La Côte d’Ivoire vient d’être admise au rang des pays à qui une partie de leur dette devra être remise au titre de l’initiative ppte (pays pauvres très endettés). En effet, depuis le mardi 26 juin 2012, les institutions de Breton Woods que sont la Banque mondiale et le Fmi ont certifié cet acte qui fait de ce pays un bénéficiaire de cette manne du club de Paris et des autres institutions financières. Cependant, bien que saluée par la plupart des ivoiriens, les autorités y compris, cette confirmation vient démontrer à quel point la Côte d’Ivoire est loin de pouvoir voler de ses propres ailes pour le moment. Alors qu’on nous a annoncé que la Côte d’Ivoire sera un pays émergent d’ici 2020, on applaudi aujourd’hui qu’elle soit un pays pauvre très endetté. Il faut dire que cela ne doit en aucun cas faire la fierté des ivoiriens. C’est une honte pour le pays et ses fils. Selon les textes, l'initiative pays pauvres très endettés (Ppte), est une initiative qui vise à assister les pays les plus pauvres du monde en rendant leurs dettes internationales « soutenables ». Loin de nous a donner à un exercice pédagogique, nous pouvons cependant dire que l’adjectif qualificatif ‘’pauvres’’ précédé de l’adverbe ‘’plus’’ qui montre que ces pays sont d’une extrême pauvreté, ne laisse aucun doute sur le fait que la Côte d’Ivoire est encore au bas de l’échelle des pays qui sont sur la voie du développement. Faut-il le rappeler, pour bénéficier d’une assistance au titre de l’initiative Ppte, un pays doit faire face à une charge de la dette insupportable, hors du champ des mécanismes d’allègement de la dette traditionnellement disponibles. C’est l’une des quatre principales conditions pour être éligible. Mais pourquoi la Côte d’Ivoire peut-elle se retrouver à ce rang si le pays était considéré comme la locomotive de la sous région ? Il y a un paradoxe. En effet, certains pays tels que la Corée du sud, le Brésil et bien d’autres encore n’étaient pas du tout enviés par la Côte d’Ivoire il y a quarante années. Mais aujourd’hui, la tendance est renversée. Alors que le pays dispose de ressources minières et agricoles importantes, il est réduit aux rangs des pays pauvres très endettés. Comment voulez-vous que les ivoiriens s’en réjouissent ? Faut-il être déclaré ppte avant d’être un pays émergent ? C’est vraiment une pure humiliation pour le pays d’Houphouët Boigny. Avant de s’en allé du monde des vivants, le vieux a pratiquement posé toutes les balises nécessaires pour faire de la Côte d’Ivoire un pays incontournable dans la sous région. Qu’ont fait ses successeurs pour que le pays soit réduit à ce titre aujourd’hui ? De 1970 à 1980, la Côte d’Ivoire jouissait d’une aisance financière. Quand bien même de 1980 à 1990 le pays a connu quelques difficultés, les déclencheurs économiques n’étaient pas aussi en berne que ça. Entre la mort de Félix Houphouët-Boigny et 1998, la Côte d’Ivoire était encore un pays relativement riche avec une administration qui fonctionnait et disposant de marges de manœuvre financières réelles. Mieux, au lendemain de la dévaluation du franc Cfa en janvier 1994, la situation financière de la Côte d’Ivoire s’est brusquement et fortement améliorée sous les trois effets combinés du changement de parité, de la remontée des cours du cacao et du café, et de l’afflux d’aide extérieure. Avec une croissance de près de 6 % par an en moyenne, le nouveau gouvernement du président Henri Konan Bédié disposa pendant cinq ans de marges de manœuvre considérables pour entamer un changement de régime et de modèle. Alors qu’est ce qui n’a pas marché après Bédié ? Dire que la Côte d’Ivoire est un pays pauvre très endetté aujourd’hui est une insulte pour les ivoiriens et à la mémoire du père fondateur. Les autorités ne doivent pas s’en réjouir. Quand on sait surtout que l’étiquette de ‘’mauvais payeur ‘’ sera collée à la Côte d’Ivoire pour toute la vie. Il faut plutôt penser à une gestion efficiente des ressources et à la préservation des acquis pour espérer faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent. Car on ne peut aspirer être un pays émergent et en même temps applaudir parce qu’on est Ppte. C’est vrai, il faut saluer les efforts du ministre de l’économie et des finances, Charles Diby Koffi et du Président Alassane Ouattara, mais la réalité est implacable. La Côte d’Ivoire est très pauvre et très endettée. Et les ivoiriens qui visiblement ne comprennent pas ces rouages macroéconomiques – du moins dans leur grande majorité, seront eux aussi très très pauvres et très très endettés. C’est la nouvelle donne et il faut simplement s’en accommoder.
Lazare Kouadio
Lazare Kouadio