-2014 au titre de la Facilité élargie de crédit (Fec). Le calendrier secret est de décrocher le précieux sésame, c’est-à-dire le point d’achèvement de l’initiative PPTE au plus tard en 2011. Mais la crise post-électorale qui survient, annihile le travail de Charles Koffi Diby, ministre de l’Economie et des Finances qui conduisait depuis quelques années ce dossier. Mais avec l’avènement de Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire se retrouve encore dans les starting-blocks. Les autorités ivoiriennes renouvellent leur confiance au ministre Diby qui engage de nouvelles reformes sous la conduite éclairée de l’ancien Directeur général adjoint du Fmi.
Le président ivoirien s’implique lui-même dans le lobbying, accompagné de l’argentier du Gouvernement ivoirien qui jouit déjà d’une bonne réputation auprès des institutions de Bretton Woods. La mise en ?uvre satisfaisante du programme économique et financier amène le conseil d’administration du FMI à approuver, courant-mai, la première revue de ce programme. L’approbation de cette revue est une condition clef au franchissement du point d’achèvement de juin.
Mise en œuvre des 13 déclencheurs
La réforme du secteur café/cacao est bouclée fin 2011 avec la création du Conseil du Café et du Cacao chargé de superviser la gestion de l’ensemble du secteur. De janvier à mai 2012, la Côte d’Ivoire met les bouchées doubles sur les conseils avisés du chef de l’Etat ivoirien. Une vraie course contre la montre s’engage. En mai, les 13 déclencheurs du point d’achèvement de l’initiative PPTE sont remis par le ministre Diby au Fmi et à la Banque mondiale. A savoir : le Dsrp, le maintien de la stabilité macro-économique, la publication trimestrielle de l’état d’exécution budgétaire, la certification de conformité par l’organe compétent du projet de loi de règlement par un exercice budgétaire, la mise en place d’une entité de régulation des marchés publics opérationnelle, la publication trimestrielle, dans le bulletin des marchés publics, de la liste de tous les marchés passés. Il faut aussi ajouter, les résultats liés à l’augmentation du nombre d’accouchements assistés par du personnel de qualité (65%). Pour cette exigence, l’on note un taux de réalisation passant de 67,5% en 2010 à 69,2% en 2011. La huitième exigence tourne autour de la distribution à 90%, aux écoliers inscrits dans l’ensemble des écoles primaires publiques, de trois manuels (Français, mathématiques et éducation civique et morale). Sur la période 2009-2012, le taux de couverture est de 93,5% de manuels scolaires distribués. L’autre point est relatif à la publication trimestrielle sur le site internet du Trésor, des données sur la dette extérieure et intérieure publique garantie par l’Etat. Le dixième déclencheur porte sur la publication régulière d’un rapport sur les paiements effectués à l’Etat par les industries extractives et les recettes reçues par l’Etat de ces mêmes industries-mines, pétrole et gaz conformément aux critères de l’Itie (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) avec un rapport annuel récent, durant au moins l’année précédant immédiatement le point d’achèvement de l’initiative PPTE. Un autre point concerne la publication annuelle des états certifiés de Petroci. La douzième exigence est relative à la réduction de la taxation totale de la production de cacao à un niveau n’excédant pas 22% du prix Caf. La dernière exigence est en rapport avec la reforme de la gouvernance dans la filière café-cacao. La mission du Fmi, effectuée du 06 au 13 juin et les différents lobbyings en Côte d’Ivoire, en France et aux Etats Unis ont permis d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE.
Jean Eric ADINGRA
L'initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) est un mécanisme qui vise à assister les pays les plus pauvres du monde en rendant leurs dettes internationales « soutenables ». En 1996, la Banque mondiale et le FMI ont lancé l'initiative en faveur des PPTE pour créer un cadre dans lequel tous les créanciers, y compris les institutions multilatérales, peuvent alléger la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés au monde afin d’assurer la viabilité de leur dette et de réduire ainsi la charge que le surendettement fait peser sur leur croissance économique et leur lutte contre la pauvreté.
Il y a fondamentalement quatre critères d’éligibilité. A savoir, n'être éligible qu'à une assistance concessionnelle de la part du FMI et de la Banque mondiale, faire face à un niveau d'endettement insoutenable, avoir parfaitement mis en ?uvre des réformes et de saines politiques économiques dans le cadre de programmes soutenus par le FMI et la Banque mondiale, avoir formulé un document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP).
Comment en sommes-nous arrivés-là ?
C’est en 1998 que la Côte d’Ivoire a obtenu son éligibilité au programme PPTE, conditionnée par la libéralisation complète du secteur du café pour la période 1998-1999. Mais le coup d’Etat de 1999 vient desservir la Côte d’Ivoire qui n’a pu atteindre le point de décision en mars 2001. A partir de cette date, la Côte d’Ivoire repart encore à l’assaut avec l’espoir d’obtenir le point de décision en 2002. Mais la crise militaro-politique de septembre se dresse encore comme un obstacle. Ne dit-on pas que découragement n’est pas ivoirien ? Les autorités de l’époque, après la stabilisation de la situation, enclenchent alors de nouvelles reformes et repartent à l’abordage. Cela débouche en 2007 sur un nouvel accord avec le FMI et la Banque mondiale qui se matérialise par l’apurement des arriérés vis-à-vis des créanciers multilatéraux et l’élaboration d’un Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). Toute chose qui a permis l’atteinte du point de décision de l’initiative PPTE en mars 2009. Cela permet à la Côte d’Ivoire de bénéficier d’un allègement intérimaire du service de sa dette exigible. Ainsi, ce 27 mars 2009, le Conseil d’administration du FMI adopte un programme économique et financier sur la période 2009-2011 soutenu par la facilité élargie de crédits (FEC) assorti de l’obtention du point de décision de l’Initiative PPTE en faveur de la Côte d’Ivoire le 31 mars 2009. Ce nouveau programme économique et financier triennal ouvre la voie à la Côte d’Ivoire pour engager les négociations avec ses créanciers extérieurs en vue de l’allégement de sa dette. Ainsi, les négociations avec les pays créanciers membres du Club de Paris aboutissent à la signature d’un procès verbal agréé le 15 mai 2009 préconisant le traitement de la dette selon les termes de Cologne et l’annulation de stock lorsque le pays aura atteint le point d’achèvement de l’Initiative PPTE. Ces résultats jugés satisfaisants par le gouvernement ivoirien portent sur une annulation immédiate de dette de 845 millions de dollars EU (422,5 milliards de FCFA) ; l’allégement du service de la dette de 4 692 millions de dollars EU (2 346 milliards de FCFA) à 391 millions de dollars EU (195,5 milliards de FCFA) et le rééchelonnement du stock résiduel à moyen et long termes. Le Gouvernement ivoirien ne lâche pas prise et poursuit les reformes. Après la crise post-électorale aiguë qui dure de novembre 2010 à avril 2011 et qui affecte négativement sa situation économique et financière, la Côte d’Ivoire repart de l’avant. Le second semestre 2011 est marqué par la stabilisation de la situation politique et la reprise de l’activité économique. Les perspectives de développement s’avèrent prometteuses avec une croissance prévue supérieure à 8% en 2012. Les performances économiques s’inscrivent dans un cadre macro-économique solide appuyé par le FMI. Un accord intervient avec le Club de Paris le 15 Novembre 2011. Il fait suite à l’adoption par le FMI d’un nouveau programme économique et financier pour la période 2012-2014 au titre de la Facilité élargie de crédit (Fec). Le calendrier secret est de décrocher le précieux sésame, c’est-à-dire le point d’achèvement de l’initiative PPTE au plus tard en 2011. Mais la crise post-électorale qui survient, annihile le travail de Charles Koffi Diby, ministre de l’Economie et des Finances qui conduisait depuis quelques années ce dossier. Mais avec l’avènement de Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire se retrouve encore dans les starting-blocks. Les autorités ivoiriennes renouvellent leur confiance au ministre Diby qui engage de nouvelles reformes sous la conduite éclairée de l’ancien Directeur général adjoint du Fmi.
Le président ivoirien s’implique lui-même dans le lobbying, accompagné de l’argentier du Gouvernement ivoirien qui jouit déjà d’une bonne réputation auprès des institutions de Bretton Woods. La mise en ?uvre satisfaisante du programme économique et financier amène le conseil d’administration du FMI à approuver, courant-mai, la première revue de ce programme. L’approbation de cette revue est une condition clef au franchissement du point d’achèvement de juin.
Mise en œuvre des 13 déclencheurs
La réforme du secteur café/cacao est bouclée fin 2011 avec la création du Conseil du Café et du Cacao chargé de superviser la gestion de l’ensemble du secteur. De janvier à mai 2012, la Côte d’Ivoire met les bouchées doubles sur les conseils avisés du chef de l’Etat ivoirien. Une vraie course contre la montre s’engage. En mai, les 13 déclencheurs du point d’achèvement de l’initiative PPTE sont remis par le ministre Diby au Fmi et à la Banque mondiale. A savoir : le Dsrp, le maintien de la stabilité macro-économique, la publication trimestrielle de l’état d’exécution budgétaire, la certification de conformité par l’organe compétent du projet de loi de règlement par un exercice budgétaire, la mise en place d’une entité de régulation des marchés publics opérationnelle, la publication trimestrielle, dans le bulletin des marchés publics, de la liste de tous les marchés passés. Il faut aussi ajouter, les résultats liés à l’augmentation du nombre d’accouchements assistés par du personnel de qualité (65%). Pour cette exigence, l’on note un taux de réalisation passant de 67,5% en 2010 à 69,2% en 2011. La huitième exigence tourne autour de la distribution à 90%, aux écoliers inscrits dans l’ensemble des écoles primaires publiques, de trois manuels (Français, mathématiques et éducation civique et morale). Sur la période 2009-2012, le taux de couverture est de 93,5% de manuels scolaires distribués. L’autre point est relatif à la publication trimestrielle sur le site internet du Trésor, des données sur la dette extérieure et intérieure publique garantie par l’Etat. Le dixième déclencheur porte sur la publication régulière d’un rapport sur les paiements effectués à l’Etat par les industries extractives et les recettes reçues par l’Etat de ces mêmes industries-mines, pétrole et gaz conformément aux critères de l’Itie (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) avec un rapport annuel récent, durant au moins l’année précédant immédiatement le point d’achèvement de l’initiative PPTE. Un autre point concerne la publication annuelle des états certifiés de Petroci. La douzième exigence est relative à la réduction de la taxation totale de la production de cacao à un niveau n’excédant pas 22% du prix Caf. La dernière exigence est en rapport avec la reforme de la gouvernance dans la filière café-cacao. La mission du Fmi, effectuée du 06 au 13 juin et les différents lobbyings en Côte d’Ivoire, en France et aux Etats Unis ont permis d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE.
Jean Eric ADINGRA