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Art et Culture Publié le mercredi 18 juillet 2012 | Ivoire-Presse

17 Juillet, Journée Internationale de la Justice : La Côte d’Ivoire sur le pendule de la Justice

© Ivoire-Presse Par DR
Centre International pour la Justice Transitionnelle (ICTJ) : Mohamed Suma, expert international
Le 17 Juillet, la Côte d’Ivoire se joindra au reste du monde pour célébrer la Journée Internationale de la Justice, pour la commémoration de l`adoption du Statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale (CPI), il y a quatorze ans. Depuis son introduction en 2010, cette journée souligne l`importance des efforts internationaux pour obtenir la justice et crée une plateforme pour ceux qui soutiennent cet objectif leur permettant de faire entendre leurs voix. Bien que n`étant pas un État partie au Statut de Rome, la Côte d’Ivoire a accepté la juridiction de la CPI par le biais d`une déclaration ad hoc en avril 2003 et, en décembre 2010, — suite à la crise postélectorale — elle a réaffirmé cette déclaration.

Voilà plus d`un an que la Côte d’Ivoire a entamé une transition critique, après une décennie de guerre civile qui avait divisé le pays et entraîné des violations généralisées des droits de l`homme, des déplacements forcés, des pertes en vies humaines et des pertes matérielles. Suite à la fin du conflit en avril 2011, le gouvernement élu a mis en place deux mécanismes d`enquête et une Commission vérité. La Cellule Spéciale d`Enquête (CSE) a pour mandat de réaliser des enquêtes judiciaires sur les violations graves qui ont eu lieu pendant la crise. La Commission Nationale d’Enquête (CNE) est, quant à elle, chargée de réaliser des enquêtes non judiciaires sur les graves atteintes aux droits de l`homme perpétrées pendant cette période. Et enfin, la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) a reçu mandat d`améliorer la réconciliation et de renforcer la cohésion sociale entre toutes les communautés vivant en Côte d’Ivoire.

Dans le même temps, suite au renouvellement de la reconnaissance de la juridiction de la CPI par les nouvelles autorités, la Cour a été invitée à entamer des enquêtes sur la crise postélectorale. Jusqu`à présent, seul l`ancien président, Laurent Gbagbo, a été inculpé par la CPI et est en détention. Néanmoins, la Chambre préliminaire de la CPI a récemment autorisé le bureau du procureur à étendre les enquêtes, et l`on s`attend à ce que d`autres suspects soient inculpés.

Pour la Côte d’Ivoire, la célébration de la Journée internationale de la justice offre donc une possibilité d`éveiller les consciences sur les mesures provisoires prises jusqu`à présent dans la lutte contre l`impunité et la consolidation de la paix.

Il est toutefois important de noter que la justice, particulièrement pour les crimes de l`ampleur et de la nature de ceux qui ont été commis en Côte d’Ivoire, ne se limite pas à la justice pénale. La Côte d’Ivoire a besoin d`une approche globale favorisant les droits des victimes et aidant à prévenir de futurs crimes qui seraient une menace à la paix et à la sécurité de la nation ; une approche globale qui inclut la justice pénale, la vérité, les réparations, et les réformes des institutions, qui reconnait les droits des citoyens et aide à consolider la paix. La décision des nouvelles autorités de Côte d’Ivoire de créer la Commission vérité a donc été opportune et bienvenue.

Cependant, beaucoup reste à faire pour apporter une réponse globale aux atrocités qui ont été commises. Les trois mécanismes nationaux de justice transitionnelle créés jusqu`à présent ont connu des difficultés fondamentales. Le manque de consultation constructive de la part des autorités avec les victimes et la société civile a sapé la compréhension et les objectifs de ces mécanismes, ainsi que la confiance du public dans ces mécanismes.
Leurs mandats manquent également de force à d`autres égards, notamment dans l`éventail des pouvoirs légaux dont ils disposent et la mesure dans laquelle ils comportent des niveaux appropriés de conscience des questions relatives à l`égalité entre les hommes et les femmes. Ces lacunes font que les groupes de la société civile et plusieurs autres groupes d`intérêt estiment que ces institutions n`ont pas assez de légitimité et offrent peu de garantie d`indépendance et d`impartialité. Il existe également une préoccupation légitime au sein de la population et des observateurs de la Côte d’Ivoire qu`une “justice des vainqueurs” va l`emporter, si les mécanismes d`enquête continuent leur tendance actuelle de ne se pencher que sur les crimes commis par les partisans du président déchu.

Afin d`atteindre les résultats escomptés de justice, de paix durable et de réconciliation, les trois mécanismes doivent s`assurer de faire leur travail de façon équitable et indépendante vis-à-vis de toutes les parties au conflit ; faute de quoi, ils risquent de se nuire mutuellement et de détruire le capital important que les nouvelles autorités ont investi dans ces trois mécanismes.

Un suivi attentif de ces mécanismes montre que la CDVR va bientôt passer de la phase préparatoire de son travail au stade de la mise en œuvre, en se lançant dans des consultations. Afin d`être perçue comme étant efficace et crédible, elle doit s`ouvrir à la société civile et aux groupes de victimes, et permettre la mise en place d`une vraie coordination avec les autres mécanismes.

La CSE, pour sa part, devrait élaborer une cartographie détaillée des crimes perpétrés par toutes les parties, concevoir une bonne stratégie en matière d`enquête et de poursuites, et s`assurer que les poursuites sont principalement fondées sur les preuves. La CNE a terminé ses enquêtes et est entrain de mettre la dernière main à son rapport. Ses conclusions et de ses recommandations devraient être formulées non seulement à l`attention du président, comme l`exige ses attributions, mais aussi être ouvertes au public.

Par ailleurs, la Côte d’Ivoire a besoin de renforcer ses initiatives de réforme des institutions de gouvernance, particulièrement dans les domaines de la sécurité et de la justice, grâce auxquels elle peut garantir que les violations qui ont été commises ne se reproduisent plus. La question des réparations doit également être prise au sérieux. Les ressources disponibles doivent être examinées, des priorités adéquates doivent être établies et une planification créative doit être faite pour ce qui est des mesures matérielles et symboliques qui doivent être adoptées pour traiter des questions ayant trait aux droits des victimes en de telles circonstances.

Donc, au moment où nous célébrons la Journée internationale de la justice, il est du devoir des différentes institutions de justice transitionnelle de s`engager à s`assurer de la dignité de toutes les victimes en Côte d’Ivoire, quelles que furent leurs allégeances, vraies ou supposées, pendant le conflit. Afin que ces mécanismes puissent offrir l`espoir d`un changement significatif, elles doivent garantir la consultation et la participation de la société civile et des victimes, la transparence et la coopération entre les différents mécanismes.

Mohamed Suma
Centre International pour la Justice Transitionnelle (ICTJ)
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