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Société Publié le jeudi 2 août 2012 | Courrier d’Afrique

Delesse Schwisenberg Présidente de l`ONG Prestige Afrique

© Courrier d’Afrique Par DR
Delesse Schwisenberg Présidente de l`ONG Prestige Afrique
“ Ensemble pour bâtir une Côte-d’Ivoire forte ”
Cahin-caha, la Côte-d’Ivoire se relève de plusieurs années de crise. Seulement la reconstruction du pays passe par une véritable réconciliation. Dans cet élan, une brave femme, en solitaire, se bat avec toute l’énergie qui lui reste pour réconcilier les ivoiriens et favoriser le retour des exilés. Initiative louable, Courrier d’Afrique est allé à sa rencontre.

Propos recueillis à Abidjan par Edgard Kaho

Courrier d’Afrique : Madame, vous avez plusieurs casquettes, laquelle préfériez-vous que nous utilisons pour cette interview ?

Madame Delesse Schwisenberg : Merci Monsieur, à votre convenance, je m'en accommoderai, votre choix sera le mien. L’important étant de vous sentir à l'aise pour la conduite de cette interview. Vous avez la liberté de choisir, je vous en prie.
Pour le compte de l'ONG Prestige Afrique, utilisons donc votre casquette de présidente. Pilote de formation, retenons entre autres que vous avez été Diplomate, Conseiller spécial à la présidence de la république et proche collaboratrice de Laurent Gbagbo.

Comment envisagez-vous aujourd’hui « le vivre ensemble » qui se dit sur toutes les lèvres?

Je vous remercie, le vivre ensemble n'est en réalité qu'un pan du vaste chantier de la réconciliation. Et l'on ne saurait dissocier le vivre ensemble du processus de réconciliation.

Madame la présidente, avec l'ONG Prestige Afrique, on vous retrouve sur le terrain de la réconciliation. Quelle est votre plan d'action?

L’ONG Prestige Afrique que je préside, est créée depuis décembre 2000. A l’origine, son objectif premier était non seulement de permettre aux uns et aux autres de mieux faire connaître la communication, de la vulgariser mais aussi d'analyser et d'observer ses conséquences dans son aspect sociétal. Vous n'êtes pas sans savoir que la communication dans son ensemble très large fait partie des sciences et relations humaines.

Le second objectif était de venir en aide aux enfants et aux femmes en souffrance du cancer et du sida. Par ailleurs, l'ONG s’est très tôt internationalisée et édite chaque année un prix institutionnel soutenu par un jury composé d'Hommes et de Femmes expérimentés en la matière qui se trouvent géographiquement sur les quatre continents.

La différence d’appréciation tant au niveau culturel que sociologique nous a permis d’acquérir une expertise certaine, élargissant du coup, notre domaine d’intervention. Ainsi au lendemain de la rébellion armée de 2002, nous nous sommes dit, tout en continuant avec nos activités principales, de nous consacrer à la réconciliation.

Nous en avons fait un combat juste au point de primer déjà à cette époque des personnalités des Forces Nouvelles et celles de l'ancien parti au pouvoir le Fpi. C'était déjà un signal fort pour nous, car n'oubliez pas que la communication est ce mode de vie qui vous permet d'écouter, d'observer puis de participer et d'anticiper. Alors nous avons décidé dès cet instant, d'associer tous les acteurs de la vie politique et sociale à ces différents prix.

En 2008, nous avons vu vraisemblablement les signes d'un dialogue inter-ivoirien que nous avions vivement encouragé.

Pensez-vous madame la présidente, que la réconciliation sera un jour effective avec Laurent Gbagbo à la Haye, ses partisans en exil ou en prison?

Effectivement, ce triste constat ne contribue pas à apaiser les esprits les plus pessimistes sur la question de la réconciliation. Personnellement, j'en appelle à une vraie réconciliation de tous mes vœux sans laquelle les Ivoiriens et les Ivoiriennes ne pourront pas se retrouver. Croyez-moi, ce n'est pas par simple sympathie pour Gbagbo que je le dis mais pour tout le peuple de Côte d'Ivoire. L'intérêt et le bonheur de la Côte d'Ivoire se trouvent incontestablement dans une vraie réconciliation.

C'est pourquoi, je me suis donnée les moyens d'une diplomatie de proximité auprès de tous les acteurs. Peut-être que j'ai certainement trop appris auprès de Gbagbo moi qui n’étais à l'origine qu'une simple technicienne, je découvre que je suis également une adepte du dialogue prôné par Houphouët Boigny. Je ne souhaite pas qu'il ait une rupture de dialogue entre Ouattara, Gbagbo et Bédié. Bien au contraire, je les exhorte à un dialogue direct.

En ce qui concerne les personnes détenues et celles en exil, c'est également une grande préoccupation pour tous. Je milite et pardonnez-moi si le thème employé vous paraît trop politiquement correct, pour la libération des personnes détenues et le retour des exilés. Mes préoccupations ont eu un écho favorable auprès de mes interlocuteurs mais j'attends qu'ils les concrétisent en actes. C’est tous ensemble que nous pourrions prétendre bâtir une Côte d'Ivoire forte, une et indivisible.

Avez-vous gardé contact avec vos anciens collaborateurs du comité de travail des pays de la Cedeao que vous présidez à l'époque ?

Oui entre autres. Mais sachez que je n'ai pas de souci particulier avec eux. Au contraire, je suis fière de ce qu'ils sont devenus et je leur souhaite plein succès. C'est dire que j'avais des raisons de les inciter à travailler rigoureusement. Car il n'y a de récompense que pour le travail bien fait. La question que vous venez de me poser m'emmène à vous démontrer qu'effectivement je suis une enfant de la réconciliation. Je connaissais parfaitement l'appartenance politique de mes anciens collaborateurs. Ils étaient pour certains du Pdci, du Rdr, des Forces Nouvelles et pour d'autres de l'Udpci. Mais je n'en ai jamais tenu compte. Cette diversité sans exclusion était pour moi source de richesse pour le développement du projet entrepris pour la Côte d'Ivoire et pour la région. Ceci dit, ce comité a fonctionné comme une famille d'une même nation.

Madame la présidente, vous donnez aussi dans le social, où en êtes-vous aujourd'hui avec votre projet de construction d'un hôpital de cancérologie et aussi de lutte contre le sida?

Nous nous sommes investies particulièrement pour les enfants et les femmes, malades ou orphelins du cancer et du sida. Pourquoi avoir choisi de lutter contre ces deux fléaux ?

Simplement parce qu'ils sont en voie de détruire plus que le paludisme et les autres pandémies. Et la Côte d'Ivoire n'est malheureusement pas bien outillé pour y faire face.
Quand bien même ces efforts soient considérables. Nous avons fait également plusieurs dons humblement dans le but de soulager et de soutenir ceux qui en avaient tellement besoin. Le tout en appuyant nos actions sur une forte campagne de sensibilisation et d'information. C'est dans cette optique qu'est née l'idée d’un hôpital jumelé pour aider nos populations. Avec la situation de crise, ce projet s'est trouvé ralenti.

Néanmoins, nous continuons de nous y consacrer. L'accès aux soins reste une des difficultés majeures à résoudre. Car avoir accès aux soins serait en partie synonyme d’un début de guérison pour les malades. Nous en parlerons toujours avec beaucoup d'émotion. Nous avons été parfois ébranlé de voir autour de nous des personnes jeunes mourir de cancer et de sida. Finalement, nous en avons fait un sacerdoce et un combat juste.

Sans retourner le couteau dans la plaie, parlez-nous madame la présidente de votre séjour carcéral ?

Permettez que je ne réponde pas à cette question. Ce n'est pas non plus faire preuve de faiblesse mais je ne souhaite pas vous donner plus de détails sur cette question. J'ai été en prison avec mes enfants et mon mari qui s'y trouve toujours. En tant qu'épouse et mère, j'ai le devoir de les protéger et de respecter leur intimité. La seule chose que je désire, c'est la libération de toutes les personnes détenues et le retour des exilés. Tous les fils et toutes les filles de ce pays doivent se pardonner, s'accepter, se réconcilier, se reconstruire et se retrouver. Seul le langage de rassemblement doit nous unir.

Un magazine international vous classait en 2009 comme étant une Femme de pouvoir en Afrique. Qu'en pensez-vous?

Rires, en toute humilité pas grand-chose, mais je remercie ce magazine qui suit certainement mon parcours et qui a finalement émis ce jugement de valeur. Ceci étant ma proximité de l'époque avec les Chefs d'Etat et de Gouvernement y était peut-être pour quelque chose. Ce fut un grand honneur et un immense privilège d'avoir bénéficié de cela dans le cadre de mon travail. Mais sans grande prétention, je crois que je dois cela à la passion, à la persévérance, au sérieux et à la haute d'idée que j'avais de mes responsabilités.
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