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Politique Publié le mercredi 3 octobre 2012 | Le Patriote

Jean-Marc Simon (Ex-ambassadeur de France en Côte d’Ivoire) : “Le général Dogbo a une responsabilité colossale dans les massacres postélectoraux”

© Le Patriote Par Nathan KONE
Dîner en l`Honneur de l`ambassadeur de France en Cote d`Ivoire SEM Jean-Marc Simon
Jeudi 01 mars 2012. Abidjan. Palais Présidentiel au Plateau, le Chef de l`État, son épouse et les membres du gouvernement ont offert un dîner d`adieu à SEM Jean-Marc Simon, ancien ambassadeur de France.
A l’occasion de l’ouverture du procès du général Dogbo Blé et ses complices, Radio France Internationale a rencontré l’ancien ambassadeur de la France en Côte d’Ivoire, Jean-Marc Simon. Nous vous proposons l’intégralité de l’entretien qu’il a eu avec la « radio mondiale ».
RFI : Quel souvenir vous a laissé le général Dogbo Blé ?
Jean-Marc Simon : Le général Dogbo Blé est pour moi un brillant officier, c`est incontestable, mais c`est aussi un soldat perdu. Sorti parmi les tous premiers de sa promotion à Saint-Cyr Coëtquidan, en France, il avait une très belle carrière devant lui. Par fidélité au président Gbagbo, par solidarité ethnique et idéologique probablement, il s`est engagé dans une dérive qui a conduit le pays aux événements dramatiques qu`on a connus tout au long de la crise postélectorale.

RFI : Officiellement sous Laurent Gbagbo, le chef d’état-major était le général Philippe Mangou. Mais en réalité, n’est-ce pas Dogbo Blé ?
JMS : Je pense que vers la fin de la crise, disons au mois de mars, le général Mangou ne bénéficiait plus d’une totale confiance du président Gbagbo et son entourage. En revanche, le général Dogbo Blé est le fidèle des fidèles. C’est l’homme à qui toutes les opérations sont confiées. C’est lui qui est à la man?uvre pendant la bataille plus que tout autre.
RFI : A l’époque, vous avez été surpris par la capacité de résistance des fidèles de Laurent Gbagbo. Est-ce qu’il n’était pas l’âme de cette résistance ?
JMS : Absolument ! C’est Dogbo Blé qui était à la tête des FDS, la Garde républicaine, le chef d’orchestre, le chef d’état-major. Il a été un combattant pugnace.

RFI : Ce qu’il faut dire, c’est que pendant les derniers jours de la bataille, il n’était pas au côté de Laurent Gbagbo à la résidence à Cocody. Mais il était à la présidence au Plateau. Est-ce bien cela ?
JMS : C’est à partir de la présidence qu’il menait les opérations.

RFI : Bruno Dogbo Blé avait transformé la présidence en une véritable citadelle, non ?
JMS : C’était une véritable poudrière qui a été retrouvée au lendemain du 11 avril. C’était proprement sidérant. Le sous-sol du palais était truffé de missiles, d’explosifs… C’était inimaginable.

RFI : En juillet dernier, le général Dogbo Blé a été inculpé de génocide par la justice militaire ivoirienne. La charge est très lourde. Alors de quel crime de masse peut-il être accusé ?
JMS : Ecoutez ! Génocide, c’est la qualification qui a été employée. Je ne vais pas la critiquer ou revenir là-dessus. On verra si cela s’applique ou pas. Ce que je veux dire, il y a eu un minimum de 3000 morts durant cette crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Moi, j’estime qu’il y en a eu beaucoup plus. En réalité, 3000, c’est ceux qui ont été dénombrés et comptés. Notamment par les Nations unies. Mais il y en a forcement beaucoup plus. Et pour tous ces morts, le général Dogbo Blé a évidemment une responsabilité colossale. Mais c’est la justice qui dira qui a été responsable de quoi, très précisément.

RFI : Est-ce qu’il y a eu des massacres de civils dont le général Dogbo Blé peut-être tenu comme responsable ?
JMS : Pour moi, il y en a un. C’est l’exécution de quatre otages étrangers dont deux ressortissants français dans les locaux même de la présidence de la République au Plateau dans la soirée du 4 avril 2011.Il ne fait aucun doute que sa responsabilité est engagée. Puisque il était sur les lieux. C’est lui qui dirigeait. On ne peut pas imaginer qu’il n’ait pas su ce qui se passait dans les locaux dont il avait la charge. D’autant plus que j’avais moi-même, dès l’enlèvement de ces personnes, appelé les autorités légitimes de l’époque pour leur dire qu’elles avaient franchi une ligne rouge et que nous attendions une libération immédiate de ces quatre ressortissants étrangers.

RFI : Alors, ces quatre expatriés ont été enlevés en début d’après-midi le 4 avril. Est-ce que vous avez réagi très vite ou pas ?
JMS : Très vite. J’ai aussitôt appelé les proches de Laurent Gbagbo pour les mettre en garde contre cette affaire.

RFI : A quelle heure ?
JMS : Je n’ai pas l’heure précise. Mais à mon avis, vers 15 heures.

RFI : Est-ce que ces quatre enlèvements auraient pu être ordonnés par le général Dogbo Blé lui-même ?
JMS : Je ne sais pas par qui ils ont été ordonnés. Mais ce ne sont pas des décisions qui sont prises par des subalternes. Il y a forcement des ordres qui sont donnés.

RFI : Et quels sont des éventuels massacres de civils ivoiriens sur lesquels le général Dogbo Blé peut porter une responsabilité ?
JMS : Nous avons tous en mémoire le terrible massacre des femmes d’Abobo qui manifestaient pacifiquement et qui se sont fait tirer dessus à la mitrailleuse lourde. C’est quelque chose qui a été très choquant.

RFI : Hier (NDLR : lundi), on a appris que le général Dogbo Blé, conjointement avec le commandant Séka Séka et deux autres officiers, étaient inculpés pour l’assassinat de l’ancien président Robert Guéi, en septembre 2002. Est-ce à dire qu’il était dans l’appareil sécuritaire depuis l’arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo ?
JMS : Il était à la tête de la Garde républicaine dès 2001, à ma connaissance. Et dans tout ce qui s’est passé en 2002, il est évident qu’il a une responsabilité.

RFI : Pour l’instant, seuls les officiers proches de Laurent Gbagbo sont dans le collimateur de la justice. Est-ce que cela ne vous parait pas déséquilibré ?
JMS : Chaque chose en son temps. La Cour pénale internationale qui est une institution indépendante, composée de juristes de haut niveau. On verra le moment venu s’ils décident d’étendre les poursuites vers d’autres personnes.

RFI : C’est ce qui est de la justice internationale. Est-ce qu’au niveau de la justice ivoirienne, il n’y a pas deux poids deux mesures ?
JMS : Ecoutez ! Pour l’instant, il y a les victimes qui semblent tout de même en plus grand nombre d’un côté que de l’autre. Et c’est toutes ces victimes-là qui réclament justice.

RFI : Certains disent que le régime actuel est trop fragile pour laisser la justice ivoirienne poursuivre des officiers FRCI. Qu’en pensez-vous ?
JMS : Pas que le régime soit fragile. Le régime fonctionne. Le pays progresse. Alors, il y a encore beaucoup de questions à régler au sein des forces de sécurité. Je crois qu’en 18 mois, les choses ont considérablement progressé d’après les informations que je reçois.
Retranscrits par Jean-Claude Coulibaly
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