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Art et Culture Publié le samedi 25 août 2012 | Ivoire-Presse

Le Réseau des femmes Musulmanes africaines (REFMA-CI) : Bilan et Perspectives

© Ivoire-Presse Par DR
Réseau des femmes musulmanes d’Afrique, section Côte d’Ivoire (Refmaci): Pr Hadja Touré-Diabaté Tenin, présidente
Photo: Pr Hadja Touré-Diabaté Tenin, présidente du Réseau des femmes musulmanes d’Afrique, section Côte d’Ivoire (Refmaci)
Introduction

L’Organisation de la Conférence islamique (OCI) est la deuxième plus grande organisation intergouvernementale après les Nations unies avec 57 Etats membres éparpillés dans 4 continents et peuplés d’un milliard et demi de musulmans. Cette Organisation est le porte-voix du monde musulman dont elle assure la sauvegarde et la protection des intérêts dans l’esprit de promouvoir la paix internationale et l’harmonie entre les différents peuples du monde.
L’Organisation a été créée sur décision du sommet historique qui a eu lieu à Rabat, Royaume du Maroc, le 12 rajab 1389 Hégire (25 septembre 1969), à la suite de l’incendie criminel de la Mosquée al-Aqsa de Jérusalem occupée.
En 1970, la première réunion de l’histoire de la Conférence islamique des ministres des Affaires étrangères (CIMAE) a été tenue à Djeddah et a décidé de mettre sur pied un secrétariat permanent basé dans cette ville et dirigé par le Secrétaire général de l’Organisation.

Ekmeleddin Ihsanoglu est le neuvième Secrétaire général à être investi de cette fonction qu’il assume depuis janvier 2005 après son élection par la 31ème CIMAE. La présente charte de l’Organisation, adoptée par le 11ème Sommet Islamique tenu à Dakar les 13 et 14 mars 2008, a fixé les objectifs et principes de l’Organisation et les moyens fondamentaux de renforcer la solidarité et la coopération entre les Etats membres.

Au cours des 40 dernières années, le nombre des Etats membres a augmenté de 25 Etats membres fondateurs à 57 Etats. La Côte d’Ivoire y est membre depuis 2001.

L’Organisation a des relations de concertation et de coopération avec l’ONU et d’autres organisations intergouvernementales, pour protéger les intérêts vitaux des musulmans et œuvrer pour le règlement des conflits dans lesquels des Etats membres se trouvent impliqués. En sauvegardant les valeurs cardinales de l’Islam et des musulmans, l’Organisation a beaucoup fait pour dissiper les préjugés et a fortement prôné l’élimination de la discrimination en l’encontre des musulmans, dans toutes ses formes et manifestations.

Les Etats membres de l’OCI se trouvent confrontés à plusieurs défis du 21ème siècle et pour faire à ces défis, la 3ème session extraordinaire du sommet islamique, tenue à Makkah en décembre 2005, a conçu un projet appelé Programme d’action décennal, qui prévoit une action commune des Etats membres, une promotion de la tolérance et de la modération, la modernisation et la réforme dans toutes les sphères d’activités y compris la science et la technologie, l’éducation, le renforcement du commerce, et insiste sur la bonne gouvernance et la promotion des droit de l’homme dans le monde musulman, particulièrement les droits de l’enfant, de la femme et des personnes âgées, ainsi que des valeurs familiales consacrées par l’Islam.

A cet effet, au cours de sa 4ème session extraordinaire, qui s’est tenue du 12 au 16 août dernier à Mina puis à la Mecque, elle y a pris une part active aux travaux de cette rencontre, dont le Président de la République, SEM Alassane Ouattara, s’est réjoui des résultats. En fait, le Chef de l’Etat, président en exercice de la CEDEAO, a demandé et obtenu de l’OIC, l’inscription de la crise malienne au nombre de ses préoccupations. Il faut noter que l’Organisation de Coopération Islamique a apprécié les initiatives prises par la CEDEAO, dans le règlement de la dite crise. Aussi, a-t-elle accepté d’accompagner désormais celle-ci et l’Union Africaine, dans ce sens.

États membres de l'OCI dont la Côte d’Ivoire en vert foncé (en vert clair, les membres observateurs)

Cette initiative vient consolider l’appartenance de la Côte d’Ivoire et surtout la volonté manifeste du Président de la République à coopérer ouvertement avec l’OCI. Outre, les présentes actions diplomatiques avec l’OCI qui viennent conforter la place de la Côte d’Ivoire dans le concert des Nations.

Il faut signaler par ailleurs que la société civile n’est pas restée inactive. A ce titre, sous l’initiative du PNUD régional et à la faveur des assises de la 11ème Conférence de l’OCI tenue les 13 et 14 mars 2008 à Dakar au Sénégal, les résolutions prises dans le cadre de cette rencontre, ont permis de créer à Bamako au Mali les 24 et 25 Juillet 2008, le Réseau des Femmes Musulmanes Africaines (REFMA)

1. Le Sommet islamique de Dakar de 2008 et la Création du REFMA

Le 11e Sommet islamique tenu à Dakar (Sénégal) les 13 et 14 mars 2008, a franchi une nouvelle étape dans son histoire en apportant de nouvelles modifications à la Charte de l'Organisation de la Conférence Islamique (O.C.I.) adoptée en 1972.

Les textes relatifs au respect des droits de l'homme, et surtout celles en rapport avec les documents et décisions adoptés par le troisième Sommet islamique exceptionnel de 2005, qui s'est réuni à la Mecque (Arabie saoudite) les 7 et 8 décembre 2005, ont fortement contribué à la modification du Préambule de la Charte (Section 1), ses objectifs et ses principes (Section 2), les nouveaux organes de l'Organisation (Section 3), et les dispositions essentielles du communiqué final du Sommet (Section 4).

Dans la Section 1 du préambule, les Etats membres de l'O.C.I. réaffirment dans la Charte modifiée leur attachement aux principes "de la Charte des Nations Unies", et du "Droit International", d'une part ; plusieurs paragraphes de ce préambule sont nouveaux et consacrés au respect des droits de l'homme, d'autre part.
Dans la Section 2 - Les objectifs et principes sont exposés dans les articles 1er et 2, chapitre 1er de la Charte modifiée de l'O.C.I. Ainsi, parmi les nouveaux objectifs:

1. La promotion et la protection des droits de l'homme et des droits
fondamentaux "y compris les droits des femmes, des enfants, des jeunes, des personnes âgées et des personnes à besoins spécifiques..." (art. 1er, para. 14). Ainsi nous sommes en présence d'un nouveau but parmi les buts de l'Organisation, d'une part. D'autre part, ce paragraphe couvre plusieurs aspects de la protection souhaitée concernant différentes catégories des personnes, à savoir: les femmes, les enfants, les personnes âgées, les handicapés. Nous rappelons que l'O.C.I. a adopté deux textes concernant la protection des enfants, à savoir: la Déclaration sur les droits et la protection de l'enfant dans le Monde islamique en 1994, et le Covenant des droits de l'enfant en Islam en 2005.

2. Un des objectifs de l'O.C.I., de l'article 1er para. 14, est de "veiller à la sauvegarde des valeurs inhérentes à la famille musulmane". Nous comprenons les soucis des rédacteurs de la Charte modifiée d'insister sur l'importance des valeurs de la famille musulmane et la nécessité de protéger ces valeurs, mais pourquoi limiter cette protection aux valeurs des familles musulmanes? Les autres familles non musulmanes vivant dans les Etats islamiques ont aussi leurs valeurs et elles méritent d'être protégées et sauvegardées au même titre que les familles musulmanes.

Dans la Section 3, les modifications apportées à la Charte de l'O.C.I. ont permis de créer un nouvel organe, d'un côté, et de consacrer un article à un organe déjà existant :

La Commission Permanente Indépendante des Droits Humains. Il n'y avait pas d'organe au sein de l'O.C.I. chargé des questions des droits de l'homme. Grâce aux nouvelles modifications, une Commission Permanente Indépendante des Droits Humains a été créée par l'article 15, Chapitre X. Cette Commission permanente a pour but de "favoriser les droits civiques, politiques, sociaux et économiques consacrés par les conventions et déclarations de l'Organisation, ainsi que par les autres instruments universellement reconnus, en conformité avec les valeurs Islamiques". Ainsi, la principale tâche de cette Commission est de "favoriser" plusieurs catégories des droits: politiques, sociaux et économiques.
Enfin, dans une deuxième déclaration de sa 4ème Session extraordinaire appelée le «Pacte de La Mecque», le sommet a proclamé son soutien aux «peuples musulmans opprimés, comme le peuple syrien».

2. Les objectifs du REFMA

Comme on peut le constater, le 11e Sommet islamique de 2008 a confirmé, les décisions prises par le Sommet exceptionnel comme la création de la Commission Permanente Indépendante des Droits Humains, et a réaffirmé, les projets d'adoption de plusieurs textes relatifs aux droits de l'homme, ou la création du poste de Haut commissaire des droits de l'homme. Toutes ces dispositions ont permis la création du Réseau des Femmes Musulmanes Africaines (REFMA) en tant qu’une plate forme ouverte d’échange de connaissances, d’expériences et de concertation sur l’amélioration de la participation politique des femmes en Afrique.

Pour atteindre cet objectif, le REFMA se propose de lutter contre certaines formes de croyances et pratiques traditionnelles néfastes telles que la faible scolarisation des filles, les mariages forcés et précoces, les différentes formes de violences faites aux femmes ainsi que la pauvreté, qui constituent bien souvent un frein à l’émancipation et à l’épanouissement de la femme africaine en général et de la femme africaine musulmane en particulier.

Le lancement du Réseau a eu lieu du 27 au 28 novembre 2008 à Bamako, en République du Mali, en présence des autorités maliennes, des membres du Corps Diplomatique, des représentants résidents et conseillers des différents bureaux du Système des Nations Unies en Afrique, des représentants de l’Organisation de la Conférence Islamique – OCI et ceux de la CEDEAO et de l’Union Africaine. Les assises ont regroupé plus d’une centaine de participants (femmes parlementaires, universitaires, membres de l’administration, militants d’ONG, agents des Systèmes des Nations Unies) venus de différents pays, y compris la Côte d’Ivoire.

A la suite de ces assises, la Côte d’Ivoire a été représentée par Hadja Touré Diabaté Ténin, dans le Comité de pilotage du Réseau qui compte huit pays : Côte d’Ivoire, Djibouti, Egypte, Mauritanie, Sénégal, Sierra Leone, Somali land et Tunisie. Le Réseau s’étant donné des textes organiques, il s’est agi pour chaque membre fondateur de créer la section de son Pays. C’est dans ce cadre qu’a été créée le 13 mai 2010 à Abidjan, la Section de la Côte d’Ivoire (REFMA-CI). Le lancement solennel des activités a suivi le jeudi 27 mai 2010 à l’Hôtel du District d’Abidjan.

3. Les objectifs du REFMA-CI

Le REFMA-CI a pour objectifs de :
- promouvoir et renforcer la capacité des membres afin d’améliorer leur participation publique, leur capacité et leur leadership, en vue de l’élimination des difficultés auxquelles les femmes musulmanes sont confrontées ;
- mettre sur pied une plateforme d’échanges, de production, et de gestion des connaissances et des expériences sur le statut de la femme musulmane et les droits humains ;
- diffuser les informations sur les questions relatives à l’éducation, la formation, la santé, les droits de la femme musulmane, la lutte contre la pauvreté féminine, le développement durable et de la participation de la femme musulmane à la vie publique.

4. Les moyens d’action

Pour réaliser les objectifs ci-dessus, le Réseau aura notamment recours aux moyens d’actions suivants :
- mobiliser les femmes musulmanes et sympathisantes, renforcer leur solidarité et susciter leur intérêt pour la prise des décisions et une meilleure participation à la vie publique en vue d’une appropriation du Réseau par les femmes musulmanes elles mêmes ;
- créer un forum d’échanges de connaissances sur les défis et enjeux à relever, les meilleures pratiques et les expériences dans le domaine de la participation à l’espace public. Les outils pourront être partagés et améliorés ;
- promouvoir et renforcer la capacité des membres afin d’améliorer leur participation publique, leur capacité et leur leadership ;
- doter le Réseau d’une stratégie de communication afin d’atteindre ses objectifs, mais aussi pour sa propre visibilité, par le biais de débats et autres événements ;
- faire en sorte que le plaidoyer revête une dimension fondamentale dans les activités du Réseau, car il est indispensable de mener une large campagne de sensibilisation à l’intention des populations et des communautés religieuses notamment, et de créer des partenariats avec elles ;
- travailler de concert avec les autorités administratives, les collectivités locales, les institutions et les organisations de la société civile, pour renforcer les capacités des personnes physiques et associations de femmes musulmanes en vue de vulgariser les bonnes pratiques de gouvernance et de réduction des violences à l’égard de la femme en général;
- promouvoir la réforme juridique et judiciaire afin de renforcer la protection juridique de la femme, de l’enfant et de la famille musulmane.
- travailler sur l’appropriation par les femmes musulmanes du Coran et de la Sunna, afin d’éviter les interprétations défavorables aux femmes en général;
- rassembler des fonds afin de soutenir les programmes qui ont des objectifs similaires à ceux du Réseau tels que la gouvernance, la participation à la vie publique et politique, la lutte contre les Violences Basées sur le Genre (VBG) ;
- faire en sorte que la participation publique, soit considérée comme transversale dans tous les domaines d’intervention, notamment l’environnement, l’éducation, la santé et l’autonomisation économique ;
- promouvoir l’auto emploi, l’entrepreneuriat et l’insertion professionnelle des jeunes musulmans et sympathisants sans discrimination de genre.

5. Les Réalisations du REFMA-CI

La Section Côte d’Ivoire a à son actif diverses activités socioculturelles et a pris part à plusieurs rencontres nationales et internationales .

6. Les Perspectives

Dans le cadre des projets à réaliser le REFMA-CI se propose d’initier des cours d’initiation à l’éthique islamique pour contribuer au renforcement des cours d’initiation religieuse ( perception et réhabilitation de la solidarité chez les enfants et au sein de la Communauté entière).

La réalisation d’un Programme d’urgence post-crise en prenant en compte les besoins formulés par les communautés, notamment :
• l’alphabétisation des femmes et des jeunes avec trois composantes : (i) initiation à l’alphabétisation fonctionnelle des acteurs du secteur informel ; (ii) apprentissage civique à l’intention des chauffeurs d’engins et véhicules de transport en commun ; et (iii) alphabétisation et insertion professionnelle des jeunes issus des Medersa et de la rue à la recherche d’un premier emploi.
• Implantation de postes de santé dans les mosquées et lieux de culte animés par un personnel soignant bénévole avec trois (3) composantes principales : (i) les soins primaires (formation à la gestion des pharmacies communautaires, formation du personnel bénévole, etc.) ; (ii) les soins à l’intention du couple mère-enfant (PMI, programme de vaccination nationale) ; et (ii) la lutte contre les maladies endémiques et émergentes (SIDA, paludisme, etc.).
• Implantation de crèches et de garderies d’enfants en partenariat avec les communes.
• Implantation de centres d’écoute pour familles et personnes en difficultés dans les mosquées et lieux de culte avec trois composantes : (i) formation de formateurs et profilage du personnel bénévole (psychologues, assistants et assistantes sociaux, éducateurs et animateurs socioculturels) ; (ii) identification de groupes de prière et formation de chorales islamiques ; et (iii) assistance/encadrement de la communauté (visites dans les communautés et familles ; initiation à la solidarité et à la prière, etc.).
• Renforcement des capacités des Imams, Prédicateurs et Guides religieux, en gestion de projets avec deux composantes : (i) séminaire de formation de formateurs à la gestion des projets ; et (ii) atelier technique sur le financement des projets et leur mécanisme de suivi.

Par Hadja Touré Diabaté Ténin, Enseignante-chercheur, Sociologue
Membre du Comité de Pilotage du Réseau des Femmes Musulmanes Africaines (REFMA)
Présidente du Réseau des Femmes Musulmanes Africaines-Section de Côte d’Ivoire (REFMA-CI)
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