Ahmadou Hampaté Ba, que j’avais l’habitude de fréquenter, me répétait inlassablement qu’il y avait une grande différence entre l’homme blanc et l’homme noir. Pour sa démonstration, il prenait l’exemple de l’enfant blanc devant son père. « En Europe, quand le père parle à son fils, ce dernier le regarde droit dans les yeux. En Afrique, l’enfant baisse la tête quand son père lui parle. Le fixer dans les yeux est un signe grave d’irrespect, de désobéissance qui peut conduire à être maudit. Or, chez le blanc, un tel comportement de l’enfant montre qu’il est intelligent. » Dès que je finis d’écrire une chronique, une autre s’impose à moi aussitôt. Dans mon choix d’écrire sur la rentrée, je me suis rappelé les propos de notre grand et éternel traditionaliste. En Europe, quand on parle de la rentrée, c’est en général de la rentrée politique, pas le scolaire. La rentrée politique c’est le retour des hommes politiques sur scène après avoir passé deux ou trois semaines de repos dans des lieux de vacances. La rentrée, chez eux, c’est surtout le retour du politique avec des idées fortes, pour frapper à l’œil de l’électeur. En Afrique, la rentrée, quand on en parle est surtout scolaire. Elle peut s’étaler sur trois mois et les mêmes slogans reviennent depuis une trentaine d’années. Déjà, les signes d’un échec annoncé des écoliers et des élèves s’annoncent à travers les propos et le comportement des parents. Toujours les plaintes et les récriminations dans la bouche, montrant leur peu de détermination à suivre l’évolution de leurs progénitures. Jamais, ils ne sont prêts pour une rentrée scolaire. Avant d’aller en vacances, les élèves qui passent en classe supérieure reçoivent les fournitures à acheter pour la rentrée scolaire. Les parents les mettent dans les archives. Ils connaissent la date de la rentrée scolaire. Ils s’asseyent dessus. Or, ils pouvaient déjà commencer à acheter peu à peu les fournitures sans que cela n’agisse sur leurs fonds. En outre, la plupart des travailleurs bénéficient de prêts scolaires dans leurs entreprises ou même des banques. Dès qu’on annonce la rentrée scolaire, ce sont des jérémiades à n’en point finir. Tous crient à l’unisson qu’on doit reporter la rentrée. Une rentrée fixée presque à chaque fois, à dessein, au milieu du mois pour permettre aux parents d’inscrire et de payer les fournitures avec la possibilité d’utiliser le salaire d’avant et d’après. En achetant les fournitures, ils disent inlassablement que les fournitures scolaires coûtent cher comme les femmes, qui depuis des siècles, disent que le marché est cher. Le slogan de la cherté des manuels scolaires ne prend que ceux qui veulent bien y croire. Comment des personnes qui ne fréquentent qu’une fois une librairie dans l’année peuvent parler de la cherté des manuels scolaires ? Il serait bon que les hommes politiques se déguisent, tous les soirs, pour visiter les quartiers et voir leur fameux peuple à l’œuvre. C’est la bamboula tous les soirs dans les quartiers avec les beuveries, la nourriture en plein ciel, ça mange, ça boit, ça danse, tout en se plaignant de la cherté de la vie. Presque tous les chefs de famille ont de quoi assurer une bonne rentrée scolaire à leurs progénitures rien qu’en diminuant leurs dépenses inutiles de l’année dans les maquis et les plaisirs futiles. On comprend donc aisément que les parents n’ont jamais le temps de s’occuper au quotidien du suivi scolaire de leurs enfants. Presque tous les enseignants savent que les parents viennent rarement rencontrer les maîtres de leurs enfants, même s’ils sont convoqués. Il est déplorable qu’on mette un peu trop l’accent sur les enseignants dans l’échec des élèves. Les vrais responsables des échecs scolaires sont en grande partie les parents. On doit insister sur cette responsabilité durant toute l’année scolaire. Faire des campagnes toute l’année pour « dénoncer » les parents d’élèves. La réussite scolaire commence et se prend à la maison. Le père et la mère doivent suivre l’enfant jusqu’au bout. Tous les soirs, parler avec lui des cours qu’il a pris, contrôler ses devoirs, le faire étudier, rencontrer ses enseignants tous les mois. Le priver tous les soirs des feuilletons et autres émissions de distraction. Eviter de prendre son enfant pour son copain. Ne même pas imaginer qu’on pourrait soudoyer un examinateur lors des examens et concours en fin d’année. En plus, il est bon, tous les mois, après la rentrée scolaire, de préparer déjà la suivante. Tous les mois, épargner une petite somme. Quel que soit le montant en dix mois, c’est une aide précieuse qui sera bénéfique. Le rôle des parents, c’est de pousser à la réussite des enfants. Et le chemin du succès de l’enfant passe absolument par le suivi contraignant de l’enfant. Et quand l’enfant aura tous ses diplômes et qu’il sera dans une bonne situation professionnelle, c’est le père qui en tirera les plus grands bénéfices. Dans un monde qui devient de plus en plus difficile, les canards boiteux n’ont pas de place. L’émergence passe absolument par de bonnes études. Parents d’élèves, levez-vous! On doit désormais vous noter. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine !
Par Isaïe Biton Koulibaly
Par Isaïe Biton Koulibaly