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Editorial Publié le mardi 10 juillet 2012 | Ivoire-Presse

Etat, Parents, Enfants et Etudes : quel avenir ?

© Ivoire-Presse Par DR
Réseau des femmes musulmanes d’Afrique, section Côte d’Ivoire (Refmaci): Pr Hadja Touré-Diabaté Tenin, présidente
Photo: Pr Hadja Touré-Diabaté Tenin, présidente du Réseau des femmes musulmanes d’Afrique, section Côte d’Ivoire (Refmaci)
Introduction

Suite à une étude réalisée sur un échantillon de cinq cents élèves et étudiants dans le cadre de nos activités de recherche, cet article donne un bref aperçu des relations Etat, Parents et Enfants dans la perspective de la construction d’un avenir porteur. A l’orée de la rentrée universitaire, alors que les travaux de restauration de l’Université avancent à grands pas, force est de constater que le débat sur la finalité de l’école s’instaure dans la société en ces termes : comment sauver l’Université après des années de crises qui ont fini par la pervertir ; comment instaurer l’ordre, la discipline et le travail ? Enfin, quel avenir pour nos enfants ?.
L'éducation, base du développement de toute nation s'impose comme secteur prioritaire dans l'élaboration de toute stratégie de développement. Il est difficile d'espérer produire un capital humain si rien n'est fait dans le sens de l'amélioration de la qualité et de la quantité de l'offre et de la demande de scolarisation. C'est aux états d'innover, c'est à eux d'identifier les secteurs sources d'impulsion et d'amélioration de la qualité de l'éducation. La nécessité pour la Côte d'Ivoire d'identifier les interventions nécessaires pour améliorer les différents indicateurs de scolarisation est aujourd'hui une exigence incontournable. Mais avant, une analyse sociologique des relations Etat, Parents et Enfants s’avèrent nécessaire, quand on sait que l’Ecole ivoirienne a été pervertie, en particulier les temples du savoir universel : les universités, ce qui l’a basculé dans la médiocrité et la violence quinze années durant.
La production de capital humain constitue une des clés importantes du développement économique et social à moyen terme d'un pays et il est important que soient déterminées les voies par lesquelles le système éducatif dans son ensemble peut apporter sa contribution à cet objectif global, sachant que le rôle de l'éducation est par ailleurs crucial dans la perspective du développement économique et social du pays. Le contexte nouveau lié à la crise que traverse la Côte-d'Ivoire, demande qu'une politique éducative nouvelle soit élaborée et que des arbitrages budgétaires sensibles au genre soient suffisamment favorables au secteur.

Le but de cet article est double ; Il s'agit dans un premier temps d’instaurer un dialogue entre les parents et leurs enfants et ensuite de fournir un état du vécu des enfants boursiers ou non dans le pays ou hors du pays en identifiant les variables d'action afin d'aboutir à une amélioration du système éducatif.

L'article est structuré en deux parties. La première partie donne une situation des parents et des enfants après la réussite à un examen débouchant sur une fin de cycle d’enseignement.
La seconde partie aborde les analyses empiriques faisant un diagnostic approfondi du système éducatif à partir du cursus des enfants.

1. Etudes et Réussite de l’enfant : le dilemme des Parents
L’Enfant a réussi son examen ! Félicitations, Bravo ! Maintenant, c’est un grand ! Ça grandit tellement vite les enfants ! Et maintenant, que va-t-il faire ?
QUE va-t-il étudier?

Le système éducatif ivoirien possède deux fins de parcours considérés comme des escales, des débuts d’étapes plus sérieuses, pendant lesquels chaque élève et chaque parent d’élève se pose cette question : QUE va-t-il étudier ?

Après le BEPC, examen de la classe de 3ème, fin du premier cycle secondaire, fin du Collège, début de l’aventure Lycée. L’élève poursuivra-t-il sa scolarité ? Si oui, dans le circuit professionnel, technique ou général ? Et dans quel série fera –t-il sa classe de seconde (A1, A2, A3, B, C, D, E, F, G1, G2…). Et quelle sera la série de sa classe de Première, et celle de sa classe de Terminale ? Dans quelle série, passera-t-il l’épreuve du Baccalauréat ?

2. La construction de l’Avenir de l’Enfant et du Pays

Après le Baccalauréat, examen de la classe de Terminale, après avoir terminé le Secondaire, c’est le début de l’Université. Quelle profession embrasser ? Quelles études choisir ? Quel(s) projet(s) d’avenir construire ?

Des questions qui exigent très tôt des réponses car tout s’enchaînera par la suite. L’avenir appartiendra à ceux qui répondront tôt à cette question.

Pour y répondre, l’élève ou l’enfant est le PREMIER concerné. C’est lui , qui connaît ses forces et ses faiblesses, ses rêves et ses ambitions. Pour l’aider et le conseiller, l’Etat qui sait quels métiers promouvoir et quelles études financer. Pour l’encourager et le soutenir (notamment financièrement), les Parents, sont prêts à tout (souvent théoriquement !) pour assurer le bonheur de leur progéniture.

Dans ce schéma théorique, idéal, comment se tromper ? L’élève sait ce qu’il veut, l’Etat conseille et oriente, les Parents surveillent et accompagnent. Trois forces, Trois volontés pour asseoir un avenir à l’Enfant et au Pays.

En réalité, le constat est amer, désastreux, révoltant et dégoûtant.

L’élève NE SAIT ni ce qu’il veut ni ce qu’il ne veut pas ni ce qu’il vaut, l’Etat a complètement DEMISSIONNE, les Parents IMPOSENT leur volonté et leurs rêves. Trois pouvoirs, Trois styles qui naviguent à vue pour mener à néant un avenir à peine germé, au détriment de l’Enfant et du Pays. Voilà, la Réalité du système éducatif ivoirien. Comment construire dans de telles conditions, un Pays émergent ?

Le môme ne veut plus être docteur, avocat, pilote d’avion ou journaliste. Il veut ETRE RICHE VITE ET (si possible) LONGTEMPS. Il ne choisit pas une série par rapport à ses ambitions ou à ses aptitudes mais par rapport au nombre d’amis qui s’y trouvent. Il ne veut pas être d’un corps professionnel par rapport à ses rêves ou à ses projets mais parce qu’il constate qu’actuellement les avantages pécuniaires et/ ou sociaux y sont considérables. Plus tard, il ne voudra pas d’une expérience professionnelle mais plutôt d’un emploi rémunérateur éternel parce qu’il ne voudra pas regarder à la dépense ni investir ni économiser (Epicurien ou rien!)
Les conseillers d’orientation sont désorientés, les établissements professionnels sont inertes, le programme scolaire est personnalisé par établissement, le système Technique récupère ceux que le Général n’a pu intégrer faute de place, la Compétence est ridiculisée au bénéfice de la Médiocrité qui est récompensée par les meilleures places, l’Etat ignore les termes ‘‘gestion, valorisation et promotion des emplois’’, il ignore le nombre et la qualification de personnes formées à l’intérieur comme à l’extérieur du pays (combien sont-ils les jeunes ivoirien en cours de formation ?), il ignore la nature et l’importance de ses besoins en professionnels, il ne sait plus quel(s) rôle(s) jouer dans l’éducation.

Et les parents, les chers parents, qui se retrouvent seuls et uniques investisseurs à temps plein dans l’éducation de leurs enfants. De mécène à dictateur, il n’ya qu’un pas, ce pas est vite et agréablement franchi par la plupart des parents.

Le choix des études financées ne sera pas guidé par les aptitudes, les désirs ou les ambitions de l’enfant. Ce choix sera effectué par rapport à la volonté parentale de voir son enfant, ce « mimi-lui », ce ‘‘clone’’ cadeau du ciel, exercer une profession qu’il a si ardemment voulu exercer (mais hélas, le destin en a décidé autrement) ; ce choix sera orienté vers les secteurs dans lesquels on connaît le mieux des amis futurs pistons ; ce choix sera animé par les ambitions sociales qu’ont les parents pour leur enfant ; ce choix sera celui que le parent estime le meilleur pour l’enfant, que ce dernier le veuille ou non.
Le résultat est pitoyablement affreux ! L’enfant est en somme LIVRE A LUI-MEME. Nous avons dès lors que deux grandes catégories possibles : celle de l’Enfant qui réagit et décide de se prendre en mains et celle de l’Enfant qui laisse faire. Que l’enfant étudie à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, les constats sont les mêmes. Nous avons tous des exemples auprès de tous, à moins d’être nous-mêmes des exemples. Frappants, parlants, désespérés.

3. CATEGORIE 1 : L’ENFANT SE PREND EN MAINS

L’enfant apprend à se connaître. Il connaît ses rêves et ne les refoule pas. Il veut être artiste, chirurgien, vendeur de drogue, géologue, juge, gynécologue, esthéticien, policier ou cambrioleur. Il a de l’ambition, veut avoir de l’argent, être « quelqu’un », être inscrit, voyager, être célèbre. Il en parle. Dès que la question « Qu’est-ce tu veux être plus tard ? » lui est posée, il répond.

Bien sûr, généralement, la réponse change au fil des ans. Mais, comme la signature, il arrive un moment où le secteur d’activité désiré reste le même. Ou le secteur méprisé.
Quand les parents adhèrent, tout va pour le mieux. L’enfant avance vers son but et se bat pour. Il est MOTIVE.

Dans le cas contraire, les parents font barrage. Certains expliquent et discutent. D’autres imposent purement et simplement (après tout, c’est eux qui payent !). L’enfant essaie de convaincre : par les bonnes notes, l’ardeur au travail, la volonté d’aller jusqu’au bout. Des fois, cela suffit. D’autres fois, non. Alors, l’enfant RUSE.

Il joue le jeu des parents (c’est eux, les bailleurs de fonds, on danse donc sur leur musique !). Il suit le circuit qu’ils veulent. Il réussit sans briller mais il réussit quand même. Les parents sont enchantés et naturellement ne voient aucun inconvénient à envoyer l’enfant poursuivre ses études, comme il l’a demandé, loin d’eux : à l’intérieur du pays ou à l’extérieur.
Une fois hors d’atteinte parentale, l’enfant s’inscrit et poursuit ses études dans la filière de son choix, SANS AVISER SES PARENTS qui continuent à financer sans se douter de rien. Dans des cas plus rares, l’enfant se trouve une petit boulot, question de financer lui-même la filière tant désirée.

Souvent, l’enfant doit fournir des efforts considérables pour s’en sortir car sa formation est en inadéquation avec le niveau qu’il vise. Ou parce qu’il est obligé de suivre des formations parallèles. Mais, il se lance dans la bataille pour réaliser son rêve. Et généralement, REUSSIT.

En cas de contrôle parental, l’enfant FRAUDE et MENT: il falsifie les bulletins et les diplômes, invente des histoires pour retarder l’expédition de documents universitaires, fait croire qu’il reprend sans cesse, s’inscrit dans les deux filières (celle de papa-maman et celle de son choix), envoie les résultats souvent désastreux de la première ( aux cours de laquelle il ne participe même pas ou de façon strictement nécessaire) et conserve les bons résultats de la seconde (dans laquelle il s’investit totalement).

En fin de cycle, de retour auprès des parents, l’enfant leur présente son (ses) diplôme(s) et entame son parcours professionnel. Les parents sont stupéfaits, bernés et furieux. D’aucuns pardonneront, d’autres laisseront difficilement passer.

Plus fréquemment, l’Enfant attend d’être adulte, bien intégré dans le tissu social. Il lâche alors tout, se finance SES études et devient l’être humain qu’il a toujours voulu être.

Au final, l’Enfant a REUSSI (embauche rémunérée, vie sociale, vie familiale). Car les chances de réussite d’une personne impliquée et motivée sont nettement supérieures à celles d’une personne contrainte et forcée. L’enfant est donc HEUREUX. N’était-ce pas le but visé ?
Comme nous pouvons le constater, un tel scénario exige beaucoup à l’Enfant : une Connaissance de soi, une Volonté de fer, une Rage de prouver sa valeur, un pouvoir de Persuasion, une Combativité, une Passion, une Organisation, un comportement Studieux et Responsable.

Tous les Enfants ne s’éduquent pas de cette manière, ne recherchent pas ces valeurs et généralement, confrontés à autant de difficultés, ils laissent faire.

4. CATEGORIE 2 : L’ENFANT BAISSE LES BRAS

L’Enfant ne connaît pas ses aspirations. Il ne se connaît pas et ne cherche pas à le faire. Il souhaite, comme tout le monde, être riche et « nager » dans le bonheur, dans le bien être. Le hic ! C’est qu’il ignore comment faire, quels moyens aborder pour arriver à ses fins. Il compte alors sur la société, ses parents, la Chance, Dieu, le Destin.

S’il est entouré de bons conseillers, tout va pour le mieux. Sinon, il accumule les formations achevées ou non, les diplômes valables ou non, il attend le coup du Sort qui l’aidera. Sans projet fixe, il attend l’aide d’autrui pour lui trouver quelque emploi rémunérateur qu’il accomplira sans passion, ni envie, ni ambition.

On obtient alors des secrétaires désagréables, des médecins au serment « d’hypocrite », des sages-femmes « aigries », des professeurs peu scrupuleux, des douaniers « escrocs », des juges laxifs, des institutrices colériques, des policiers « alcooliques », et toute une Nation qui se PERD.

Dans les cas où les aspirations de l’Enfant sont anéanties au bénéfice de celles des parents, on observe généralement à un suivisme absolu de la part de l’Enfant qui DEÇU, DEMOTIVE, DESILLUSIONNE, s’inscrit dans la filière imposée, n’assiste pas aux cours et redouble sans cesse. Ou ne s’inscrit pas et dilapide l’argent expédié (fiestas, alcool, drogue, shopping etc.).

Il attend que ses parents, découragés, jettent l’éponge et le laisse faire ce qu’il a décidé. En attendant, il GASPILLE son temps, sa jeunesse, sa santé, son avenir. Qu’importe…

Pire ! Souvent, l’Enfant en agissant ainsi, nourrit le dessein de punir ses parents : au lieu de l’enfant modèle, de l’enfant que l’on montre fièrement, dont on s’enorgueillit, il s’évertue à faire figure de « Vilain petit canard », d’enfant de la honte, par qui on ridiculise ses parents qui deviennent objet de moquerie et de pitié. Tant pis, si simultanément c’est son avenir qu’il écrabouille tout comme son estime de soi et toutes ses ambitions (quand elles existent) : FURIEUX, DEGOÛTE par la vie, il s’AUTODETRUIT et affirme ses parents, voire tout le système, RESPONSABLES de sa déchéance.

Des fois, le suivisme absolu de l’Enfant s’opère sans révolte aucune. L’Enfant se fond dans le moule parental et social. Alors, frustré, lésé, castré, ferré, il s’ennuit, devient irritable voire violent. Son travail l’énerve à un haut point et là encore, on retrouve les secrétaires désagréables, les médecins au serment d’hypocrite, les sages-femmes aigries, les professeurs peu scrupuleux, les douaniers escrocs, les juges laxifs, les institutrices colériques, les policiers alcooliques : c’est t toute la Nation qui se PERD.

Parfois, cet Enfant, blessé, se venge au sein de sa propre famille : sur son (sa) conjoint (e) ou sur ses enfants. Il est à son tour, autoritaire à l’extrême : il a souffert de l’autorité, il fera souffrir par les mêmes moyens ! La famille portera les conséquences à court, moyen et long terme.

En somme, l’Enfant est MALHEUREUX. Comment aurait-il pu en être autrement ?

Toute une vie gâchée, toute une génération ravagée, toute une Nation retardée, à cause d’une petite erreur d’ORIENTATION sans se soucier du développement du capital humain de la Nation.

C’est inconcevable qu’un Bachelier ne sache pas ce qu’il va faire de sa vie. C’est inconcevable qu’un parent ne sache pas ce que son Enfant veut faire de sa vie. C’est inconcevable que l’Etat ne sache pas de quel type de professionnels il a besoin sur telle période. Le système éducatif ivoirien actuel est INCONCEVABLE.

5. Que faire ? REPENSER le système et le BONIFIER. REPENSER LE SYSTEME EDUCATIF

L’Enfant doit apprendre à savoir ce qui veut faire plus tard ou au moins, ce qu’’il ne veut pas faire. A travers rédactions, dissertations et réflexions, le programme scolaire doit pousser l’Enfant à s’interroger, à identifier ses rêves, ambitions et désirs.

Les parents doivent être attentifs, tout comme le corps enseignant, aux aptitudes de l’Enfant afin de mieux l’orienter dans le système adéquat et ne pas lui faire perdre du temps inutilement.

Accepter le fait que l’école soit un moyen et non une finalité, une destination ou un passage obligatoire pour réussir dans la Vie. Ce qui compte, c’est l’Ambition, la Connaissance de soi et la Volonté.

Inculquer dès le plus bas âge que pour réussir dans la vie, Trois notions sine qua non à retenir : le SAVOIR, le SAVOIR-FAIRE et le SAVOIR-ETRE. Pour bien réussir, il faut posséder et appliquer au moins 2 de ces notions.

La profession n’est pas intimement liée à la filière d’études que l’on a suivie. L’école, les formations nous permettent d’identifier et de développer nos potentiels. Ces derniers peuvent alors s’appliquer dans plusieurs autres domaines différents de ceux envisagés par notre formation initiale. Il ne faut pas donc considérer comme incongrue ou inapproprié le fait d’exercer un métier, qui de prime abord ne correspond pas à la formation reçue. Savoir s’adapter et Apprendre sur le tas (en se servant de tous nos potentiels) doivent être aussi des outils aiguisés à l’école.

Bien entendu, l’Etat doit assurer une formation idéale, adaptée et diversifiée. Tous les secteurs économiques (primaire, secondaire, tertiaire, informel) doivent être efficacement éduqués et équilibrés. Tout comme les autres domaines sociaux (santé, éducation, sécurité, artisanat, tourisme, etc.). Toutes les formations socio-économiques sont importantes et égales en intérêt.

Enfin, pour guider au mieux les Enfants, ces citoyens de demain, l’Etat doit miser sur le Patriotisme, l’Esprit d’Entrepreneuriat, le Civisme et la Morale.

Auteur : Mme Touré Diabaté Ténin, Enseignante-chercheur
Présidente du Réseau des Femmes Musulmanes Africaines-Section de Côte d’Ivoire
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